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par Nathalie Jeanne d’Othée
Depuis la fin 2022, des colons extrémistes sont au pouvoir en Israël. Les impacts du nouveau gouvernement israélien sur la situation en Palestine occupée sont délétères. Le régime d’apartheid israélien que subit la population palestinienne s’est encore renforcé. Pourtant, face à la détérioration galopante de la situation, l’UE est paralysée. Les avancées minimes réalisées par la Belgique et l’UE en matière de différenciation sont très loin de suffire. L’UE et la Belgique doivent évoluer vers plus de cohérence, sous peine de perdre leur crédibilité sur la scène internationale.
Le 26 juin, l’organisation israélienne Peace Now établissait le nombre de nouveaux logements approuvés par le gouvernement israélien dans les colonies depuis le début 2023 : 13 000 logements, en seulement six mois ! En comparaison, 4427 nouveaux logements avaient été approuvés sur toute l’année 2022. Et le chiffre record est celui de 12 159 nouveaux logements en un an, en 2020.
Doit-on encore le rappeler ? Le transfert par une puissance occupante de sa propre population dans le territoire qu’elle occupe est une violation grave du droit international (art. 49 de la IVe Convention de Genève) et constitue un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (art. 8 b, viii).
L’Annexion, un constat limpide
Le nouveau gouvernement Netanyahou n’a jamais caché son ambition, écrite noir sur blanc dans son accord de coalition : «Le gouvernement encouragera et développera l’expansion de la présence juive dans toutes les parties de la Terre d’Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan et en Judée et Samarie».
La mise en application n’a pas tardé. La colonisation israélienne en Cisjordanie avance, par la construction de nouveaux logements dans les colonies ou de nouveaux avant-postes de colonies, par la légalisation d’avant-postes existants, par la remise en cause du gel d’autres avant-postes, par l’annonce d’extension des colonies existantes, par la construction de nouvelles routes pour les colons ou encore par la mise en place de colonies pastorales, qui permettent de rapidement accaparer de larges territoires.
Mètre carré par mètre carré, dunum par dunum, Israël annexe le territoire palestinien occupé, et cela à une vitesse inégalée
Cette colonisation s’accompagne d’un déchaînement de la violence de la part des colons. Le 26 février, une attaque coordonnée de colons s’est ainsi abattue sur le village palestinien de Huwara, dans le sud de Naplouse. Même en Israël, les observateurs n’ont pas hésité à parler de pogrom. Si le pogrom de Huwara a attiré les médias par son ampleur, des violences similaires touchent quotidiennement les communautés palestiniennes vivant à proximité de colonies. Les colons ont pour habitude d’appliquer une politique du «prix à payer», redoublant de violence lorsque les intérêts des colons sont touchés, que ce soit par une attaque palestinienne ou une décision du gouvernement israélien. Une vague de violences de colons a ainsi déferlé sur toute la Cisjordanie suite à l’assassinat de quatre colons israéliens par deux assaillants palestiniens près de la colonie d’Elie. Mais contrairement à ce que peuvent laisser penser certaines communications du gouvernement israélien ou de l’armée israélienne, les colons violents sont protégés voire aidés par l’armée. C’est cela que tente de souligner l’organisation israélienne de défense des droits humains B’tselem lorsqu’elle déclare que «la violence des colons est une violence d’État».
Le 18 juin dernier, le gouvernement israélien a par ailleurs décidé de confier au ministre des Finances, Bezalel Smotrich, la compétence de planification des nouvelles colonies. Outre le fait de confier la tâche à un colon notoirement reconnu comme extrémiste, cette décision réduit aussi le nombre d’étapes du processus d’approbation de nouveaux projets de six à deux étapes, et ne fait intervenir qu’une seule instance administrative en dehors du ministre lui-même. Plus aucune autre instance politique, administrative ou militaire n’y intervient plus. La communauté internationale perd par conséquent la possibilité d’exercer des pressions contre de nouveaux projets de construction. D’autant plus que l’information sur la mise en œuvre de nouveaux projets ne lui parvient généralement qu’une fois la première étape passée. À noter que depuis le 23 février, Bezalel Smotrich était déjà en charge de l’administration civile de la Cisjordanie, faisant de lui le gouverneur de la «Judée et Samarie», pour reprendre le nom donné en Israël à la Cisjordanie. À ce titre, il contrôle le (non)-développement des communautés palestiniennes en zone C, la partie de la Cisjordanie entièrement sous contrôle israélien (62% du territoire). Un ministère civil régit donc l’ensemble des aspects de la vie en Cisjordanie, ce qui équivaut à une annexion de jure du territoire.
De jure et de facto, Israël annexe donc bien le territoire palestinien occupé. Et cela en toute impunité
L’impunité dont bénéficie Israël nourrit le désespoir côté palestinien, et renforce la résistance armée palestinienne, particulièrement active à Jénine et Naplouse. Cette résurgence de la résistance armée entraîne des incursions régulières de l’armée israélienne dans les villes palestiniennes, causant de nombreuses victimes palestiniennes. Mi-mai, le Bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires comptait déjà 147 décès de Palestiniens, Cisjordanie et bande de Gaza comprises. Les attaques israéliennes sont de plus en plus violentes et meurtrières, désormais accompagnées de frappes aériennes, comme en témoigne encore les attaques subies par la ville de Jénine fin juin et début juillet. Et un récent sondage d’opinion palestinien montre que ces escalades de la violence entraînent un soutien renforcé aux groupes armés palestiniens et une érosion supplémentaire du soutien à une solution à deux États.
Faiblesse de l’UE
Face à l’intensification vertigineuse de la colonisation israélienne, qui équivaut à une annexion de facto du territoire palestinien occupé, il est consternant de constater l’inefficacité des multiples déclarations du Service européen d’action extérieure (SEAE), la diplomatie de l’Union européenne.
L’UE «réaffirme sa position selon laquelle les colonies sont illégales au regard du droit international et qu’elle ne reconnaîtra aucune modification des frontières de 1967 autre que celles convenues par les parties. L’UE renouvelle son appel aux autorités israéliennes pour qu’elles mettent un terme à la construction des colonies et qu’elles reviennent d’urgence sur ces dernières décisions». (13 février 2023)
«Les colonies sont illégales au regard du droit international. Israël doit mettre fin à l’expansion des colonies, prévenir la violence des colons et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient tenus pour responsables». (8 mars 2023)
«L’UE considère que les colonies sont illégales au regard du droit international. Elles constituent un obstacle majeur à la paix et menacent la viabilité de la solution des deux États». (21 mars 2023)
«Les colonies sont illégales au regard du droit international et compromettent la viabilité de la solution des deux États. Ces actions unilatérales vont à l’encontre des efforts visant à réduire les tensions sur le terrain». (24 mai 2023)
«Conformément à sa forte opposition de longue date à la politique de colonisation d’Israël, l’Union européenne est préoccupée par les projets annoncés par Israël de faire avancer la planification de plus de 4000 unités de colonisation en Cisjordanie occupée à la fin du mois de juin. L’UE demande à Israël de ne pas aller de l’avant. Les colonies sont illégales au regard du droit international, constituent un obstacle à la paix et menacent la viabilité de la solution des deux États. L’Union européenne est également préoccupée par les modifications adoptées le 18 juin par le gouvernement israélien en ce qui concerne le processus de planification et d’administration des colonies, qui accélérera la planification et l’approbation des colonies». (19 juin 2023)
«L’UE est profondément préoccupée par l’escalade de la violence en Israël et dans les territoires palestiniens occupés et par la poursuite de l’expansion des colonies de peuplement. Nous demandons instamment à toutes les parties d’œuvrer à la désescalade et de mettre fin au cycle de la violence». (21 juin 2023)
Si elle n’assortit pas ses prises de positions de mesures concrètes, l’Union européenne sera condamnée à répéter de plus en plus souvent cette même litanie, au risque d’y perdre toute crédibilité. En comparaison, les positions de l’UE face à l’annexion illégale de parties de l’Ukraine par la Russie ont directement été assorties de sanctions. Les voix sont par conséquent de plus en plus nombreuses à dénoncer une logique de double standard qui décrédibilise tout le discours européen sur le respect du droit international et des droits humains et amène de plus en plus de pays du Sud à tourner le dos à l’UE.
(Très) petites avancées
Récemment, plusieurs avancées peuvent être soulignées au niveau de l’UE, même si elles restent minimes. Premièrement, la Commission européenne a introduit de nouvelles règles pour les importateurs. Ces derniers doivent désormais apposer un code («Y864») sur leurs déclarations en douane pour les biens provenant d’Israël, certifiant ainsi que ces biens ne proviennent pas des colonies. Selon la Commission européenne, cette mesure facilitera les contrôles douaniers et donc l’exclusion des produits des colonies du tarif préférentiel octroyé en vertu de l’Accord d’Association UE-Israël. Elle pourra par conséquent permettre d’améliorer l’application de l’étiquetage d’origine des produits des colonies. Elle facilitera également la récolte de statistiques sur le volume du commerce existant entre l’UE et les colonies israéliennes. Mais attention de ne pas y voir une panacée. Il est en effet indispensable que cette mesure soit accompagnée de contrôles douaniers renforcés pour être efficace.
C’est ce que s’emploient à faire les douanes belges. Le gouvernement belge s’est en effet engagé à renforcer sa politique de différenciation vis-à-vis des colonies israéliennes, c’est-à-dire leur exclusion de toutes les relations bilatérales que la Belgique entretient avec Israël. En octobre 2021, un accord a été trouvé entre les partenaires de majorité pour ainsi avancer dans plusieurs domaines, dont un renforcement des contrôles douaniers pour les biens en provenance d’Israël.
Autre avancée récente, le Haut-Commissariat a enfin publié fin juin une mise à jour de la base de données des Nations unies des entreprises impliquées dans la colonisation israélienne. Cette mise à jour a lieu avec deux ans et demi de retard, étant donné qu’elle doit normalement avoir lieu annuellement. Malheureusement, la mise à jour n’a fait que retirer 15 entreprises de la liste initiale des 112 (publiée en février 2020). Le Haut-Commissariat n’a en effet pas engagé de travail d’investigation supplémentaire, faute selon lui de ressources structurelles allouées à ce travail dans son budget. La mission palestinienne à Genève a donc soumis une brève résolution technique au Conseil des droits de l’homme des Nations unies afin que des ressources spécifiques soient allouées au Haut-Commissariat pour qu’il procède à l’avenir à une mise à jour annuelle de la base de données. Cette résolution sera soumise au vote lors de la session en cours du Conseil des droits de l’homme. S’étant engagée à soutenir politiquement et financièrement la mise à jour de la base de données, la Belgique devrait vraisemblablement voter en faveur de cette résolution. Espérons qu’elle encouragera aussi les autres États européens membres du Conseil des droits de l’homme à la soutenir.
Cohérence et interdiction du commerce avec les colonies
Outre ces quelques avancées, l’UE et la Belgique doivent se poser la question de la cohérence et de leur propre implication dans l’entreprise de colonisation israélienne. L’UE continue en effet d’autoriser le commerce avec les colonies israéliennes. Ce commerce continue donc à contribuer à la viabilité de l’entreprise coloniale israélienne. L’exclusion du tarif préférentiel et l’étiquetage des produits ne suffisent pas, l’UE et la Belgique doivent interdire le commerce avec les colonies israéliennes.
C’est ce que demandent plus de 277 000 citoyens et citoyennes européens, dont 20 000 Belges, qui ont signé une pétition pour l’interdiction du commerce avec les colonies illégalement installées dans les territoires occupés, partout dans le monde.
Ce résultat et l’importance de la problématique ont poussé la commission du Parlement européen pour les pétitions (PETI) à demander que la Commission européenne donne une réponse officielle à cette pétition. La commission PETI a également demandé que cette pétition soit discutée au sein de la commission du Parlement européen sur le commerce international (INTA). Cette dernière a dès lors décidé d’inviter la Commission européenne à un prochain échange de vues sur le sujet.
Les discussions devront prendre en compte le vote, le 27 juin 2023, par la commission des affaires étrangères (AFET) d’un texte sur les relations de l’UE avec l’Autorité palestinienne, qui dans ses recommandations «exige l’adoption d’une législation européenne interdisant le commerce avec les colonies dans le territoire palestinien occupé, dans le respect du droit humanitaire international».
Ces développements vont dans le bon sens, mais beaucoup trop lentement. Comme le relève l’édito du Financial Times du 27 juin, la colonisation israélienne connaît une accélération fulgurante. La réponse européenne doit être beaucoup plus ferme et décisive. Et l’interdiction du commerce avec les colonies est un minimum.
Par ailleurs, la Belgique ne peut jouer l’attentisme sur le sujet. Tant que l’Union européenne ne fait rien, les États membres ont l’obligation d’agir pour mettre fin au commerce avec les colonies. La responsabilité est à ce titre dans les mains du parlement et du gouvernement belges pour mettre cette mesure en œuvre.
source : CNCD.belge
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