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par Larry Johnson
Il n’y a toujours pas de consensus sur le mobile d’Evgueni Prigojine et les spéculations vont bon train. Certains ont posé la fausse dichotomie entre «vrai coup d’État» et «faux coup d’État». Cette approche ne tient pas compte de certaines irrégularités et de certains faits troublants, qui témoignent d’une opération croisée sophistiquée.
Mon ami Steve Bryen, un vieux briscard de la Défense américaine, a publié une excellente synthèse sur sa sous-page, «Ce qui ne s’est pas passé en Russie – Il n’y a pas eu de soulèvement et Prigojine n’a pas pu tenir ses promesses». Steve est toujours bien connecté à la communauté du renseignement et de la Défense américaine et il lâche une petite bombe métaphorique en révélant que Prigojine était en contact avec les services de renseignement militaire ukrainiens :
«Pour lancer son opération, Prigojine a pris un certain nombre de mesures au cours des six derniers mois, voire plus. Parmi celles-ci, il a constamment accusé, à tort, de ne pas recevoir suffisamment de munitions pour combattre à Bakhmout. En outre, Prigojine a accusé les dirigeants de l’armée d’être corrompus, de refuser de défendre ses flancs pendant l’opération Bakhmout et de perdre massivement dans la guerre en Ukraine. Aucune de ces accusations n’était vraie. (…)
Il s’avère cependant qu’il y avait plus que cela. Selon certaines sources, Prigojine était en contact avec les services de renseignement militaire ukrainiens (connus sous le nom de HUR MO), au moins depuis janvier dernier. Certaines sources affirment qu’il s’est également rendu en Afrique, où les forces Wagner sont opérationnelles, pour y tenir une réunion avec des responsables des services de renseignement ukrainiens.
De même, des rapports indiquent qu’il a également discuté avec un certain nombre d’unités de forces spéciales en Russie, leur demandant de se joindre à lui».
Je pense que les sources de Steve sont solides. Il convient de prêter une attention particulière au calendrier, c’est-à-dire à une réunion qui s’est tenue en janvier. C’est environ un mois plus tard que Prigojine lance des attaques verbales cinglantes contre le ministre russe de la Défense Choïgou et le chef de l’état-major général Guerassimov. De plus, selon des documents prétendument postés sur Discord par l’aviateur Jack Teixeira, Prigojine a fourni à l’Ukraine/OTAN des emplacements d’unités russes dans le Donbass.
Il s’agit là de preuves circonstancielles solides que Prigojine n’est pas seulement devenu un bandit, mais aussi un traître. Permettez-moi de souligner un point évident du point de vue du contre-espionnage : fournir à l’OTAN l’emplacement des unités russes équivaut à donner aux Esquimaux un camion de neige en janvier. Les solides capacités ISR de l’OTAN font qu’il est très probable que ces emplacements étaient déjà connus des militaires et des agents de renseignement américains et européens. Ce type d’informations corroborantes est ce que George Smiley, le chasseur de taupes de la série télévisée britannique «Tinker Tailor Soldier Spy», appelait «l’or des fous». Cela ressemble à une véritable affaire mais, une fois correctement évalué, cela ne vous apprend rien que vous ne sachiez déjà. Cela persuade simplement les personnes désireuses de croire d’avaler l’appât.
Je voudrais suggérer une autre possibilité : Evgueni Prigojine était l’appât. Les chefs de l’armée et des services de renseignement russes ne sont pas sourds, muets et aveugles. Depuis le début de l’opération militaire spéciale, les politiciens et les experts occidentaux ont insisté avec stridence sur le fait que Poutine est faible ; Poutine fait face à une opposition politique sérieuse ; Poutine est en phase terminale ; et la Russie vacille au bord du désastre économique et politique. Voici l’ancien président ukrainien Porochenko qui jette un peu d’ombre sur Poutine :
L’analyse stupide de l’ancien officier de la CIA John Sipher prouve à elle seule que la CIA est une institution en faillite. Il écrit :
«Comme les tsars avant lui, Poutine a survécu par une volonté d’utiliser la force à l’intérieur et à l’étranger, et en maintenant une image de puissance. Au cours des deux dernières décennies, de nombreux observateurs ont utilisé la même phrase pour décrire les actions de Poutine sur la scène internationale – Poutine joue bien la main faible. Ses brimades, ses menaces et ses mensonges l’ont protégé de ceux qui pourraient menacer son pouvoir.
Cependant, comme le tsar Nicolas lors de la Première Guerre mondiale, avec son invasion de l’Ukraine, Poutine a bêtement retourné toutes ses cartes et montré sa main faible, semblant rompre son charme d’invincibilité. Ce faisant, il a permis à ses ennemis de mieux évaluer leur propre force et leur position. S’il n’est pas certain que Poutine ait gravement compromis son contrôle à l’intérieur du pays, il s’est néanmoins affaibli et a affaibli la Russie, et ne peut plus bluffer en disant qu’il joue une main gagnante».
Je pense que les dirigeants russes ont finalement conclu que l’Occident croyait sincèrement à ces absurdités et ont décidé d’envoyer à Washington et à Londres leur propre version de Luca Brasi – un soldat loyal désormais prêt à trahir la famille. Vous voulez un traître ? Voici votre traître.
Jusqu’à présent, Evgueni Prigojine n’a pas subi le même sort que Brasi. Au lieu de cela, il est revenu d’Afrique pour la bataille sanglante de Bakhmout, après avoir assuré à ses nouveaux copains occidentaux qu’il était avec eux, puis a commencé à dénigrer les dirigeants et les tactiques de la Défense russe tout en transmettant de «précieux» renseignements à ses contacts en Ukraine.
Voilà qui est bien émoustillant. Les chefs politiques occidentaux et les chefs des services de renseignement au courant de la situation frémissaient d’excitation à l’idée d’anticiper le moment où Prigojine ferait un geste audacieux et où le château de cartes russe s’effondrerait. Qui pourrait arrêter les invincibles Wagnériens dirigés par le chef Prigojine ?
Deux possibilités s’offrent donc à nous : Prigojine a fait volte-face et a décidé de jouer pour l’équipe de l’Ukraine et l’équipe de l’OTAN, ou Prigojine, acteur accompli, était un agent double qui tenait ses collègues du GRU au courant de ses plans et de ses actions à venir pour le compte de l’OTAN. Trahir la Russie en devenant un agent occidental – c’est-à-dire un homme qui a accepté d’espionner pour un ou plusieurs services de renseignement occidentaux – est impardonnable. Les hommes et les femmes qui agissent de la sorte risquent de subir le même sort que Luca Brasi du Parrain.
Lorsque je prends du recul et que j’examine les actions de Prigojine après le début de la mutinerie, j’ai l’impression de voir un acteur en train d’improviser. Il suffit de regarder les affirmations complètement contradictoires et manifestement fausses de Prigojine au cours du week-end sur les raisons pour lesquelles il menait la mutinerie. Il a d’abord déclaré que Poutine est une dupe à qui l’on a fait avaler des mensonges sur l’invasion inutile et illégitime de l’Ukraine :
«Vendredi, Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner, a mis en doute les justifications du président russe Vladimir Poutine pour lancer une invasion à grande échelle de l’Ukraine, affirmant qu’il s’agissait de mensonges qui lui avaient été servis par les hauts gradés du Kremlin.
Le ministère russe de la Défense a «trompé» la société russe et Poutine, a déclaré Prigojine dans une vidéo de 30 minutes truffée d’adjectifs, publiée sur sa chaîne Telegram. Cela a intensifié sa querelle publique avec Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense du pays.
L’homme d’affaires russe, allié de longue date de Poutine, intensifie depuis des mois son barrage verbal contre Choïgou».
Puis, deux jours plus tard, il change de cap et affirme qu’il s’agissait d’une simple protestation :
«Evgueni Prigojine, chef des mercenaires russes, a déclaré lundi que la mutinerie d’un jour de sa force Wagner n’avait pas pour but de renverser le gouvernement russe, mais d’enregistrer une protestation contre ce qui, selon lui, était sa conduite inefficace de la guerre en Ukraine.
Dans ses premiers commentaires publics depuis la fin de la mutinerie samedi en fin de journée, Prigojine a réitéré son affirmation fréquente selon laquelle Wagner était la force de combat la plus efficace en Russie «et même dans le monde», et qu’elle faisait honte aux unités que Moscou avait envoyées en Ukraine le 24 février 2022».
Qu’en est-il ? Protestation ou hurlement d’indignation face à des mensonges odieux ?
Encore une donnée. David Sanger et Julian Barnes, écrivant pour le New York Times, rapportent que :
«Les responsables du renseignement américain ont informé mercredi de hauts responsables militaires et administratifs qu’Evgueni Prigojine, le chef du groupe mercenaire Wagner, se préparait à entreprendre une action militaire contre de hauts responsables de la Défense russe, selon des responsables familiers avec le sujet.
Les agences d’espionnage américaines disposaient depuis plusieurs jours d’indications selon lesquelles Prigojine préparait quelque chose et se sont efforcées d’affiner ces informations pour en faire une évaluation définitive, ont indiqué les responsables.
Ces informations montrent que les États-Unis étaient au courant des événements imminents en Russie, de la même manière que les agences de renseignement avaient averti fin 2021 que Vladimir V. Poutine prévoyait d’envahir l’Ukraine».
Vous avez compris ? Les États-Unis savaient à l’avance. Y a-t-il une chance que les Russes aient eu une idée de ce qui se préparait ?
Certains analystes avisés affirment que la Russie ne s’engagerait pas dans une ruse aussi élaborée en raison des risques qu’elle tourne mal ou qu’elle donne l’image d’une Russie vulnérable. Ce n’est pas faux. Toutefois, la Russie sait qu’elle est en guerre contre l’Occident, et pas seulement métaphoriquement, et que les États-Unis et de nombreux pays d’Europe sont désireux de la voir se déchirer. Lorsqu’une occasion de faire exploser ce mythe se présente, on la saisit.
La Russie a pu atteindre plusieurs objectifs au cours de cette mutinerie à double tranchant. Sous prétexte de contrer le coup d’État, elle a déplacé des troupes dans des zones qui auraient autrement attiré l’attention et auraient pu faire l’objet d’attaques si elles avaient été menées dans le cadre d’opérations normales en temps de guerre. Vladimir Poutine a pu mieux apprécier son soutien populaire. Même le parti communiste, qui méprise Poutine, n’a pas soutenu Prigojine. L’Occident continue d’insister sur le fait qu’il s’agit d’une démonstration de faiblesse de la part de Poutine. Mais qu’en est-il ? Aucun opposant politique d’importance ne s’est rallié au coup d’État. Le peuple russe n’est pas descendu dans la rue pour réclamer la tête de Poutine dans le cadre d’une révolution orange. C’est tout le contraire.
Imaginons un autre scénario. Un coup d’État/mutinerie est perpétré à Washington, DC, contre Joe Biden. Quelqu’un croit-il vraiment que les 50 gouverneurs et tous les membres du Sénat et de la Chambre des représentants se précipiteraient à la défense de Joe Biden ? Je ne le crois pas.
source : A Son of the New American Revolution
traduction Réseau International
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