Par Michael Shellenberger et Leighton Woodhouse − Le 6 juin 2023 − Source public.substack.com
L’ordinateur portable de Hunter Biden, la dissimulation d’OVNIs par le Pentagone, et la fuite du COVID depuis un laboratoire ont par le passé été qualifiées de “théories du complot”.
Hier, Robert F. Kennedy, candidat à l’investiture démocrate pour les élections présidentielles étasuniennes de 2024, a fait une apparition sur Twitter Spaces dans une diffusion hébergée par Elon Musk, Tulsi Gabbard, et l’investisseur en capital risque David Sacks. Il s’est exprimé pendant deux heures sur toute une suite de sujets, parmi lesquels la guerre en Ukraine, les politiques énergétiques, le contrôle des armes à feu et les origines du SARS-CoV-2. Et Kennedy a déploré la prise en main du Parti démocrate par des entreprises, a dénoncé les instincts belliqueux du président Biden, a condamné la domination de la politique étrangère étasunienne par des néo-conservateurs, et a promu les énergies renouvelables.
Pourtant, à en croire le New York Times et CNN, il s’est agi d’une orgie de théories du complot de droite. “Robert F. Kennedy Jr., rejeton de l’une des familles Démocrates les plus célèbres du pays”, écrivent trois journalistes du New York Times, “s’est entièrement associé à un parterre de figures conservatrices qui promeuvent fiévreusement son défi risqué au président Biden… Lundi, il est apparu comme candidat bien plus à l’aise dans le fourmillement des candidatures du Parti républicain.”
Dans les États-Unis de l’avant-Trump, Kennedy, environnementaliste anti-guerre, favorable à la liberté d’expression et critique acerbe de la puissance des grandes entreprises, aurait été considéré à l’unanimité comme candidat d’extrême gauche dans la lignée de Ralph Nader ou de son directeur de campagne en poste, Dennis Kucinich. Il a jadis appelé à ce que les Frères Koch soient poursuivis au pénal. Kennedy croit que la guerre en Ukraine est entretenue par “les néo-conservateurs de la Maison Blanche qui veulent un “changement de régime chez les Russes.” Dans son discours de candidature à l’investiture, il a défini sa mission comme mettant fin “à la fusion corrompue de la puissance de l’État et de celle des grandes entreprises” qui menace “d’imposer une nouvelle forme de féodalisme d’entreprises dans notre pays”.
Mais un réalignement politique vertigineux a rebattu toutes les catégories traditionnelles et n’a laissé derrière lui que deux camps : il ne s’agit plus de la gauche et de la droite, mais du camp de l’intérieur face à celui de l’extérieur. Et nonobstant la substance de ce que chacun peut penser, “l’extérieur” est synonyme, dès l’abord, de “théoricien du complot de droite”.
Au cours de la conversation tenue sur Twitter ce 5 juin, personne n’a été épargné par ce changement, et Kennedy pas plus qu’un autre. “Les Démocrates se sont peu à peu alignés sur les grandes multinationales, ont pris le parti de la guerre et celui de la censure”, a affirmé Kennedy, et les “Républicains ont adopté un positionnement opposé à la censure, favorable aux libertés civiles, et contre la guerre. Ce réalignement colossal s’est produit.”
La montée en puissance de la candidature de Kennedy a déclenché un tollé médiatique qui est presque apparu comme orchestré. Les “affirmations délirantes” de Kennedy et les “points de vue excentriques” lui ont valu “les bonnes grâces de la droite”, gémit Vanity Fair. “M. Kennedy a trouvé un nouveau mécène qui semble apprécier de déverser des excréments sur la presse : Elon Musk,” gronde The Independent. “Robert F. Kennedy Jr. Passe Une Heure à Consommer Du Elon Musk sur Twitter Space,” beugle un titre de New Republic.
Business Insider a qualifié la conversation sur Twitter d’“entretien bizarre sur Twitter Spaces jonché de contre-vérités et de théories complotistes” et a méprisé “les positions politiques étranges et parfois incohérentes” de Kennedy. Rolling Stone ricane de ses “idées farfelues et pseudo-scientifiques” et qualifie Kennedy de “candidat marginal” habité de “croyances excentriques.” Esquire le traite d’“antivax délirant” et vilipende l’idée même de mener une primaire Démocrate contestée.
Mais c’est le Washington Post qui se fait le plus cru. “Robert F. Kennedy Jr. teste les appétits conspirationnistes des Démocrates,” y écrit Michael Scherer. Selon lui, Kennedy “fait campagne sur l’idée que des gens puissants ont œuvré en secret pour vous tromper.”
Le Washington Post peut bien penser que la méfiance du grand public envers les élites ne constitue en soi qu’une théorie complotiste. Reste que les dernières années écoulées nous ont enseigné une chose : les puissants ont bel et bien œuvré en secret pour nous tromper.
Passons en revue les idées, d’emblée qualifiées de théories du complot, qui se sont avérées tout à fait vraies :
- Des documents publiés par Edward Snowden, ancien sous-traitant de la NSA, ont démontré que le gouvernement des États-Unis espionnait bel et bien des millions de citoyens étasuniens sans mandat et à leur insu, et ceux qui affirmaient que cela se produisait n’étaient ni des paranoïaques, ni des théoriciens du complot. Le directeur des renseignements nationaux d’Obama avait menti au Congrès sur le sujet de la surveillance pratiquée par la NSA avant que Snowden révélât la vérité.
- Jeffrey Epstein peut avoir été l’agent d’une opération de chantage avec la pleine connaissance de la CIA, dont les directeurs lui rendaient souvent visite, à en croire ses courriels privés.
- Les preuves sont désormais écrasantes du fait que le fils et le frère du président Biden ont monnayé auprès d’investisseurs étrangers des accès à Joe Biden, alors qu’il était vice-président. Certains de ces investisseurs étaient des Chinois disposant de liens proches avec les renseignements militaires.
- L’administration Biden et les élites médiatiques ont œuvré de manière agressive pour interdire et limiter les chaudières au gaz naturel, tout en affirmant que quiconque affirmait qu’ils interdisaient et limitaient ces dispositifs répandaient des théories du complot.
- Les États-Unis ont bel et bien établi des laboratoires biologiques en Ukraine, en dépit de la propagande émanant de la National Public Radio et d’autres médias réfutant cette réalité comme théorie du complot.
- Le Pentagone a bel et bien dissimulé les preuves d’existence d’OVNIs depuis des décennies.
- Des courriels montrent qu’Anthony Fauci, ancien directeur de la NAID, et Francis Collins, directeur du NIH, ont conspiré pour répandre le mensonge selon lequel l’hypothèse que le Covid avait émané d’un laboratoire aurait été écartée. En réalité, l’histoire des États-Unis et du monde est jonchée de nombreuses fuites de virus hors de laboratoires, et les scientifiques ont débattu âprement pour savoir si des recherches sur les coronavirus devaient être menées, au vu du risque élevé de fuite que celles-ci induisaient.
Le New York Times écrit que “les agences de renseignement étasuniennes ne pensent pas qu’il existe la moindre preuve que” le COVID-19 ait été créé dans le cadre d’un programme d’armement biologique. Mais il est parfaitement plausible que les financements du NIH de Fauci dans les recherches sur les gains de fonctions aient découlé d’un programme de défense biologique.
Michael Shellenberger et Leighton Woodhouse
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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