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par Mehdi Messaoudi
Christelle Néant, est l’une des rares journalistes, ayant bravé la mort dans la zone de guerre, pour offrir à l’opinion publique internationale, une image objective de ce qui se passe réellement au Donbass. Présente depuis bientôt 8 ans, dans cette zone de guerre, Christelle Néant livre à Algérie 54, son vécu sur la scène d’hostilités militaires, depuis son arrivée dans le Donbass, et son travail de grande difficulté de reporter de guerre.
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Algérie 54 : Bien que beaucoup de lecteurs algériens vous connaissent déjà au travers d’articles et vidéos, vous voudrez bien vous présenter vous-même à nos lecteurs ainsi que les raisons de votre engagement dans cette guerre en Ukraine, les problèmes que vous avez rencontrés, les risques que vous avez pris etc.
Christelle Néant : Je m’appelle Christelle Néant, je suis née en France, j’ai décidé fin 2015 de partir pour le Donbass afin d’y travailler comme reporter de guerre, car je ne supportais plus les mensonges que les médias français et européens propageaient sur le conflit qui avait débuté en 2014. J’avais compris dès le Maïdan que les médias occidentaux nous mentaient éhontément sur ce qui se passait en Ukraine, et je suivais donc l’actualité via plusieurs sources dont des journalistes indépendants présents sur le terrain et les médias russes. Il m’a fallu plusieurs mois pour me préparer, car je savais que je laisserai ma vie en Europe derrière moi, et je suis arrivée fin mars 2016 dans le Donbass. J’ai voyagé seule avec mon chien en voiture à travers toute l’Europe puis l’ouest de la Russie avant d’arriver. J’ai dû dormir plusieurs nuits dans la voiture avec le chien faute d’hôtel l’acceptant, et surtout j’ai dû me débarrasser de beaucoup d’affaires à la frontière, car je dépassais les 50 kg de biens réglementaires autorisés.
Depuis lors je vis et je travaille dans le Donbass, j’ai passé beaucoup de temps sur le front, je suis tombée plusieurs fois sous des bombardements de l’armée ukrainienne, dont un qui a détruit ma voiture l’an passé. Mais jusqu’ici j’ai eu beaucoup de chance et je n’ai jamais été blessée lors de tels bombardements.
Algérie 54 : Vous êtes l’une des rares consœurs et confrères qui se sont attelés à livrer à l’opinion publique internationale, une image objective sur la réalité de ce qui se passe aujourd’hui dans le Donbass. Pourriez-vous nous parler de ce que vous avez vu sur le terrain ?
Christelle Néant : J’ai pu voir de mes propres yeux de nombreux crimes de guerre de l’armée ukrainienne, comme les bombardements réguliers de zones résidentielles loin de la ligne de front, même quand les accords de Minsk étaient encore en vigueur. Et je parle de zones résidentielles où il n’y a rien de militaire, ni positions, ni pièces d’armement, ni bases militaires.
Quand l’escalade militaire a commencé mi-février 2022 (une semaine avant l’intervention de la Russie), ces crimes de guerre sont allés crescendo, l’armée ukrainienne frappant des zones civiles où se trouvent beaucoup de gens, comme le marché central de Donetsk, qui a été bombardé plusieurs fois en quelques mois. Les bombardements ukrainiens ont aussi régulièrement visé des zones très éloignées du front pour terroriser les habitants, voire des zones d’évacuation de civils, ou d’hébergement temporaire de personnes évacuées.
Le pire que j’ai vu de mes propres yeux fut Marioupol, avec l’utilisation des civils par les soldats ukrainiens comme bouclier humain, les tirs de ces mêmes soldats sur les immeubles et maisons pour les détruire alors que les forces russes sont encore loin, et enfin les viols et meurtres gratuits de civils.
Algérie 54 : Vous réalisez des reportages sur la situation dans les deux républiques depuis près de huit ans. Pourriez-vous nous parlez de votre travail de reporter, dans cette région meurtrie par plusieurs années d’hostilités armées ?
Christelle Néant : J’ai à la fois la chance et la malchance d’être une journaliste indépendante. J’ai fondé mon propre site, qui marche très bien, mais je suis seule pour faire face à une énorme charge de travail. Être reporter de guerre dans le Donbass est très difficile physiquement et psychologiquement, car au final étant seule j’ai très peu de jours de repos, et je dois faire face à beaucoup de douleur humaine. Néanmoins, c’est un travail très gratifiant, et j’ai le plaisir d’avoir des retours de commentaires de mes lecteurs, qui me disent combien mon travail leur a été utile pour ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans le Donbass. Cela aide à tenir le coup. De plus, étant indépendante, j’ai une totale liberté de parole, aucun narratif imposé par une rédaction ou des propriétaires.
Je fais aussi de l’humanitaire pour aider les civils qui souffrent du conflit en cours. Depuis le début de l’opération militaire spéciale une autre composante plus «aide sociale» est venue se rajouter, entre autre dans les territoires nouvellement libérés ou auprès des personnes évacuées de ces territoires comme Artiomovsk. En tant que journaliste j’ai la capacité et j’essaye au maximum d’aider les gens qui se sont retrouvés pris dans le maelstrom de la guerre, soit en les aidant pour des démarches administratives, soit en leur donnant des informations sur comment obtenir aide et documents, soit en les aidant à retrouver des proches ou leur transmettre un message (entre autre à Marioupol pendant la bataille il n’y avait plus de connexion mobile, les gens ne pouvaient pas appeler leurs proches en RPD, en Russie ou dans d’autres régions d’Ukraine, je transmettais donc vidéos et messages pour rassurer leurs proches).
Algérie 54 : Quelle est la situation actuellement sur le front surtout après la prise de Bakhmout/Artiomovsk. Est-ce que cela augure d’autres prises de villes ou de régions et selon vous, où s’arrêtera l’armée russe et sous quelles conditions.
Christelle Néant : La situation après la prise d’Artiomovsk a été très tendue tant sur le front ouest de la ville (l’armée ukrainienne cherchant à la récupérer), que plus au sud, en région de Donetsk et de Zaporojié, où les soldats ukrainiens se sont embourbés dans une offensive désastreuse contre les lignes défensives russes. Cela s’est soldé par un échec cuisant, la destruction de nombreux véhicules blindés et chars fournis à l’Ukraine par l’Occident, et d’énormes pertes parmi les soldats ukrainiens (plus de 7 500 pertes après une semaine, le bilan est aujourd’hui encore plus lourd). À l’heure où j’écris ces lignes l’armée russe semble avoir commencé à avancer dans la partie nord du front vers Koupiansk. Donc pour moi il est clair que d’autres villes seront reprises, tout le Donbass, et les régions de Kherson et Zaporojié encore sous contrôle ukrainien seront libérés. Où l’armée russe s’arrêtera c’est la grande question. Je pense qu’à minima les régions de Kharkov, Nikolayev et Odessa seront prises. Au delà c’est la grande inconnue.
Algérie 54 : On assiste aujourd’hui non seulement à une confrontation armée, mais aussi à une guerre de l’information. Le meilleur exemple, est celui de la couverture médiatique de la situation à Bakhmout. Qu’en dites-vous sur ce sujet ?
Christelle Néant : La propagande ukrainienne, reprise telle quelle par les médias occidentaux, dont les médias français, est outrancière, basée sur la répétition constante de mensonges tous plus gros les uns que les autres, ce qui fait qu’elle se discrédite. Quand des médias assurent que l’Ukraine a encore le contrôle d’une zone d’Artiomovsk alors que Wagner publie des photos et vidéos de ses soldats avec des drapeaux russes dans les zones en question, cela montre que les informations de ces médias ne valent rien et n’ont rien à voir avec la réalité. Le problème qu’on a eu à Artiomovsk, c’est la complicité des journalistes, y compris occidentaux, dans les crimes de guerre des soldats ukrainiens. À minima les journalistes ukrainiens et étrangers savaient à l’avance où les soldats ukrainiens allaient bombarder la ville, et apparaissaient immédiatement après les tirs pour filmer des reportages dans lesquels ils accusaient la Russie d’avoir bombardé Artiomovsk. Certains de ces bombardements ont tué des civils, ce qui rend ces journalistes complices de leur meurtre par les soldats ukrainiens. Encore pire, certains réfugiés d’Artiomovsk nous ont dit que les journalistes payaient les soldats ukrainiens pour ces bombardements «à la carte» afin d’avoir de belles images pour leurs reportages. Voilà les méthodes de l’Ukraine et de l’Occident en matière de guerre de l’information.
Algérie 54 : Que pensez-vous du travail sur le terrain de l’OSCE qui semble, selon certains écrits et avis, quelque peu alignée sur la propagande Atlantiste. Même dans le narratif des responsables Russes ?
Christelle Néant : Le travail de l’OSCE dans le Donbass a été une catastrophe. L’organisation était totalement partiale, pro-Kiev et pro-OTAN, même si certains observateurs de terrain essayaient de faire correctement leur travail, les rapports étaient rédigés à Kiev, et expurgés de beaucoup de crimes de guerre de l’Ukraine. Des habitants des villages et villes proches de la ligne de front les accusaient régulièrement d’espionner pour l’Ukraine. Et lors de l’avancée des troupes russes on a découvert que c’était vrai. Les caméras de surveillance de la ligne de front de l’OSCE étaient sous contrôle des soldats ukrainiens qui pouvaient s’en servir pour suivre le mouvement des troupes de la RPD et de la RPL. Des gens qui travaillaient pour l’OSCE transmettaient au SBU des informations sur la localisation et les déplacements de soldats des deux républiques populaires. Et enfin à Svetlodarsk j’ai pu moi-même voir une maison où logeaient des soldats ukrainiens, avec plusieurs postes de tirs pour obusiers et canons automoteurs installés dans le jardin, juste à côté du bureau local de l’OSCE, qui n’a jamais dénoncé ce crime de guerre ni les bombardements menés depuis cette zone résidentielle.
Algérie 54 : Franchement l’OTAN était-elle vraiment certaine de son succès pour neutraliser la Russie en se lançant ainsi ou bien avait-elle sous-estimé les capacités des Russes ?
Christelle Néant : Je pense qu’ils se sont surestimés, ont surestimé l’Ukraine, et surtout sous-estimé la Russie. Je pense qu’ils espéraient la faire plier avec les sanctions économiques en provoquant son effondrement comme avec la guerre d’Afghanistan de l’URSS. Et sur ce point ils se sont lamentablement vautrés.
Interview réalisée pour «Algerie54» par Mehdi Messaoudi et Amar Djerrad
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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