Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R !
Sommaire
– Sécularisation et laïcisation
– Le catholicisme zombie
– Protestantisme et judaïsme zombies
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Après avoir développé le concept de « catholicisme zombie » comme clef d’explication du « glissement vers la gauche de l’électorat catholique de droite » [1] en France, Emmanuel Todd avance que le protestantisme zombie est au cœur du narcissisme occidental [2]. Nous ne doutons pas de voir un jour le célèbre historien et anthropologue se pencher sur le judaïsme zombie, mais dans le doute nous allons prendre ici un peu d’avance sur lui.
Sécularisation et laïcisation
La genèse de la sécularisation est ancienne, elle est prémoderne. Mais à partir de la réforme protestante, s’enclenche un irrémédiable mouvement de sécularisation et de laïcisation, y compris de la théologie elle-même [3]. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est l’athéisme qui se répand, peut-être comme une conséquence d’une sécularisation et d’une laïcisation antérieures aux Lumières.
Le républicanisme et le socialisme du XIXe siècle emprunteront au messianisme juif sa structure (restauration et utopie), et au christianisme ses valeurs d’égalité et de partage. De nombreux penseurs républicanistes et socialistes se réclameront du christianisme, à l’instar de Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825), auteur du livre Le Nouveau Christianisme (1825), dans lequel il propose « d’améliorer le plus promptement et le plus complètement possible l’existence morale et physique de la classe la plus nombreuse » [4] ; de Philippe Buchez (1796-1865) pour qui la Révolution de 1789 est le début de « la réalisation sociale de l’Évangile » [5] ; de Pierre-Simon Ballanche (1776-1847) qui établit une parfaite continuité entre l’Évangile et la Révolution.
Quant à Edgar Quinet (1803-1875), qui aura une forte influence sur Jules Ferry et Ferdinand Buisson, il propose la séparation absolue de la société ecclésiastique et de la société laïque, de l’Église et de l’État. Toutefois, si le but est de chasser, comme le fera Jules Ferry, l’Église de l’école, Edgar Quinet veut que l’École laïque enseigne le « christianisme universel », ce qu’il appelle « le socialisme de l’humanité moderne » [6].
Avant eux, un kabbaliste juif qui a rejoint le Club des jacobins, posa les bases de ce néochristianisme qui redessine le portrait du Christ comme révolutionnaire. Il s’agit du petit-cousin de Jacob Frank, Moses Dobruschka, alias Franz Thomas von Schönfeld, alias Junius Frey (1753-1794), qui a écrit en 1793 un ouvrage théologico-politique, Philosophie sociale dédiée au peuple français, dans lequel on peut lire : « Le Christ révolutionnaire et second martyr de la saine raison, crucifié par les prêtres juifs, et le préteur romain, comme désorganisateur de l’astucieuse théocratie des Païens et de Moïse… » [7]
Le paradoxe de l’histoire de la sécularisation, de la laïcisation et de la Révolution apparemment athéiste, est qu’elle se déroule dans le champ religieux. Les mouvements philosophico-politiques révolutionnaires anti-religieux, de 1789 à la révolution bolchévique, sont eux-mêmes religieux, y compris dans leurs tendances nihilistes [8].
L’athéisme a triomphé en Europe, et en France en particulier, mais les élites dirigeantes héritières des Lumières et des républicanistes n’ont pas renoncé à la croyance religieuse et aux rituels.
Alain Bauer, ancien grand maître du Grand Orient (de 2000 à 2003), descendant de familles juives de l’est, auteur d’une trentaine d’ouvrages sur la franc-maçonnerie, criminologue et conseillé de l’exécutif sur les questions de terrorisme depuis plus de vingt ans, affirme tranquillement que la République a bien une religion. Le 25 septembre 2020, sur CNews, lors d’un débat avec Éric Zemmour, Alain Bauer a déclaré que :
« La religion progressiste des Lumières est la religion de la République. Je l’ai écrit. J’ai même expliqué que le Grand Orient est l’Église de la République. C’est la boîte à outils de la République et c’est la religion de la République. » [9]
L’histoire confirme les dires d’Alain Bauer. L’instauration d’un culte républicain a été, dès la Révolution, l’une des priorités d’une partie importante des révolutionnaires français, dont un certain nombre était membre de la franc-maçonnerie. Durant l’automne 1793-printemps 1794, les révolutionnaires ont transformé des églises et des cathédrales en temples de la Raison, puis, au printemps 1794-été 1794, en temples de l’Être suprême [10]. À titre d’exemple, la cathédrale Notre-Dame est devenue un temple de la Raison par décret le 10 novembre 1793 [11].
Le concordat rétablira en 1801 le culte catholique dans les églises. Mais les républicains n’en resteront pas là. Ils travailleront, même pendant les intermèdes de l’Empire, de la Restauration et du Second Empire, à l’élaboration de la religion et du culte républicains.
Robespierre, qui était attaché au culte de l’Être suprême, déclarait à la Convention (séance du 8 thermidor) : « Il faut élever à la hauteur d’une religion cet amour sacré de la patrie et cet amour plus sublime et plus saint de l’Humanité, sans lequel une révolution n’est qu’un crime éclatant qui détruit un autre crime. » [12]
Or, cette religion occulte est méconnue des Français qui ont été privé de leur religion traditionnelle. La destruction du catholicisme a eu pour conséquence d’entraîner la France dans le vide métaphysique, de crise en crise jusqu’à la décadence complète d’une société qui ne réagit pas à la propagande pédophile et au LGBTisme invasif.
Le catholicisme zombie
Toutefois, la destruction du catholicisme n’a pas conduit à sa disparition complète. Il continue d’exister comme un spectre. C’est ce qu’appelle Emmanuel Todd le « catholicisme zombie » qui est « la force anthropologique et sociale née de la désagrégation finale de l’Église dans ses bastions traditionnels » [13]. C’est une autre façon de parler de la sécularisation de la religion, phénomène que d’autres ont étudié avant lui, notamment Max Weber et son élève Carl Schmitt.
Todd examine, dans la France contemporaine, les phénomènes éducatifs et économiques qui témoignent de la survie après la mort de cette « forme résiduelle de la subculture catholique périphérique » [14].
Selon Todd, le catholicisme zombie porte les péchés de la classe dirigeante. Le catholicisme zombie est coupable de la « décentralisation », d’un « regain européiste », d’une « politique monétaire masochiste », d’une « dénaturation de la République » (qui serait devenue inégalitaire sous l’influence des catholiques zombies), d’une « complaisance envers les banques » et de la « frénésie sans cesse plus affirmée d’ordre et d’austérité » [15].
Mais le catholicisme zombie défend des valeurs diamétralement opposées à celles du catholicisme de son vivant : « Le catholicisme social, lui, méprisait l’argent et encourageait chez les privilégiés le sentiment d’une responsabilité vis-à-vis des pauvres. Le culte socialiste de la monnaie unique nous mène au-delà d’une conception catholique de la société. » [16]
Protestantisme et judaïsme zombies
Le catholicisme zombie n’est donc pas une survivance des valeurs et des principes catholiques. Il en va autrement pour le protestantisme zombie. L’effondrement du luthérianisme et du calvinisme a certes laissé prospérer dans le monde anglo-américain et judéo-protestant le LGBTisme. Mais dans le domaine des relations internationales, les États-Unis, avec ou sans croyance religieuse, se considèrent toujours comme une nation supérieure, messianique et divine, au-dessus des lois.
Aux fondements de ce ségrégationnisme géopolitique anglo-américain [17] il y a, outre l’explication anthropologique, la dimension religieuse inégalitaire du calvinisme qui trouve sa source dans la Bible hébraïque. Les puritains anglais arrivés en Amérique, qui se considéraient comme le nouveau peuple hébreu, ont traité les Amérindiens comme Josué a traité les Cananéens et les Amorréens selon le récit biblique. Il les a exterminés. Cette même vision du monde religieuse structure les relations internationales inégalitaires des États-Unis et d’Israël, qui ont pour point commun de se considérer comme une nation messianique, une nation élue traitant les autres peuples comme des sous-hommes, ne respectant ni le droit international ni les traités ni leurs propres promesses. On peut nous répondre alors que les États-Unis sont actuellement dirigés, non par des évangéliques fanatiques mais des démocrates très éloignés de la religion, et qu’Israël n’a pas été fondé par des religieux, mais des juifs athées. Dans les deux cas, la laïcisation de la religion n’a pas été un frein au messianisme, au contraire.
« Du point de vue de l’histoire de la pensée, la conscience d’être élu provient d’une attitude calviniste puritaine. Elle se prolonge sous une forme déiste et sécularisées et s’y est même encore souvent exacerbée parce que le sentiment de dépendance absolue envers Dieu n’a pu naturellement être sécularisé à son tour. » [18]
Nous avons évoqué plus haut le paradoxe de la sécularisation qui se produit et demeure sur le terrain religieux. La tradition juive a également connu ce phénomène. Au XVIIIe siècle, la secte juive frankiste, nihiliste, antinomiste, accouchera à la fois du mouvement assimilationniste, du réformisme juif qui s’implante aux États-Unis (et qui donnera naissance à son tour aux femmes rabbins et aux rabbins homosexuels) et au judaïsme « athée » dont Gershom Scholem a retracé la généalogie.
« Ce n’est peut-être pas un hasard si le plus éminent des historiens de l’athéisme, Fritz Mauthner, lui-même devenu sur le tard un représentant d’une mystique athéiste, était originaire d’une de ces familles juives frankistes de Bohême. Mais ce n’est pas le contenu positif, qui n’a jamais pu être défini, c’est la vision de la destruction et de la subversion qui donna son élan au rêve frankiste. Nous possédons une paraphrase frankiste du livre d’Isaïe écrit en Pologne pendant la Révolution française (en polonais). L’auteur voit dans la Révolution française l’instrument qui pourra traduire dans la réalité l’utopie de son maître [Jacob Frank], et il y a une évidente sympathie de la part des milieux frankistes, juifs ou crypto-juifs, pour la Révolution. C’est justement cette sympathie pour les idées de la Révolution qui est à la base de la transformation de la pensée, jusqu’alors essentiellement nihiliste, de ce milieu. » [19]
Le frankisme, sous l’influence de la Révolution française, va passer du nihilisme catastrophique au progressisme. La subversion va laisser place aux idées de l’époque, notamment à la liberté, qui n’est pas tout à fait étrangère au projet frankiste d’abolition de la loi et de sa violation, que l’on retrouvera plus tard dans un certain anarchisme radical porté par des penseurs comme Bakounine. On est en effet frappé par cet aspect en lisant Bakounine (1814-1876) tant la teneur frankiste de sa vision transparaît sous sa plume. On pourrait croire qu’il paraphrase Jacob Frank lorsqu’il écrit : « La passion destructrice est une passion créatrice », ou encore « Je ne crois pas à des constitutions ou à des lois… Nous avons besoin de quelque chose d’autre : la passion, la vie, un monde nouveau sans lois et donc libre. » [20]
Jacob Frank disait un siècle avant Bakounine : « Je ne suis venu en Pologne que pour extirper toutes les lois et toutes les religions, et mon désir est d’apporter la vie au monde. » (Kraushar, I, 308) [21]
Ce que l’on pourrait alors appeler le judaïsme zombie émerge au XIXe siècle et atteint son apogée avec la révolution bolchévique menée par des juifs athées. Une révolution messianique sanglante et apocalyptique qui a tous les traits du frankisme.
Cette tradition du judaïsme zombie se prolonge ainsi des révolutionnaires juifs de Russie de la fin XIXe siècle jusqu’à nos jours avec George Soros, le messianiste juif athée [22], en passant par les romantiques révolutionnaires, les bolcheviques et les trotskistes (qu’ils soient juifs ou non).
Il est tout à fait frappant d’observer au niveau international la proximité politique et d’agenda entre les évangéliques sionistes américains et les juifs orthodoxes et likoudniks d’Israël d’une part, et les calvinistes athées démocrates et les juifs libéraux et globalistes issue du judaïsme zombie d’autre part.
Dans les deux cas, c’est le judaïsme, zombie et vivant, qui précède et guide ou influence les dirigeants des États-Unis, qu’ils soient religieux ou zombies.
Youssef Hindi
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation