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par Jean de Joinville
De Pierre le Grand à Vladimir Poutine, de Louis XIV à Emmanuel Macron, les relations entre la France et la Russie sont tissées d’alliances, de coups de froid et de coup de bluff, mais toujours marquées par une curiosité et un attrait réciproque durable. C’est l’histoire parfois chaotique d’une relation chaleureuse qui emprunte les chemins de traverse de l’Histoire avec en toile de fond deux révolutions, deux guerres mondiales et aujourd’hui une guerre en Ukraine…
Juin 1586, au commencement était le nord
Le premier contact direct connu entre Français et Russes s’établit par la mer, sous le règne d’Henri III de Valois. La France était alors plongée dans les convulsions des guerres de religion et la Moscovie, juste après la mort d’Ivan le Terrible, entrait dans un «temps de troubles » d’où émergerait après 1613 une nouvelle dynastie de bâtisseurs d’empire : les Romanov ! À la fin du mois juin 1586, le capitaine Jean Sauvage de Dieppe après avoir longé les côtes de Norvège, double le Cap Nord pour entrer dans la mer Blanche libre de glace à la faveur du bref été arctique. Il accoste dans l’embouchure de la Dvina septentrionale devant le monastère de Saint Michel Archange fondé au XIIe siècle par des moines de Novgorod où le Tsar Ivan le Terrible avait jeté deux ans auparavant les fondations du port d’Arkhangelsk pour être la première lucarne de la Russie sur la mer et l’Europe avant la création de Saint Pétersbourg en 1703 par Pierre le Grand !
Le journal de bord du capitaine Jean Sauvage de Dieppe constitue la plus ancienne relation de voyage qui soit parvenu d’un français en Russie. Ce très beau document a été exhumé il y a quelques années des archives poudreuses de la bibliothèque nationale où il reposait à Paris par un professeur de mathématiques du Lycée Français de Moscou féru de son pays d’accueil et de hautes latitudes qui lui a redonné vie. C’est donc par la route maritime nord que s’est établi à la fin de la Renaissance et à l’aube de l’époque moderne la première relation de commerce libre entre le Roi de France et les Princes de Moscou.
Au siècle de Louis XV et des Lumières
La première véritable relation diplomatique entre la France et la Russie ne commence qu’après la mort du Roi Soleil, lors du séjour à Paris de l’Empereur Pierre le Grand au printemps 1717.
Printemps 1717, un géant à Paris
Louis XIV au tombeau avait laissé aux bons soins du Régent Philippe d’Orléans un roi au berceau. C’est donc le petit Louis XV, âgé de sept ans, qui reçut l’Empereur de Russie venu de Saint Pétersbourg en Europe acquérir les sciences et les techniques nécessaires à la modernisation de son immense empire et de sa première marine de guerre. Pierre était un impressionnant colosse de plus de deux mètres ! Pendant l’audience qui se tint le 10 mai 1717 à l’Hôtel de Lesdiguières, à la stupeur générale le géant du nord saisit soudain l’enfant royal dans ses bras pour l’embrasser sans plus de cérémonie mais avec un tel naturel que le petit roi n’en fut pas ému et sourit gracieusement à son hôte.
1734, Français et Russes s’affrontent pour la succession de Pologne
C’est pourtant au siècle de Louis XV que la France entre pour la première fois en conflit contre la Russie au sujet de la succession de Pologne. À la mort d’Auguste II, la noblesse polonaise choisit pour roi Stanislas Leszczynski, beau-père du roi de France, au détriment d’Auguste III candidat de la Russie et de l’Autriche. Pour la première fois, Russes et Français vont s’affronter militairement. En juin 1734, le port de Dantzig sur la Baltique où le candidat du Roi s’était replié se rend aux Russes. Stanislas obtient de rembarquer sur un vaisseau du roi pour la France avec pour compensation le Duché de Lorraine et Nancy qui après lui feront retour à la France.
Pendant ce temps-là, de Versailles à Saint Pétersbourg, la philosophie des lumières et la langue française règnent sur l’Europe et se répandent dans l’aristocratie russe. Mais ce nouvel esprit n’effleure nullement le peuple paysan russe qui reste profondément attaché à sa foi orthodoxe. L’Impératrice Catherine II, tout à ses plans d’expansion vers la mer Noire et de partage de la Pologne saisit bien toute d’influence qu’elle peut tirer de cette République des lettres en flattant sa vanité. Elle soigne donc ses chers philosophes français avec lesquels elle entretient une utile correspondance. Elle achète la bibliothèque de Voltaire et reçoit Diderot à Saint Pétersbourg.
En échange les intéressés lui tressent des couronnes de lauriers. Ces beaux esprits fort répandus mais superficiels ne s’émeuvent pas plus du premier partage de la Pologne en 1772 qu’ils ne s’étaient émus de celui du Canada en 1763 à la fin de la guerre de sept ans. Le siècle des Lumières est un énorme feu d’artifice dont le bouquet final s’achève par la naissance des États-Unis en 1778, la Révolution française et la mort du Très Chrétien Roi de France Louis XVI sur l’échafaud en 1793, puis enfin l’effacement total de la Pologne de la carte politique de l’Europe, dépecée par ses puissants voisins pour plus d’un siècle.
source : Stratpol
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