« Messieurs les prévenus, vous êtes la lie de l’humanité […] Quel courage de se mettre à quarante contre six ! » Ce mardi 6 juin, au tribunal correctionnel de Bordeaux, le procès des six membres des Ultramarines, accusés d’avoir sauvagement agressé Pierre Le Camus, membre du Rassemblement national (RN), son frère et ses amis, en juillet dernier, se poursuit.
Délit d’opinion
Pendant près d’une journée, les prévenus, appelés à la barre, ont épuisé la même ligne de défense. « J’ai suivi le mouvement », « j’ai vu des personnes que je connaissais dans la foule alors je suis allé les défendre », « j’ai pété un câble », « je suis venu par curiosité »… À les écouter, ils se seraient tous retrouvés « par hasard » dans cette « expédition punitive ». Aucun d’eux ne connaissait les victimes, pourtant oralement ciblées pendant l’attaque, selon des témoins. Aucun d’eux n’agissait dans un esprit de vengeance politique. Et aucun d’eux n’appartient à la mouvance antifa. Si cette version n’a pas semblé satisfaire le tribunal, elle finit par agacer les avocats de la partie civile. « Ne nous prenez pas pour des imbéciles ! » s’emporte, ce mardi matin, maître Ngako-Djeukam, avocat de l’une des victimes. Un sentiment partagé par la procureur. « Dans cette scène de violence, il y a bien une motivation qui est manifeste en dépit des allégations des prévenus », commence-t-elle. Et de poursuivre : « Ils prétendent avoir suivi un mouvement, ils prétendent avoir entendu des cris, ils prétendent avoir fait les badauds… Mais leurs explications sont parfaitement incohérentes. […] C’est le mobile idéologique qui ressort. » La magistrate, au-delà des cris « Bordeaux Antifa » scandés pendant l’agression, n’hésite pas, par ailleurs, à s’appuyer sur des tags retrouvés chez l’un des prévenus sur lesquels était notamment inscrit le message « ACAB » [All Cops Are Bastards/« Tous les flics sont des salauds », NDLR] ou encore « On rêve que les poulets rôtissent », pour justifier son propos.
Pas dupes, les avocats de la partie civile n’ont donc pas manqué de dénoncer le mobile politique. L’une des victimes, ancien membre de Génération Zemmour, connu et reconnu à Bordeaux pour ses convictions politiques, décrit comme « un garçon courageux » par son avocat, vit aujourd’hui « dans la peur ». Peur d’être à nouveau pris pour cible, peur de subir une nouvelle agression et peur du pire. « Voilà que des jeunes de 23 ans ne peuvent plus s’attabler, prendre un verre en terrasse parce qu’ils ont exprimé une opinion. Ce n’est pas normal », déplore maître Ngako-Djeukam. Son confrère, maître Dassa, avocat de Pierre Le Camus, abonde dans le même sens. « La photo de Pierre Le Camus est mise sur des stickers. Il devient une cible potentielle. » Le jeune membre du RN, qui souhaite poursuivre son engagement politique, reconnaît lui-même vivre dans la crainte d’une nouvelle attaque.
Impunité de l’extrême gauche
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Mais pour maître de Lacoste Lareymondie, conseil de Thomas Le Camus, « la peur doit changer de camp ». L’avocat, comme ses confrères et les députés RN Grégoire de Fournas et Edwige Diaz, présents le premier jour de l’audience, espère que ce procès mettra fin à l’impunité dont jouissent les militants d’ultra-gauche. « Parce que c’est « facho », tout est permis, parce que c’est « le camp du mal », le camp de l’extrême droite », on peut frapper un homme à terre, s’indigne maître Dassa, qui persiste à démontrer le caractère organisé de l’agression.
Cette impunité est telle que le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, n’hésite pas à défiler derrière une banderole Ultramarines. Et ce, alors même que les Ultramarines, connus pour plusieurs actions violentes dont l’agression sauvage d’un joueur de Rodez il y a quelques jours encore, affichent, si ce n’est des convictions, au moins une proximité avec la mouvance antifa. On retrouve ainsi deux prévenus, membres des Ultramarines, prendre la pose derrière un drapeau antifa lors d’une récente manifestation. En 2012 également, l’un des responsables du mouvement écrivait, dans les pages de Sud-Ouest : « Même si nous avons toujours refusé toute appartenance politique, les Ultramarines sont des militants antiracistes et antifascistes depuis toujours. » Difficile, ensuite, d’ignorer la coloration politique du groupe de supporters…
Au moment des délibérés, « il restera au tribunal de se souvenir de ce garçon de 22 ans » frappé au sol, lance maître de Lacoste Lareymondie en direction du tribunal. « Qui peut rester insensible à la vue d’un garçon de 22 ans, gisant par terre inanimé et prenant dans la tête, qu’on a confondue avec un ballon de foot, un coup de pied ? » s’interroge l’avocat. Il n’est pas le seul à revenir sur la violence inhumaine de l’agression. Ses confrères, en raison du traumatisme et des préjudices subis, demandent également des dommages et intérêts. La procureur, à leur suite, s’attarde elle aussi sur cette violence commise « dans toute sa bestialité, sa cruauté et sa dangerosité ». « Deux fois, Thomas Le Camus s’est trouvé à terre, et deux fois, il a été roué de coups. Deux agressions qui l’ont laissé pour mort », s’insurge-t-elle. Elle demande alors au tribunal de rappeler dans son jugement « qu’on ne convoque pas impunément une telle violence dans la cité ». La procureur, au nom de l’État de droit, requiert contre le prévenu « le plus impliqué » dans ces violences cinq ans d’emprisonnement, dont quatre ans assortis de sursis probatoire. Pour les cinq autres mis en cause, la magistrate réclame trois ans d’emprisonnement, dont deux ans avec sursis.
En fin d’après-midi, ce mardi 6 juin, le tribunal reconnaît coupables cinq des six prévenus d’une action collective et concertée à commettre des violences sur des personnes préalablement identifiées. Ils sont condamnés à quatre ans de prison, dont un an ferme, qui sera aménagé à domicile sous surveillance électronique. Ils devront également verser des dommages et intérêts aux victimes. À l’issue de l’audience, les parties civiles apprécient la sévérité de la sanction. « Cette condamnation aura une vertu pédagogique », espère maître Ngako-Djeukam. Et maître de Lacoste Lareymondie conclut : « C’est très malin, comme sanction. Le juge les a condamnés solidairement, donc ils ne peuvent que se retourner contre eux-mêmes. » Les condamnés ont dix jours pour faire appel.
Source : Boulevard Voltaire
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