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par Bruno Chareyron
Une brèche très importante dans le barrage de Kakhovka (Ukraine) entraine, depuis la nuit du 5 au 6 juin (vers 2H30 du matin selon Energoatom), le déversement de volumes d’eau très significatifs en aval du barrage. L’origine de cette brèche (bombardement, utilisation d’explosifs ?) et les responsabilités, font l’objet de polémiques. Outre les graves conséquences à très court terme pour les populations situées en aval (inondations), cet évènement pourrait avoir des conséquences en termes de sûreté nucléaire.
En effet, la centrale nucléaire de Zaporijia, située à environ 140 kilomètres en amont du barrage de Kakhovka, puise l’eau nécessaire au refroidissement de ses 6 réacteurs dans l’immense retenue d’eau de 18 milliards de mètres cubes créée par le barrage dans le cours du fleuve Dniepr. La baisse du niveau d’eau pourrait compliquer à terme le refroidissement des réacteurs nucléaires.
Même à l’arrêt, la centrale de Zaporijia doit être refroidie en permanence
À la centrale nucléaire de Zaporijia, depuis la prise de contrôle du site par les forces russes dans la nuit du 3 au 4 mars 2022, les systèmes d’alimentation électrique ont été mis à mal à de nombreuses reprises du fait des combats (à 7 reprises, le site a dû basculer sur les diesels de secours).
La perte régulière des alimentations électriques a conduit l’exploitant de la centrale nucléaire de Zaporijia à maintenir les 6 réacteurs en arrêt (à froid ou parfois à chaud) depuis plusieurs mois. Actuellement, 5 réacteurs sont en arrêt à froid et un en arrêt à chaud.
Malgré l’arrêt des réactions de fission nucléaire et la baisse relative de la température, le maintien des fonctions de sûreté des réacteurs, et en particulier le refroidissement permanent des combustibles irradiés hautement radioactifs présents dans les cœurs et dans les piscines de désactivation, nécessite une puissance électrique de 100 MW fiable, le recours à une source froide (eau) et du personnel.
Rappelons que l’impossibilité de refroidir correctement une centrale nucléaire peut conduire, dans certaines configurations, à une catastrophe comme ce fut le cas en mars 2011 à la centrale de Fukushima Daiichi au Japon.
Problèmes posés par le niveau d’eau dans le réservoir de Kakhovka
Ces derniers mois, le risque de perte des ressources en eau nécessaires au refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporijia s’est fortement aggravé. En effet le niveau d’eau du réservoir de Kakhovka avait baissé dangereusement, descendant à 14 mètres le 2 février 2023, soit son plus bas niveau depuis 3 décennies (cf. illustration 3). Un minimum de 12,7 mètres (selon l’AIEA : Agence internationale de l’Énergie atomique) à 13,2 mètres (selon l’administration militaire régionale de Zaporijia) est nécessaire pour permettre l’admission d’eau dans les dispositifs de refroidissement de la centrale nucléaire.
Ces dernières semaines c’est, à l’inverse, le risque d’inondation qui était craint (niveau d’eau de 17,54 mètres le 21 mai 2023).
La brèche du 6 juin dans le barrage de Kakhovka pourrait conduire à moyen terme à l’impossibilité d’approvisionner en eau les systèmes de refroidissement de la centrale. L’AIEA indique ce 6 juin dans un communiqué, que, selon son personnel sur place, la baisse du niveau d’eau dans le réservoir de Kakhovka est de 5 centimètres par heure et que le niveau d’eau était de 16,4 mètres à 8 heures ce matin. On peut donc en déduire que, si la baisse du niveau se poursuit au rythme actuel, il ne sera plus possible d’alimenter le système dans 3 jours. Il faudra alors mettre en œuvre des solutions de secours pour garantir un apport d’eau. À court terme, la centrale nucléaire essaie de pomper le maximum d’eau pour alimenter les canaux de refroidissement et systèmes connexes et a stoppé la consommation d’eau pour des usages non essentiels.
L’AIEA indique que de l’eau est disponible dans le grand bassin de refroidissement situé à côté de la centrale et dont le niveau d’eau est maintenu, par conception, au-dessus de celui du réservoir. Il pourrait fournir des capacités de refroidissement pendant quelques mois (estimation que l’AIEA tente de confirmer). L’AIEA note : «il est donc vital que ce bassin de refroidissement reste intact. Rien ne doit être fait pour potentiellement porter atteinte à son intégrité».
En cas d’impossibilité totale de refroidissement des réacteurs, la fusion du cœur du réacteur arrêté le plus tardivement pourrait intervenir au bout d’une dizaine de jours.
La poursuite du conflit rogne en permanence les marges de sûreté et augmente les risques d’accident grave. Malgré les efforts déployés depuis des mois par son directeur général, l’AIEA n’est pas parvenue à obtenir la «sanctuarisation» de la centrale de Zaporijia. Ce constat d’impuissance, et le fait qu’aucune centrale nucléaire n’est conçue pour fonctionner avec un niveau de sûreté acceptable en temps de guerre, devraient conduire l’ensemble des pays à revoir les évaluations de sûreté des installations nucléaires et à reconsidérer les politiques de développement de l’énergie nucléaire.
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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