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Un camouflet retentissant pour le prestige américain, symptomatique de l’érosion de la position des États-Unis sur la scène mondiale
par René Naba
«Dissimuler sa force et attendre son heure.» (Deng Xiaoping, artisan du renouveau économique chinois, numéro un de la République populaire de Chine de 1978 à 1989)
«Pour gagner une guerre, il s’agit de ne pas la faire et, si possible, d’en mener en réalité une autre, dissimulée et farouchement niée. L’art de la guerre est de mener dans le brouillard l’adversaire au point où, à la limite du déclenchement du conflit, il s’aperçoit que le combat est devenu inutile parce qu’il a déjà perdu. Le vrai stratège construit sa politique (car c’est de politique qu’il s’agit) par tous les moyens, en fonction du traité qu’il imposera à son adversaire, en lui laissant la «face sauve» et même en allant jusqu’à lui représenter qu’il y trouve son compte, recommandait Sun Tzu, le grand stratège chinois du IVe siècle avant notre ère dans son célèbre livre «L’art de la guerre».»
1. Une manœuvre de contournement digne de la stratégie du jeu de go
La Chine s’est livrée à une manœuvre de contournement de ses ennemis, surprenant le monde en parrainant un accord entre les deux chefs de file antagonistes du Monde musulman, l’Arabie saoudite, sunnite, et l’Iran, chiite, dix-neuf mois après la débandade américaine de Kaboul, en août 2021, alors que l’OTAN tout entier était mobilisé en faveur de l’Ukraine face à la Russie.
Digne de la stratégie du jeu de go, de conception chinoise d’ailleurs, cette manœuvre de contournement a constitué une humiliation d’autant plus cuisante pour les Etats-Unis, qui se pose en chef du Monde libre, que cet arrangement a été scellé sous le parrainage d’un régime communiste, une idéologie que le Royaume Wahhabite a combattu dès sa naissance, il y a près d’un siècle, et l’Iran, pendant près de 40 ans, sous la dynastie Pahlévi.
Symptomatique de l’érosion de la position des États-Unis sur la scène mondiale, cet exploit sans pareil dans les annales diplomatiques internationales visait à concilier, – à défaut de réconcilier –, sous l’égide d’un régime qui se réclame du «matérialisme dialectique», donc officiellement athée, les deux théocraties musulmanes du Moyen-Orient, en conflit ouvert depuis l’avènement de la République Islamique iranienne en 1979, il y a 44 ans.
Conclu à Pékin même, en mars 2023, l’accord entre ces deux états du Moyen orient, – une zone où les États-Unis exerçaient une influence prépondérante depuis l’implosion de l’Union soviétique, en 1990 –, préfigure la nouvelle hiérarchie des puissances à l’horizon de l’an 2050 en confirmant l’accession de la Chine au premier rang des puissances tant sur le plan économique que diplomatique et le reflux corrélatif de la prééminence occidentale.
Ce rapprochement irano saoudien, s’il se confirmait, constituera, à n’en pas douter, un coup d’autant plus dur pour les Etats-Unis que pour Israël que pour le camp occidental dans son ensemble qu’il s’est doublé d’une coordination de la production pétrolière, dans le cadre de «L’OPEP+» avec la Russie en guerre contre l’OTAN, par Ukraine interposée.
Il pourrait avoir pour première conséquence de tuer dans l’œuf le projet d’«OTAN arabe» que Washington s’appliquait à mettre en œuvre méthodiquement en vue de constituer face à l’Iran, un front commun israélo-pétromarchique. Et pour 2ème conséquence de placer sous forte tension les «abrahamistes, normalisateurs arabes», les monarchies qui ont décidé d’officialiser leurs relations jusque-là clandestines avec Israël, particulièrement Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Maroc.
2. 1923-2023 : Un siècle de promotion prodigieuse pour les trois protagonistes
Une approche historique dresse le constat suivant : En 1923, soit cent ans avant cet accord, la Chine était en coupe réglée occidentale, l’Arabie saoudite n’était pas constituée encore en Royaume, – qui le sera en fait en 1929 -, mais gouverné depuis Bahreïn par un régent anglais Percy Cooks, et l’Iran avait à sa tête un monarque analphabète régenté par la compagnie pétrolière Anglo-Iranian Oil Company.
Sous domination occidentale, morcelée et divisée, la Chine a été impuissante face à l’invasion de la Mandchourie par le Japon, en 1931. En actant la manifestation concrète du militarisme japonais expansionniste, la Mandchourie a marqué le début effectif de la 2me Guerre mondiale (et non 1939 avec l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche) et l’invasion de la Pologne, date généralement retenue par les historiens occidentaux comme étant le début de la 2me Guerre mondiale en ce qu’elle se déroulait sur le champ de bataille de l’Europe, la référence absolue de l’époque).
La défaite de la Mandchourie a déclenché, trois ans plus tard, en 1934, la «Longue Marche» de Mao Zedong visant à la libération de la Chine du joug étranger et à sa réunification sous l’égide du Parti communiste chinois.
Ah le mot d’ordre mémorable «la grève générale décrétée à Canton» immortalisé par André Malraux dans son livre «Les Conquérants» et repris depuis lors par tous les peuples combattants pour leur liberté et leur dignité. Une «Longue Marche» culminant, enfin, avec la prise de pouvoir à Pékin, dix ans plus tard, en 1945, la défaite des nationalistes chinois et leur reflux vers Taïwan, sous l’autorité du général Tchang Kaï Tchek.
Mais, conséquence de l’hégémonie occidentale sur la vie diplomatique internationale, la Chine sera maintenue au ban des nations, frappée d’ostracisme pendant 34 ans, jusqu’à sa reconnaissance par les Etats-Unis en 1979, où Pékin se substituera enfin à Taipei comme représentant de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU, avec droit de veto.
La reconnaissance de la Chine communiste par Washington n’a nullement été le fait d’une générosité, mais dictée par la nécessité, intervenant dans la foulée de la défaite américaine du Vietnam, en 1975, première défaite militaire majeure de la première puissance militaire de la planète, à une année charnière des bouleversements stratégiques en Asie occidentale.
Au-delà de la reconnaissance de la Chine communiste par les États-Unis, l’année 1979 marque, en effet, tout à la fois la signature du traité de paix entre Israël et l’Égypte (mars 1979), le renversement de la dynastie Pahlévi en Iran (février 1979), le déclenchement de la guerre irako-iranienne (septembre 1979) enfin l’assaut contre le sanctuaire de la Mecque en Novembre 1979, enfin pour clore cette année charnière, le début l’intervention soviétique en Afghanistan, le 25 décembre 1979.
Sur le plan économique, 1979 a marqué l’arrivée au pouvoir le 4 mai 1979, pour une décennie, de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, doublée, l’année suivante, par celle de son partenaire idéologique américain Ronald Reagan, avec, en corollaire, la montée en puissance du néo conservatisme et de l’ultralibéralisme, le triomphe de l’École de Chicago avec son consensus de Washington et son équivalent européen le consensus de Bruxelles. Le début d’une décennie de mondialisation heureuse avec les privatisations, la déréglementation, les délocalisations… et l’émergence de l’Asie en pôle concurrentiel de l’Occident.
Un siècle plus tard, la Chine se hissait au rang d’acteur majeur de la scène internationale, scellant notamment la réconciliation entre le wahhabite, premier producteur de pétrole au Monde et grand argentier de la planète, avec l’ancien «gendarme du golfe » pour le compte des Américains, promu désormais au rang de chef de file de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone, de surcroît puissance du seuil nucléaire. Un accord «win win» dont tous les signataires et leur environnement proche en seront les bénéficiaires… à l’exception d’Israël et de l’OTAN.
Jamais les États-Unis, ni aucune autre puissance au Monde, n’ont pu réussir un tel exploit : Le traité de paix entre l’Égypte et Israël, qui passe historiquement pour avoir été un succès total américain en ce qu’il pacifiait la relation entre les deux puissances militaires de la zone, a été conclu, en 1979, au prix de la répudiation de l’Égypte de son alliance avec l’URSS, pourtant son principal pourvoyeur en armes, et de sa trahison à l’égard de la Syrie, son partenaire dans quatre guerres successives contre l’État Hébreu.
Mais, rétrospectivement, Camp David s’est révélé être une immense duperie et une malédiction pour l’Égypte, le Monde arabe et vraisemblablement pour la paix régionale. Machiavélique dans sa conception, ce traité a été malfaisant quant à ses effets, maléfique quant à ses conséquences, tant pour l’Égypte, que pour son signataire égyptien que pour son successeur qui l’a cautionné.
En marginalisant l’Égypte, le traité de Washington a libéré le flanc Sud d’Israël et porté vers le Nord la guerre, la prolongeant contre le Liban et la Palestine, allégeant de surcroît le budget militaire israélien pour l’affecter à la technologie de pointe, alors que, parallèlement, Anouar el Sadate était assassiné deux ans plus tard le 6 octobre 1981, symboliquement lors du défilé célébrant la victoire égyptienne lors de la guerre d’Octobre 1973 (destruction de la Ligne Bar lev et franchissement du Canal de Suez)… et Itzhak Rabin, un des deux signataires israéliens, dix ans plus tard, en 1992.
Bien mieux : Même du temps de la splendeur impériale américaine sur les pétromonarchies du Golfe, toutes nationalités confondues aussi bien l’Iran que les autocrates arabes, les États-Unis se sont abstenus, dans la décennie 1970, de dissuader le chah d’Iran d’annexer trois îlots du Golfe persique appartenant à Abou Dhabi (l’île d’Abou Moussa et les deux Tomb), s’activant au contraire à attiser les antagonismes entre les riverains de la voie d’eau, pourtant ses alliés, en vue de leur soustraire de faramineux budgets pour leur défense, faisant de l’Iran leur croquemitaine absolu, en application de la «politic of fears».
À la fin de la 2ème Guerre mondiale, les deux futurs signataires de l’arrangement de Pékin, l’Iran et l’Arabie saoudite, passaient, simultanément, sous contrôle des États-Unis, en substitution au Royaume-Uni.
Le Royaume Wahhabite signait avec les États-Unis, en 1945, un partenariat stratégique, connu sous le nom de «Pacte de Quincy» et l’Iran, saisie d’une poussée nationaliste avec le Premier ministre Mohamad Mossadegh, artisan de la nationalisation du pétrole iranien, sera maintenu dans le giron atlantiste à la faveur d’un coup d’État de la CIA, en 1953, rétablissant dans son trône le Chah d’Iran qui avait fui à Rome. Un sursis de courte durée. Fugitif impénitent, le Chah prendra à nouveau le chemin de l’exil, en 1979, à la faveur d’un soulèvement du peuple iranien.
Révolution populaire dans une zone monarchique et pétrolière, de surcroît dans un pays chiite, l’instauration de la République islamique portait en germe les racines d’un conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite, non seulement gardienne des Lieux Saints, mais aussi protecteur des autres roitelets du Golfe. La confrontation irano-saoudienne prendra alors de l’ampleur. Sous embargo américain, l’Iran grâce à une drastique politique d’auto-suffisance militaire et technologique se propulsera au rang de chef de file du combat contre l’hégémonie israélo-américaine dans la zone.
En réplique, l’Arabie saoudite, propulsée par le pétrodollar généré par le boom pétrolier de 1973, se muait en bailleurs de fonds des équipées atlantistes contre les ennemis de l’ordre capitaliste occidental… dans le Monde arabe, au Nicaragua, et en Afrique dans le cadre du Safari Club. Une compétition émaillée de rebondissements spectaculaires, comme cela a été le cas lors de l’affaire dite de la Fatwa contre l’auteur indo-britannique Salmane Rushdie, auteur du livre «Les versets sataniques».
L’instrumentalisation de l’islam comme arme de combat au paroxysme de la guerre froide américano soviétique a été une constante de la diplomatie saoudienne, avec les encouragements des États-Unis depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, – c’est à dire tout au long de la seconde moitié du XXe siècle.
D’abord par la mobilisation de la confrérie des Frères musulmans contre les régimes nationalistes arabes limitrophes d’Israël (Syrie, Égypte), puis dans les guerres de dérivation au conflit central de la Palestine (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie). Mais cette politique connaîtra ses limites au début du XXIe siècle avec la percussion de plein fouet des symboles de l’hyperpuissance américaine, lors des attentats du 11 septembre 2001 de New York.
La «guerre contre le terrorisme» qui s’est ensuivie tant en Afghanistan qu’en Irak et le «Grand Moyen-Orient» qu’elle se proposait de promouvoir aura été, à tous égards calamiteuses, tant par son impact sur l’image des États-Unis dans le monde, avec le scandale de la prison d’Abou Ghraib en Irak, que par son coût, de l’ordre de 6 trillions de dollars, que par ses dommages collatéraux.
Les principaux pivots de l’influence occidentale en Asie seront ainsi systématiquement dégagés de la scène politique de manière violente, le premier ministre libanais Rafic Hariri, et le premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto, dirigeants des deux pays situés aux extrémités de l’axe devant constituer le «Grand Moyen-Orient», ainsi que Wissam Al Hassan, la dague sécuritaire du clan saoudo américain au Liban,… auparavant le chef des milices phalangistes libanaises, Bachir Gemayel, le président éphémère du Liban et Anouar Al Sadate, le signataire du traité de paix égypto-israélien, et dix ans plus tard, un des deux israéliens signataires de ce traité, Itzhak Rabin, ainsi que le tandem francophile de la presse libanaise Gebrane Tuéni et Samir Kassir.
3. Le bellicisme américain face à la placidité chinoise
Tout au long de cette séquence d’un demi-siècle, la Chine n’a livré aucune guerre se consacrant exclusivement à son développement, alors que les États-Unis s’épuisaient dans des guerres désastreuses (Vietnam, Afghanistan, Irak, Somalie, Libye, Syrie). La «doctrine Rumsfeld/Cebrowski» des guerres sans fin au «Moyen-Orient élargi» a creusé le déficit américain d’une somme monumentale de l’ordre de 33 mille milliards de dollars (33 trillions), grevant le budget d’intérêts substantiels.
La crise bancaire des subprimes, en 2008, et les expéditions coloniales européennes de la séquence du printemps arabe (2011-2021), et au Sahel, de même que la crise du Covid ont provoqué un endettement de l’Union européenne de l’ordre de douze mille milliards de dollars, dont près de trois mille milliards pour la France provoquant l’abaissement de sa notation de solvabilité à AA- par l’agence américaine FITCH. En comparaison, la Chine, deux fois plus peuplée que les États-Unis et l’Union européenne réunis, affichait un endettement de 11 mille milliards de dollars (11 trillions), soit 2,5 fois moindre.
Détentrice d’un important lot de «bons de trésor» américain, la Chine a ainsi mis à profit les intérêts générés par ses créances sur l’Amérique pour les investir en Afrique contournant ainsi l’Europe par son flanc sud.
Depuis leur création en 1776, les États-Unis ont mené près de 400 interventions militaires, plus d’un quart d’entre elles ont eu lieu dans la période suivant la guerre froide. Un quart des 400 guerres américaines, soit 100 guerres, se sont déroulées au Moyen-Orient et en Afrique.
4. 2013-2023 : La décennie qui a précipité la convergence Iran-Arabie saoudite
En 2014, l’accord sur le nucléaire iranien conclu sous la mandature du président démocrate Barack Obama a été perçu par Ryad comme un signe du dégagement de l’Amérique du Moyen-Orient et son basculement vers le Pacifique en vue de faire pièce à la Chine. Il a conduit l’Arabie saoudite à envahir le Yémen au prétexte de contenir l’influence iranienne sur son flanc sud.
Mais cette expédition punitive, qui se voulait une promenade de santé a viré au cauchemar, embourbant le Royaume, grevant son budget, en superposition au coût exorbitant de la guerre menée pour la destruction de la Syrie, de l’ordre de 2000 milliards de dollars (2 trillions). La triple déroute saoudienne au Yémen (2015-2023), d’Israël au Liban, en 2006, et des États-Unis en Irak (2010), se sont accompagnées de la promotion au rang de «grands décideurs régionaux» de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah Libanais, des Houthistes du Yémen, de la milice chiite pro iranienne Al Hachd al Chaabi en Irak et des mouvements islamistes de Gaza. Première guerre ouverte déclenchée par l’Arabie saoudite depuis la fondation du royaume, il y a près d’un siècle, le Yémen a contraint la dynastie wahhabite à intégrer et les limites de sa puissance et le principe de réalité.
En 2018, Donald Trump a ponctionné le budget saoudien de près de 800 milliards de dollars pour des fournitures militaires, mais dans un geste malencontreux, l’artisan du «Muslim Ban» a néanmoins retiré les missiles patriotes du système de défense aérienne du Royaume en vue de faire pression sur ce pays et le contraindre à maintenir un prix élevé de la commercialisation du pétrole de manière à ne pas concurrencer le pétrole extrait du gaz de schiste.
Mais, fait plus grave, l’officialisation collective de monarchies arabes de leurs relations avec Israël a placé l’Arabie saoudite en porte à faux en ce que le Royaume wahhabite, pourtant le meilleur allié arabe de Washington, était le parrain d’un plan de paix préconisant «la paix contre les territoires», fragilisant considérablement la posture diplomatique saoudienne…en contradiction avec les arrangements des «Accords d’Abraham», concrétisés par la paix pour les pétromonarchies en contrepartie du parapluie israélien, sans la moindre rétrocession de territoires. Un arrangement qui s’est apparenté à une reddition à l’Impérium israélo-américain, qui plongera d’ailleurs dans l’embarras les normalisateurs à l’occasion de la bataille de Seif Saad, en mai 2021.
Quatre mois après la fin du Mandat du président xénophobe américain Donald Trump – qui s’était employé avec l’aide de son gendre philosioniste Jared Kushner à enterrer en grande pompe la question palestinienne, par une série de mesures unilatérales et illégales au regard du droit international (reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv vers Jérusalem, reconnaissance de l’annexion du Golan syrien) –, la flambée israélo-palestinienne remettait au premier plan de l’actualité ce conflit, alors que Benyamin Netanyahou, piégé par sa surenchère électoraliste pour échapper à son inculpation pour corruption, était contraint à une fuite en avant dans une escalade de la violence.
La pluie de roquettes palestiniennes qui s’est abattue sur les villes israéliennes, le 12 mai 2021, fera date dans l’histoire du conflit israélo-palestinien par sa forte charge symbolique et son intensité, confirmant de manière indubitable la centralité de la question palestinienne dans la géopolitique du Moyen-Orient, apportant au passage la démonstration que le ciel israélien est devenu une passoire devant des roquettes de fabrication artisanale, plaçant en porte à faux le leadership sunnite arabe à la suite de sa reptation collective devant l’État hébreu.
Fait significatif, la riposte palestinienne a été assurée par le Hamas depuis l’enclave de Gaza, accentuant le discrédit de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, en traduisant par des actes, dans des faits, sur le terrain, la promotion du Hamas au rang de défenseur des Palestiniens.
L’engagement du Hamas dans la bataille a d’ailleurs signé le retour de l’unique formation sunnite dans le combat pour la Palestine, qu’elle avait déserté sous la présidence de Khaled Mechaal, en se joignant à la coalition islamo-atlantiste dans la guerre contre la Syrie. De manière sous-jacente, il a signé de manière éclatante le retour par la grande porte du Hamas dans le giron de l’axe anti OTAN.
Mais les affrontements du Eid Al Fitr ont surtout placé en porte à faux aussi bien le Maroc, président du Comité Al Qods, pour son troc honteux (reconnaissance d’Israël en échange de la reconnaissance d’Israël sur le Sahara occidental), que le Qatar, parrain des Frères musulmans, pour son acceptation d’Israël dans le dispositif régional du Centcom, dont le siège est à Doha ; Abou-Dhabi, qui lui permet de poursuivre en toute impunité son agression contre le Yémen en tandem avec l’Arabie saoudite ; Bahreïn enfin de poursuivre la répression de sa population en toute quiétude. Tous réunis pour leur prosternation collective en une démarche inconsidérée en direction de Donald Trump, en fin de mandat.
En 2020, dernière étape de la dégradation des «relations spéciales» entre les États-Unis et l’Arabie, le président Joe Biden qui se promettait de frapper d’ostracisme le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, jugé responsable de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, chroniqueur au Washington Post, a dû faire amende honorable en se rendant à Canossa-Djeddah pour quêter la faveur du maintien du niveau de la production pétrolière saoudienne afin de neutraliser l’inflation générée par la guerre d’Ukraine. En Vain.
Huawei Technologies Co., Ltd à l’assaut du marché saoudien
Mieux, jouant d’audace à la faveur des crispations saoudo-américaines, Huawei, le géant chinois spécialisé dans la fourniture dans le secteur de l’information et la communication, s’est lancé à la conquête du marché saoudien. Pointant les vulnérabilités des réseaux opérés par ces concurrents européens, Huawei a mis en place un intense lobbying à Ryad en vue de façonner le futur réseau de communication critique commun aux institutions saoudiennes de défense et de renseignement. Et la jeune pousse saoudienne Scopa industries a brusquement cessé les négociations avec de grands groupes américains et européens au profit d’un rapprochement de sa maison mère Ajlan and Bros, avec les industries militaires russes et chinoises.
Fondée en 1987, la firme, dont le siège social se trouve à Shenzhen, fournit des solutions dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, (TIC) Son métier historique est la fourniture de réseaux de télécommunications. L’entreprise fournit des matériels, des logiciels et des prestations de services pour les réseaux de télécommunications des opérateurs et les réseaux informatiques des entreprises.
Huawei en élargissant son marché est devenu un fournisseur de solutions numériques en terminaux, réseaux et cloud, pour les opérateurs, entreprises et consommateurs. Ses produits et solutions sont déployés dans plus de 170 pays. Il est le plus grand fabricant de matériel de télécommunication du monde.
Tout au long de cette séquence, la Chine ne s’est jamais départie de sa placidité. Jamais –bien jamais- émis la moindre critique à l’égard de l’Arabie saoudite, ni lors de la prise en otage du premier ministre libanais, Saad Hariri (2017), ni lors de l’équarrissage de Jamal Khashoggi (2018). Pas la moindre critique non plus à l’encontre de l’Iran lors des révoltes populaires qui ont émaillé la vie politique de la République islamique.
En retour, jamais, l’Arabie saoudite, pas plus que l’Iran d’ailleurs, n’ont formulé la moindre critique publique à l’encontre de Pékin concernant le traitement réservé aux Ouïghours, des Chinois musulmans pourtant, le nouveau cheval de bataille de l’Occident contre la Chine.
5. Les conséquences du VUCA World (Volatility, Uncertainty Complexity, Ambiguity)
Mais fait significatif qui a sans doute échappé à la sagacité des observateurs occidentaux, la Chine n’a jamais cessé d’apporter un soutien ferme et résolu à la Palestine. Un comportement constant qui tranche avec la solidarité sans faille absolue et inconditionnelle des pays occidentaux à l’égard d’Israël. Une «solidarité expiatoire» de leurs turpitudes, en fait. Décidément, la «Promesse Balfour» en Palestine n’a pas fini de projeter ses ondes négatives dans l’espace public international… et de gangréner la posture diplomatique de l’Occident… Ah la perfide Albion.
Sans passif colonial avec le Monde musulman, contrairement à l’Occident, la Chine a tout simplement retourné les propres armes utilisées par ses ennemis contre elle, procédant à un retournement de situation du Muslim Belt, dont les stratèges occidentaux en ont été les concepteurs, pour réconcilier les deux chefs de file du Monde musulman, l’Arabie saoudite et l’Iran, désormais, tous deux candidats au BRICS, le nouveau pôle de référence du monde multipolaire en devenir.
Sur une planète évoluant en VUCA World, (Volatility, Uncertainty Complexity, Ambiguity), selon l’expression de Burton Nanus, politologue de l’Université de Caroline du sud et de Warren Bennis, spécialiste du leadership au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et ancien conseiller du président John F. Kennedy, l’Iran et l’Arabie saoudite ont opté pour un ancrage à l’Est, – à la Chine –, la première puissance planétaire en devenir… avec pour mot d’ordre régissant leurs relations : Total respect mutuel et non-ingérence dans les affaires intérieures.
Il n’est pas indifférent à ce propos que l’Iran, destination terrestre essentielle du projet OBOR, revêt une grande importance, tandis que l’Arabie saoudite et la région du Golfe forment des maillons clés de la route maritime de la soie.
Épilogue : Le lièvre américain et la tortue chinoise, une fable à l’échelle planétaire
Au-delà du parrainage de la réconciliation saoudo iranienne, la rivalité entre les États-Unis et la Chine s’apparente à une fable de Jean de La Fontaine en ce que le lièvre américain et la tortue chinoise ont narré dans leur développement, chacun sa partition, une fable à l’échelle planétaire.
Dans sa stratégie de contournement de l’OTAN, la Chine avait déjà planté ses banderilles au début du XXIe siècle, non seulement avec le méga-projet OBOR de la «Route de la soie», mais en prenant aussi solidement position sur le flanc sud de l’OTAN, en Afrique et la rive musulmane de la Méditerranée. Au terme d’une navigation centenaire, réplique lointaine de la «Guerre de l’Opium», en 1840, qui a contraint la Chine à s’ouvrir au commerce européen, la flotte du Grand Timonier, bravant tempêtes et écueils, est parvenue enfin à bon port. Abordant victorieusement les «Marches de l’Empire». À la vitesse d’une tortue.
Six siècles après Vasco de Gama, parvenu en Chine grâce au concours de son guide, le navigateur arabe Ahmad Ibn Majid, six siècles après le débarquement de Marco Polo, qui força la Chine à adopter les normes occidentales, l’empire du Milieu se vit et se veut désormais comme le centre du Monde.
Ses descendants, en moins de deux décennies, ont lavé l’humiliation nationale délogeant les anciennes puissances coloniales de leur marché captif de l’Afrique, faisant de la Chine la 2ème puissance économique du continent. La façon chinoise de rendre la monnaie de leur pièce à ses rivaux occidentaux.
Aux extrémités du Mare Nostrum, une ligne médiane va ainsi désormais d’Alger au port grec du Pirée, la place forte chinoise pour le commerce européen. Une ligne perçue par l’ensemble de la planète comme la nouvelle ligne de démarcation des nouveaux rapports de forces mondiaux. Une ligne tracée à l’encre de Chine. Une encre indélébile. À quelques encablures du Colosse de Rhodes.
Hic Rhodus Hic Salta : Le passage du Rubicon se fera aussi par la Méditerranée occidentale, l’Afrique du Nord, le Maghreb, le ponant du Monde arabe, l’ancienne Ifriqiya de l’époque romaine.
Et pour ce nouveau et magistral camouflet infligé au prestige américain, – l’accord saoudo iranien – la Chine, à l’aube du troisième mandat du président Xi Jinping entamé à la mi-mars 2023, a scrupuleusement observé les préconisations du successeur de Mao Zedong, Deng Xiaoping, artisan du renouveau économique chinois : «dissimuler sa force et attendre son heure». CQFD. Ce qu’il fallait démontrer.
source : Mondialisation
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