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Depuis le tout début, la revue de formation métapolitique TeKoS et, par extension, cette lettre d’information électronique du «Knooppunt Delta», ont mis l’accent sur les changements sociaux qui se produisent juste en dessous de la surface visible. Des changements sismographiques, en d’autres termes, qui ont des effets à plus long terme. Des phénomènes que l’on perçoit souvent avant qu’ils ne puissent être étayés par des données numériques. Une fois qu’ils peuvent être étayés par des données numériques, il est généralement déjà trop tard.
L’un de ces phénomènes à long terme, prévu depuis plus longtemps et non pas depuis un passé immédiat, est l’appauvrissement d’une partie non négligeable de la classe moyenne en Europe occidentale. Il n’y a pas eu que la crise bancaire de 2008, la crise impulsée par la pandémie a également frappé durement certaines catégories de personnes. Plusieurs gouvernements d’Europe occidentale se sont vus «obligés» d’injecter des sommes massives dans la société civile, de sorte que les niveaux d’imposition ont continué à augmenter dans de nombreux pays d’Europe occidentale. Ajoutez à cela l’inflation de l’année dernière et la crise énergétique provoquée par la guerre russo-ukrainienne, et vous avez à peu près le tableau complet.
Nos collègues allemands de l’hebdomadaire berlinois Junge Freiheit ont récemment tourné leur regard vers l’Irlande, une île qui s’est littéralement vidée de son sang il y a près de 200 ans en raison du colonialisme britannique et des mauvaises récoltes de pommes de terre. En 1916, il y a eu une tentative désespérée (et à première vue ratée) d’imposer l’indépendance par un coup de force paramilitaire, mais finalement, après une guerre civile sanglante, la majeure partie de l’Irlande est devenue indépendante. Il est vrai que l’Irlande est restée une zone pauvre de l’Europe occidentale pendant des décennies au cours du XXe siècle. Dans les années 1980 et 1990, le «tigre celtique» a étonné toutes les nations industrielles, et l’Irlande a pris sa revanche en connaissant une renaissance économique et financière spectaculaire.
La pauvreté est cependant de retour sur l’île, même si elle n’avait jamais tout à fait disparu, bien entendu. Les collaborateurs de l’hebdomadaire berlinois ont visité le centre de jour des Capucins à Dublin (Capuchin Day Centre), dont l’ancien policier Alain Bailey est le pivot. Le centre, qui fournit quotidiennement de la nourriture aux plus démunis, a vu son public cible changer radicalement : dans les premières années (1970), les clients étaient uniquement des hommes ayant des problèmes d’alcool, «les 20 mêmes hommes chaque jour», se souvient M. Bailey. Avec l’essor des drogues (principalement l’héroïne), de nombreuses femmes sans-abri sont venues visiter le centre dans les années 1970 et 1980. Désormais, c’est une troisième vague qui arrive, formée de familles touchées par la crise économique, financière et énergétique qui viennent chercher de l’aide. 1400 colis alimentaires sont d’ores et déjà distribués chaque jour, 300 personnes font la queue pour le petit-déjeuner et 700 pour le déjeuner. En outre, le centre offre une assistance médicale gratuite et des installations permettant aux démunis de se laver.
Le Centre de jour des Capucins affirme sa totale indépendance vis-à-vis des partis politiques et est financé par des sponsors privés. Les coûts s’élèvent à 4 millions d’euros par an, l’État irlandais offrant une subvention de 400 000 euros par an.
Le marché immobilier porte une lourde responsabilité
À première vue, cette nouvelle pauvreté sur l’île irlandaise a de quoi surprendre. En effet, en 2013, l’Irlande a laissé la crise financière de 2008 derrière elle après que le gouvernement a pris des mesures drastiques. Et avec les derniers taux de croissance, le pays semble, au moins statistiquement, renouer avec l’histoire à succès du «Tigre celtique» des années 1990. Pourtant, écrit Junge Freiheit, la détresse est particulièrement frappante dans les grandes villes, se manifestant moins par une pénurie d’emplois que par un manque criant de logement.
Les jeunes n’ont plus guère les moyens de se loger et la location devient extrêmement difficile. À la hausse des loyers s’ajoute l’inflation, qui fait rapidement fondre l’épargne. Le loyer mensuel moyen à Dublin était d’environ 970 euros en 2010, et de 626 euros en dehors de la capitale. En 2021, le loyer mensuel atteindra 1916 euros à Dublin et 1114 euros en dehors de la ville. Le nombre de sans-abri augmente, beaucoup d’entre eux passant la nuit chez des amis ou des connaissances (ce que l’on appelle le Couchsurfing), dormant dans leur voiture ou chez leurs parents.
L’une des causes principales est probablement à rechercher dans le marché de l’immobilier. Dans les années 1990, sous la pression du néolibéralisme, particulièrement virulent dans les pays anglo-saxons, le gouvernement irlandais s’est retiré du marché du logement social. Sur ce marché du logement social, disait-on, les propriétaires privés se débrouilleraient tout seuls, alors que le gouvernement irlandais, lui, avait un bâton dans les roues depuis 1922. Au sein de l’élite politique, un changement de mentalité s’est opéré, le logement étant davantage considéré comme une marchandise que comme un besoin humain et social. Enfin, l’agence gouvernementale NAMA (National Asset Management Agency) a demandé aux investisseurs institutionnels mondiaux de s’aventurer sur le marché immobilier irlandais, en achetant des crédits dits toxiques issus de la crise financière.
Tout cela, combiné à une crise migratoire, exerce une pression particulièrement forte sur le marché du logement. Les manifestations agressives des habitants de Dublin et de Cork contre les migrants et les nouveaux arrivants montrent que les «Hungergames» en Irlande pourraient bien suivre un scénario particulièrement chaud et bruyant.
source : Knooppunt Delta, Nieuwsbrief – n°180 – mai 2023
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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