Solidarité avec Nancy Morejón — Francis COMBES

Solidarité avec Nancy Morejón — Francis COMBES

Le marché de la Poésie de Paris vient de retirer la présidence d’honneur qu’elle avait confiée à la poétesse cubaine Nancy Morejon, suite à une intervention d’opposants cubains relayée par le Pen-Club.

La poétesse cubaine Nancy Morejón devait assurer la présidence d’honneur de cette quarantième édition du Marché de la poésie. Suite à l’intervention d’un opposant cubain, relayé par le Pen club, la direction du Marché a finalement décidé de renoncer à cette présidence, tout en maintenant son invitation à Nancy Morejón.

Nous connaissons Nancy Morejón, pour certains d’entre nous depuis de nombreuses années. Nous savons qu’elle est une vraie poète, une des grandes voix féminines de la poésie latino-américaine. Femme et Noire, elle est engagée depuis des années dans le combat pour la paix, contre le racisme et les inégalités sociales, de race, de genre, et pour la liberté des peuples .

Que lui reproche-t-on précisément ? D’avoir, avec d’autres écrivains vivant à Cuba, signé plusieurs déclarations en soutien aux autorités cubaines. Elle l’a effectivement fait à plusieurs reprises. Nancy Morejón n’a jamais caché son soutien à la révolution cubaine. Après la mort de Fidel Castro, elle lui a publiquement rendu hommage. Et en 2003, (déclaration plus controversée) suite à l’exécution de trois preneurs d’otages, elle a co-signé un texte adressé aux « Amis au loin », défendant « Cuba (qui) s’est vue obligée de prendre des décisions énergiques qu’elle ne souhaitait naturellement pas avoir à prendre ».

Nous n’affirmons pas que Cuba est un paradis. Nous n’ignorons pas les difficultés actuelles de la population de l’île, dues en particulier au maintien du blocus états-unien, et nous n’ignorons pas les drames qu’a traversés la révolution cubaine, mais nous refusons de hurler avec les loups.

En fait, le principal péché de Nancy Morejón est d’avoir pris partie depuis des années en faveur de la Révolution cubaine dont elle est partie prenante.

Qui l’accuse ?

Celui qui l’a dénoncée comme soutien du « régime totalitaire » est Jacobo Machover, écrivain d’origine cubaine. Il a quitté Cuba avec sa famille, en 1963, quatre ans après la révolution cubaine [à l’âge de neuf ans. Note du GS]. Il a collaboré à plusieurs journaux français et il est connu pour avoir publié quelques livres dans lesquels il s’attache à présenter le Che comme un tueur fanatique.

Après l’attaque au cocktail Molotov contre l’ambassade de Cuba à Paris, en juillet 2021, il a revendiqué publiquement le soutien à l’attentat, au nom de l’organisation européenne Cuba Libre. Que ce serait-il passé s’il s’était agi de l’ambassade US à Paris ?… Il aurait sans aucun doute été poursuivi pour complicité de terrorisme… Mais ce n’est que l’ambassade de Cuba… et l’affaire en est restée là.

Il y a certainement bien des choses qui mériteraient d’être corrigées à Cuba, mais la vérité oblige à dire que ce n’est pas dans les rues de La Havane que la police tue régulièrement des Noirs, simplement parce qu’ils sont noirs ou qu’ils ont tardé à obtempérer.

Pour notre part, nous sommes d’accord pour défendre la liberté d’expression partout, y compris dans des pays envers lesquels des raisons historiques nous font éprouver de la sympathie.

Mais quand on prétend se faire les défenseurs des droits de l’homme dans le reste du monde il faudrait commencer par balayer devant sa propre porte.
Et comment peut-on s’en prendre ainsi à des artistes, des écrivains en leur faisant porter toute la responsabilité de la politique de leur pays ?

Heureusement, lorsqu’un écrivain français se rend à l’étranger, par exemple en Amérique latine, on ne lui demande pas s’il a voté Macron et on ne lui impute pas la responsabilité de la trentaine de Gilets jaunes mutilés ou éborgnés, ou des manifestants blessés, parfois très gravement, par la police pendant les manifestations contre la réforme des retraites.

La décision de retirer à Nancy Morejón la présidence de cette édition du Marché de poésie, placée sous le signe de Cuba, nous attriste et nous choque. En tant que poètes, écrivains, hommes et femmes de lettres vivant en France, cette décision nous peine et nous fait honte.

Francis Combes

COMPLEMENT par LGS 

https://www.marche-poesie.com/morejon/

Nancy Morejón, née en 1944 à La Havane, est poétesse, essayiste, critique littéraire, traductrice de poésie d’expression française d’Europe, le Canada et d’Outre Mer. Elle a reçu le Prix national de Littérature en 2001, ainsi que de nombreux prix littéraires pour son œuvre poétique et ses essais critiques dont Nation et métissage chez Nicolás Guillén (1982, Prix des Essais UNEAC 1980), et le prix international LASA (États-Unis, 2013). Elle est Docteur Honoris Causa de l’Université de Cergy-Pontoise (2009).

Depuis les années soixante, elle a publié un grand nombre de recueils de poèmes à Cuba, au Mexique, au Venezuela, en France, en Espagne, en Suède, en Allemagne, aux États-Unis et au Canada : Piedra pulida (Pierre polie, 1986) ; Botella al mar (Bouteille à la mer, Zaragoza, (Espagne) 1996) ; une anthologie préfacée par Mario Benedetti (édition Visor, Madrid) : Richard trajo su flauta y otros poemas (Richard a apporté sa flûte et autres poèmes, 2000) ; La Quinta de los Molinos (La Villa des Moulins, 2000) ; Cuerda veloz (Corde véloce, anthologie 1962-1992, Prix national de Littérature, 2002) ; Carbones silvestres (Charbons sylvestres, 2005). Ses derniers recueils publiés : Persona (Prix Rafael Alberti, 2010), Peñalver 51 (Zamora, Fundación Sinsonte, Espagne, 2009).

En France, son œuvre poétique a été diffusée dans des revues (Caravelle, Poésie de Seghers, Passerelles, Europe), lors de la Biennale des Poètes en Val-de-Marne, ou dans des anthologies (par Claude Couffon, Saül Yurkiévich). Ses essais et ses poèmes sont étudiés aux États-Unis, dans le cadre universitaire des études afro-américaines ou féministes.

Elle a été Présidente de l’Académie Cubaine de la Langue (2012-2016) ; de même, elle a été directrice du Centre d’Études de la Caraïbe à la Casa de las Américas, où elle est devenue consultante de la Présidence. À présent, elle est directrice de la revue Union, de l’Union des Écrivains et des Artistes de Cuba (UNEAC). Depuis 2018, elle est Membre d’Honneur de l’Association Continentale des Professeurs d’Espagnol et Portugais (AATSP) fondée a New York, en 1917.

Depuis 1990, elle est membre permanent du jury du Prix Carbet de la Caraïbe (créé par Édouard Glissant, Martinique, en 1990).

Son parcours d’intellectuelle cubaine engagée et son œuvre font l’objet de plusieurs documentaires réalisés à Cuba et diffusés aux États-Unis par Juanamaría Cordones-Cook (Université du Missouri), auteur de l’ouvrage, Nancy Morejón, soltando amarras y memorias (Santiago de Chile, 2009).

Liste des signataires de l’appel pour Nancy Morejón

Poètes, écrivains, éditeurs : Francis Combes (poète) – Serge Pey (poète) – Jean Portante (poète ; Luxembourg, France) – José Muchnik (poète ; Argentine, France) – Victor Rodriguez Nunez (Poète ; Cuba, USA) – Ignacio Ramonet (Espagne, France) – Yves Vargas (philosophe) – Philippe Tancelin (Poète, philosophe) – Hernando Calvo Ospina (journaliste, écrivain ; Colombie, France) – Jean Ristat (poète) – Franck Delorieux (écrivain et photographe) – Gérard Mordillat (romancier et poète) – Laurent Fourcaut (universitaire, poète) – Sandra Hernandez, (professeur des universités, traductrice de Nancy Morejón) – Michel Ménaché (poète) – Alain Freixe (poète) – Omar Emilio Sposito (poète et traducteur ; Argentine, France) – Jean-Michel Devesa (universitaire et romancier) – Fabienne Beaudeau (productrice audiovisuelle) – Michel Cassir (poète ; France, Liban) – Delia Blanco (poète ; République dominicaine, France) – Patricia Latour (journaliste et autrice) – Marie-Laure Coulmin Koutsaftis (poète et traductrice ; Grèce, France) – Norbert Lenoir (philosophe) – Manuel van Thienen (poète et traducteur) – Eric Maclos (poète) – Fabien Marius Hatchi (éditeur ; Guadeloupe) – Dominique Buisset (poète, traducteur – Corse) – Georges Gastaud (philosophe) – Pierre Vieuguet (poète) – Victor Blanc (poète) – Eric Piette (poète ; Belgique) – Charles Ducal (poète ; Belgique) – Juliette Combes-Latour (responsable culturelle) – François Eychart (Amis d’Aragon) – Jean-Louis Cloët (écrivain) – Kiko, Christian Moroy (poète) – Jean-Pierre Page (syndicaliste, auteur) – Maxime Vivas (écrivain) – Michel Cochet (philosophe) – Juana García Abás (prix Nicolás Guillén (poète, Cuba) – José Luis Fariñas García (peintre et poète ; Cuba) -Franz Ho Kong Ciat (éditeur ; Guyane) – Andrès Bansart (universitaire et poète ;Venezuela, France) – Abel Robino (poète ; Argentine, France) – Francis Arzalier, (historien) – Sergio Avalos (poète, France, Mexique) – Anatole Atlas (écrivain) – Danielle Bleitrach, (écrivain sociologue) – Hassen Bouabdellah (cinéaste et écrivain) – Barbara Flamand (poète, Belgique) – Jacques Fusina (poète, professeur émérite) – Jean Lamore (écrivain chercheur martiano) – Antoine Jobard (Le Sabot) – Marc Maille (poète, animateur de Radio-Campus, Lille)- Jean-Loup Izambert (écrivain, journaliste d’investigation) – Jean-Luc Pujo (écrivain) – Stéphane Sirot, (historien du syndicalisme et du mouvement social) – Mercedes Alfonso (conteuse ; Cuba) – Hélène Vaucelle (bibliothécaire) – Fabrice Leclerc (président France-Cuba) – Olivier Rubens (essayiste) – Firoozeh Radji (peintre et poétesse persane) – Marianne Auricoste (poète) – Alexis Bernaut (poète) – Charles Pennequin (poète)

Personnalités – responsables associatifs

François-Michel Lambert (ancien député, ancien président du groupe d’amitié France-Cuba à l’Assemblée nationale) – Paul Estrade (universitaire et historien spécialiste de Cuba)- Roger Grevoul (conseiller général honoraire, président fondateur de l’association Cuba-Coopération France) – Michel Taupin (Cuba Si France) – Didier Guilbaud (Les Amis de Cuba) – Tamara Kunanayakam, (ancienne Ambassadeur à Cuba, autrice) – Massimiliano Ay, (secrétaire général du Parti communiste de Suisse, début de la République et du canton du Tessin) – Quim Boix, (secrétaire de l’Union Internationale des Retraités de la Fédération Syndicale Mondiale – FSM) – Renée Le Mignot (présidente honoraire du MRAP) – Léon Landini (président du PRCF, ancien officier FTP-MOI, officier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance) – Sean O’Donoghue, (secrétaire de la Table de concertation de solidarité Québec-Cuba).

Suite des signataires :

Karine Alvarez – Marie-Thérèse Anton – Françoise Anton – Bernard Anton – Michel Aymerich (blogue « A contre air du temps ») – René Barchi, (historien du Détachement féminin combattant en France « Rodina ») – René Barthes (militant internationaliste,) – Michel Berlemont, (ancien responsable culturel municipal) – Biancardi Franco (journaliste, retraité) – Anna Bonet – Eric Bottin – Mireille Cardot (retraitée) – Françoise Caubin – Catherine Cazenave (professeur de philosophie, docteur en esthétique) – James Cohen (enseignant-chercheur) – Jérémy Coignard (technicien du spectacle) – Bernard Colovray (ouvrier du Livre retraité) – Annie Crovisier, (professeur d’EPS retraitée) – Hubert Cuilleron (agrégé de mathématiques, militant de la solidarité franco-cubaine) – Jean-François Dejours (professeur de philosophie, syndicaliste) – Corinne Delbes (traductrice) – Monique Demay (Terres de Mémoires et de Luttes) – Catherine Destom – Dominique Deyris (musicienne) – Arturi del Villar (Madrid) – Boris Differ (doctorant en Histoire) – Yannick Dutertre, (urbaniste et militant communiste) – Rachida El Fekaïr (responsable de médiathèque) – Hortense Faivre d’Acier Flores (professeure agrégée d’espagnol, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Camille Escudero – Victoria Famin (universitaire ; Argentine, France) – Vincent Flament, (agrégé de Lettres classiques, secrétaire national du Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe) – Marion Gandiglio, (professeur de philosophie, militante de la culture) – Philippe Gendrault (psychanalyste ; San Francisco) – Diane Gillard, (traductrice, rédactrice en chef de la revue « Etincelles ») – Sylvie Guduk – Gilda Guibert (agrégée d’histoire, directrice des Cafés marxistes de Paris) – Odile Hage, (retraitée de l’Education nationale, épouse du défunt Georges Hage, doyen de l’Assemblée nationale et Médaille de l’Amitiés entre les peuples décernée par la République de Cuba) – Manuel Hernandez-Isasy – Jean-Claude Houseaux (médecin retraité) – Jean-Michel Humez, (ancien journaliste, militant de la France insoumise) – Annie Ibrahim – Fadi Kassem, (agrégé d’histoire, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France, syndicaliste) – Jacques Kmieciak (journaliste, syndicaliste) – Valentin Labourdette, (ingénieur, syndicaliste de la métallurgie) – Salim Lamrani – Joël Lasry (musicien instrumentiste) – Alvar de la Llosa (Université de Lyon 2) – Antoine Luci (professeur, responsable) – Sébastien Madau (journaliste) – Nadia Majderczak, professeur de lettres retraitée) – Martin Miguel (artiste peintre ; Nice) – José Minard (ouvrier du bâtiment retraité) – Valérie Mir – Geneviève Mir -Dominique Mutel (agrégé d’anglais) – Kristina Nikolaishvili – Didier Olmos, (technicien du bâtiment) – Damien Parrot, dessinateur industriel, syndicaliste) – Mônica Passos (chanteuse et comédienne ; Brésil-France) – Patricia Pérez (professeur d’espagnol ; Cuba, France)- Plantier Josiane – Plantier Francis – Mireille Popelin (militante communiste, laïque et féministe) – Gisele Prigent (retraitée) – Gilles Questieaux, (animateur du blogue Réveil communiste) – Maigalida Rivas – Killian Rodriguez (doctorant en microbiologie) – Alain Rondeau (dessinateur industriel retraité de l’automobile) – Mylène Sallette (gestionnaire retraitée) – Jany Sanfelieu, (professeur de lettres retraitée) – Aurora Sarda – Victor Sarkis, professeur de philosophie – Rose-Marie Serrano (professeure d’espagnol, retraitée) – Betty Tambuscio (militante syndicale à Monaco) – Pierrette Varéa, (artisane du bâtiment retraitée) – Jean Van Hees, (membre du Bureau politique du PC de Belgique) – Miguel Angel Villalon (secrétaire général d’Union proletaria ; Espagne) – Freddy Visconti (Militant Métallos FGTB Wallonie-Bruxelles – Belgique – Militant politique – Cercle Bob Claessens)

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À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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