Yvan Colonna
La commission d’enquête parlementaire a rendu public son rapport aujourd’hui, le mardi 30 mai, concernant l’agression qui a entraîné la mort du militant indépendantiste corse Yvan Colonna à la prison d’Arles en mars 2022. Le rapport, qui sera publié en ligne dans la journée, a été présenté lors d’une conférence de presse à l’Assemblée par le président de la commission, Jean-Félix Acquaviva, député Liot de la Haute-Corse, et le rapporteur Laurent Marcangeli, député de la Corse-du-Sud, Horizons.
Yvan Colonna, condamné à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Érignac en 1998, a été violemment agressé le 2 mars 2022 dans la salle de sports de la prison par Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans, impliqué dans des affaires terroristes. Le militant indépendantiste corse est décédé trois semaines plus tard.
Au cours de ses six mois d’enquête, la commission a auditionné 71 personnes lors de 37 auditions. Les travaux de la commission ont porté sur le traitement carcéral de Franck Elong Abé, les circonstances entourant l’agression et les raisons du maintien du statut de “détenu particulièrement signalé” (DPS) d’Yvan Colonna, qui a empêché son transfert vers une prison corse.
La question centrale était de comprendre pourquoi Franck Elong Abé était en détention ordinaire et comment il a pu se retrouver seul avec Yvan Colonna pendant 15 minutes. Les auditions, notamment celles du chef du parquet antiterroriste, de l’administration pénitentiaire et du renseignement pénitentiaire, ont mis en évidence le profil inquiétant de cet homme, également classé DPS, qui avait combattu aux côtés des talibans en Afghanistan au début des années 2010 et avait multiplié les incidents en prison. Malgré cela, en 2019, il n’avait pas été jugé nécessaire de le placer en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) en raison de sa “dangerosité” établie par son passé et son comportement en détention, selon le procureur antiterroriste Jean-François Ricard.
L’ex-directrice de la prison d’Arles, Corinne Puglierini, a témoigné lors de son audition que le comportement du détenu atteint de troubles psychiatriques à son arrivée à Arles ne permettait pas une évaluation au QER. Cependant, elle a souligné une évolution positive qui a conduit à sa nomination en tant qu’auxiliaire pour le nettoyage des salles de sport de la prison à la fin de l’année 2021. La commission a qualifié cette bienveillance surprenante d’opposée au traitement carcéral “excessivement rigoureux” d’Yvan Colonna, un aspect sur lequel le rapport devrait insister.
Les élus corses et les familles d’Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, également condamnés à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Érignac, réclamaient depuis longtemps la levée de leur statut DPS, qui les empêchait d’être transférés en Corse. Ils considèrent cette décision comme purement “politique”.
Le statut DPS de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi a été levé quelques jours après l’agression d’Yvan Colonna. Les deux hommes ont été rapidement transférés dans une prison corse avant de bénéficier d’une semi-liberté au début de l’année 2023. En Corse, l’agression a suscité l’indignation et la colère, entraînant des manifestations parfois violentes dans toute l’île, avec le slogan répandu d’”État français assassin”.
La durée de l’agression d’Yvan Colonna, près de huit minutes, captée par une caméra de surveillance sans intervention des surveillants, a alimenté la colère. C’est l’agresseur lui-même qui a alerté les gardiens, prétendant que Colonna avait fait un malaise. Devant la commission, le directeur de l’administration pénitentiaire, Laurent Ridel, a admis que la réalité pouvait dépasser la fiction. La commission a également souligné le manque de moyens humains et de formation, en particulier dans le domaine de la vidéosurveillance, des surveillants. Une inspection générale de la Justice (IGJ) réalisée en décembre avait d’ailleurs conduit à des sanctions disciplinaires à l’encontre de la directrice de la prison et d’un surveillant.
Le rapport mettra l’accent sur ces lacunes, ainsi que sur les zones d’ombre, telles que les motivations de l’agression mortelle, que Franck Elong Abé a justifiée par une série de “blasphèmes” proférés par Yvan Colonna. La commission espère que l’enquête judiciaire, dans laquelle il est inculpé d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, apportera des éclaircissements sur ces points.
Source : Actu Forces de l’ordre
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