Susan O’Donnell a été chargée de recherche principale au Conseil national de recherches du Canada et est actuellement professeure et adjointe de recherche au programme Environnement et société de l’université Saint-Thomas de Fredericton.
Ole Hendrickson est un ancien scientifique du gouvernement fédéral et président de la Fondation du Sierra Club du Canada. Il vit à Ottawa.
Une récente réunion à Washington, D.C., met en évidence la nécessité de clarifier le plan d’importation de déchets nucléaires dangereux au Canada.
Le 16 mai, la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) – le consortium des producteurs de déchets hautement radioactifs au Canada – a rencontré le ministère de l’énergie (DOE) des États-Unis pour signer une déclaration d’intention de coopération sur la gestion du combustible nucléaire irradié.
Cette rencontre a eu lieu quelques semaines après que Ressources naturelles Canada eut rendu publique la nouvelle politique du Canada en matière de gestion des déchets radioactifs et de démolition des vieux réacteurs. Cette politique autorise l’élimination au Canada de « certains déchets radioactifs faisant l’objet d’accords de retour ». Plusieurs groupes de la société civile, comme l’Association canadienne du droit de l’environnement, considèrent que cette politique est un échec.
Ces « accords de retour » s’appliquent présentement aux sources d’irradiation industrielle hautement radioactives et aux sources médicales vendues à l’étranger et « rapatriés » au Canada. En ce moment, on prévoit les empiler dans un monticule érigé près de la rivière des Outaouais, en amont de la capitale. L’essentiel de la radioactivité initiale de ce « monticule de Chalk River » controversé proviendra de ces déchets industriels et médicaux importés au Canada.
Cent quarante municipalités situées en aval et de nombreux groupes de la société civile s’opposent au projet de monticule de Chalk River. La Commission canadienne de sûreté nucléaire rendra sa décision lors d’une audience qui se tiendra le 27 juin avec les communautés autochtones (notamment la Première nation Kebaowek et Kitigan Zibi Anishinabeg au Québec) qui n’avaient jamais été consultées comme il se doit.
La réunion de Washington soulève des questions sur les autres types de déchets qui pourraient aussi faire l’objet d’accords de retour, dans le plan à long terme du Canada. La réunion portait sur la gestion des déchets de haute activité – le combustible nucléaire irradié -, le type de déchets radioactifs le plus dangereux.
Tous les réacteurs nucléaires créent des produits de fission très radioactifs qui subsistent lorsque le combustible usé est retiré du réacteur. Ce combustible usé est d’abord refroidi dans des piscines d’eau pendant au moins 10 ans avant d’être transféré dans des installations de stockage à sec. Le combustible nucléaire usé reste dangereux pour les êtres vivants pendant des centaines de milliers d’années.
Les pays qui exploitent des réacteurs nucléaires ont tenté de trouver des solutions permanentes au problème du stockage des déchets de haute activité, mais aucun n’y est parvenu jusqu’à présent. La Finlande a construit un dépôt en couches géologiques profondes dont la mise en service n’a pas encore été autorisée et le gouvernement suédois a donné son feu vert à la construction d’un dépôt similaire en 2022.
Pendant plus de vingt ans, le gouvernement américain a tenté de construire un dépôt pour ses déchets de haute activité à Yucca Mountain, dans le Nevada, mais il s’est heurté à une opposition publique féroce. La situation est dans l’impasse depuis 2010, quand le Congrès a cessé d’allouer des fonds à ce projet.
Au Canada, la SGDN a identifié deux sites en Ontario pour son projet de dépôt géologique en profondeur (DGP) pour les déchets de haute activité. À l’instar du projet de Yucca Mountain aux États-Unis, ces deux sites ont suscité une forte opposition de la part des résidents locaux et d’autres groupes à travers le pays.
Le projet de DGP actuel concerne uniquement les déchets de haute activité issus des réacteurs CANDU du Canada. Ces déchets ont un profil chimique particulier lié à l’uranium naturel que nos réacteurs CANDU utilisent comme combustible. Cependant, plusieurs provinces songent à construire de petits réacteurs nucléaires modulaires (PRM) qui utiliseront un combustible d’uranium enrichi dont les déchets de haute activité auront un profil chimique différent.
Le projet de PRM en développement chez Ontario Power Generation est un réacteur à eau légère alimenté avec de l’uranium enrichi comme tous les réacteurs en service aux États-Unis. Si le projet de DGP en Ontario est reconfiguré pour accepter le combustible usé d’un réacteur à eau légère, il pourrait théoriquement accepter ensuite du combustible usé des États-Unis.
Il y a deux ans, les médias ont dévoilé un projet secret auquel participait l’ancien premier ministre Jean Chrétien et qui visait à « rapatrier » au Labrador des déchets nucléaires hautement radioactifs de l’étranger. Ce projet a avorté après avoir fait l’objet d’une condamnation générale. L’enquête de Radio-Canada avait dévoilé une lettre dans laquelle Jean Chrétien écrivait que, compte tenu du rôle du Canada dans l’extraction et l’exportation d’uranium, « il est normal » que notre pays s’engage aussi à entreposer ce combustible nucléaire une fois qu’il aura été utilisé dans d’autres pays. Ce raisonnement est similaire à la politique actuelle du Canada qui accepte les sources d’irradiation industrielles et médicales usagées en provenance des autres pays.
La réunion de Washington et la nouvelle politique sur les déchets radioactifs sont-elles un signe que le Canada pourrait éventuellement accepter des déchets hautement radioactifs provenant des réacteurs américains ? Ce n’est pas clair. Il nous faut maintenant une déclaration ferme de Ressources naturelles Canada, disant que nous n’accepterons jamais de déchets nucléaires hautement radioactifs en provenance d’autres pays. Nous devons aussi modifier notre politique pour que cette décision devienne permanente.
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