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par Lyazid Khaber
La « dédollarisation » fait de plus en plus parler d’elle. Dans un contexte géostratégique qui en dit long sur les déséquilibres présents et futurs de l’ordre mondial, l’alternative à la monnaie d’échange américaine, sonne comme une fin de la récréation qui dure depuis la fin de la dernière guerre mondiale. En effet, il est important de rappeler que ce statut de monnaie d’échange international a été acquis à la fin de la deuxième grande guerre, et avec l’avènement du système de Bretton Woods ayant posé les bases de la convertibilité du dollar en or, selon « une parité fixe de 35 dollars pour une once d’or ». Actant la puissance économique américaine, le dollar devient de facto, la « monnaie de réserve » des banques centrales.
Depuis, l’illusion de la « stabilité » de cette monnaie, a fonctionné selon la fameuse formule : « as good as gold », faisant apparaitre le dollar comme « aussi bon que l’or ». Les crises, tout comme les critiques ayant ciblé ce système n’ont jusque-là pas eu raison de « Dieu Dollar ». Pour cause : « l’analyse des mécanismes par lesquels le dollar devient une monnaie internationale est devenue tout à la fois plus compliquée et moins nécessaire », estime Michel Lelart, auteur de « Comment le dollar devient-il une monnaie internationale ? »
Pourtant, d’aucun sait que l’avènement de l’étalon-dollar, comme première monnaie de réserve mondiale, permet aux USA de ne plus avoir besoin de constituer des réserves de change en devises d’autres pays. Mieux encore, le Dollar permet de financer les déficits de la balance de paiements des américains. La planche à billet devient ainsi un moyen de création de valeurs pour l’Oncle Sam. Ce qui est communément appelé « droit de seigneuriage » (gain obtenu par l’émission de billets), fonctionne au seul bénéfice de l’émetteur des billets verts qui, à chaque fois que de besoin, permettent de financer la dette américaine… à moindre coût.
Preuve en est, depuis les années 1960, les États-Unis ont pu réaliser la « prouesse » de s’endetter massivement, sans se soucier de la valeur réelle de leur économie, étant donné que tous les autres États de la planète, ont besoin de dollars. En termes plus simples : c’est toute la planète qui se mobilise, consciemment ou inconsciemment, à combler le déficit américain. Et c’est pour cette raison d’ailleurs qu’à défaut d’une position consentante, les faucons de la Maison-Blanche, n’hésitent pas à brandir la menace des B52, ou même de passer à l’acte en orchestrant attentats, assassinat ou encore juste des guerres créées de toutes pièces pour faire taire les récalcitrants qui se croyaient en mesure de renverser la vapeur. Les attaques ciblant la Libye de Mouammar El Gueddafi, ou encore les pressions exercées sur le Japon pour se retirer de l’accord signé en 2011 avec la Chine tendant à faciliter l’usage direct du Yuan et du Yen dans les transactions commerciales et les investissements entre les deux pays, en sont des preuves tangibles.
Ce sont ceux-là les pratiques ayant fait qu’en dépit de l’ampleur de la crise de 2008, et de ses effets encore ressentis de nos jours sur l’économie mondiale, le « Dieu Dollar » garde toujours son statut de « valeur-refuge ». Privilégié comme monnaie d’échange, notamment par les pays émergents, le Dollar américain continue jusqu’à récemment d’être un « moyen de résister » à d’éventuels chocs systémiques.
Dédollarisation en cours…
Cependant, et suite notamment à l’accumulation des déficits américains, puis aux changements géostratégiques induits ou accélérés par la guerre en Ukraine depuis février 2022, une nouvelle tendance commence à apparaitre. Michel Aglietta, Professeur émérite de Sciences économiques à l’Université de Paris-X Nanterre, et Conseiller au CEPII et France Stratégie estime en ce sens que « L’invasion militaire russe en Ukraine pourrait accélérer les transformations en cours du système monétaire international et de la monnaie ». Un avis que le Dr Radhika Desai, professeur au Département d’études politiques de l’Université du Manitoba à Winnipeg au Canada et directeur du Groupe de recherche sur l’économie géopolitique, partage ; estimant que de « grandes économies mondiales se dirigent l’une après l’autre vers la dédollarisation. »
Les raisons sont multiples : à commencer par celle intrinsèque au système lui-même qui, au bout du souffle, n’offre plus l’assurance qu’il inspirait il y a à peine quelques années. Et ce n’est pas un hasard aujourd’hui si on voit de plus en plus d’analystes qui incitent les investisseurs à diversifier leur monnaie. Pour cause : « les contradictions internes du système libellé en dollars américains s’aggravent », selon Dr Radhika Desai, « Ce système cesse d’offrir à ses investisseurs américains et occidentaux à court terme des opportunités de profit spéculatif et de fournir le modeste investissement productif qu’il faisait autrefois. »
Par conséquent, note-t-elle, « de nouvelles sources de financement autres que le dollar émergent ». Accéléré par les sanctions occidentales décidées contre la Russie de Vladimir Poutine, dans le sillage de la guerre en Ukraine, avec comme conséquence directe l’indexation des prix du gaz dans d’autres monnaies, à leur tête le Rouble ou encore le Yuan, désormais adoptée par plusieurs pays, dont particulièrement les plus en vue, générant d’énormes échanges, à l’instar de la Russie, la Chine, ou encore l’Inde et l’Arabie saoudite. « Il existe de nouveaux accords bilatéraux pour échanger et prêter dans des devises autres que le dollar américain. Plus important encore, les principaux acheteurs et vendeurs de pétrole : Moscou, Riyad, Pékin et New Delhi acceptent d’échanger dans des devises autres que le dollar. Ces accords détruisent l’un des principaux piliers de la domination du dollar depuis que l’OPEP a quadruplé puis doublé les prix dans les années 1970, donnant aux pays du monde entier une raison majeure d’exiger et de détenir des dollars », pense Dr Radhika Desai.
Pis encore pour « Dieu Dollar », de plus en plus de banques centrales optent pour une « diversification » de leurs réserves de change, ouvrant grandes ouvertes des perspectives de « remplacement » à des monnaies émergentes comme le Yuan chinois qui, depuis déjà quelques années ne cesse de se positionner en véritable challenger, même si jusqu’à présent son poids reste limité pour des raisons structurelles propres au système financier et monétaire de la Chine populaire. Assujettit au « dirigisme » du parti communiste chinois, le Yuan n’inspire pas toute la confiance requise pour en faire une véritable monnaie d’échange internationale. Cependant, si les chinois demeurent eux-mêmes réticents quant à prétendre vouloir faire du Yuan une monnaie qui remplacerait, au pied levé, le « Dieu Dollar », il demeure que les transformations en cours prédisposent le monde à prendre la tangente en s’éloignant graduellement de l’influence monétaire américaine.
En attendant la monnaie des BRICS…
Le marché boursier peut, en ce sens, nous donner un aperçu de ce que seront les prochains mois ou les prochaines années. En effet, et au moment où les bourses américaines et britanniques enregistrent des replis en matière d’introductions, la bourse chinoise en connait l’exacte effet contraire, du fait que l’« Empire du milieu » dispose d’une économie productive et d’entreprises capables de verser des dividendes stables. Cela dit, le basculement ne tient finalement qu’à la décision de Xi Jinping (président chinois), puisque ce dernier (concentrant tous les pouvoirs dans son pays), ne semble pas tenté par « une guerre des changes » qui lui préfère plutôt un « compromis commercial » avec les États-Unis. Dans ce chapitre de la monnaie, la Chine préfère se focaliser sur la stabilisation du Yuan qui aura de grandes chances de se placer en « outsider ».
Dans le même contexte des changements de l’ordre mondial dans sa globalité, voulu et encouragé par Pékin et Moscou en particulier, l’apparition d’une nouvelle monnaie pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui sont en perspective d’être rejoints par d’autres pays émergents, dont l’Algérie, l’Arabie saoudite ou encore d’autres pays d’Asie, qui sera présentée lors du sommet des dirigeants des BRICS en août prochain, sonne le glas de la monnaie américaine.
Le bilan vital du « Dieu Dollar » étant déjà engagé avec le début des règlements en monnaies nationales entre les nations des BRICS, puis il y a la décision de la Russie et de la Chine à adopter le Yuan comme monnaie de règlement avec les économies émergentes. C’est en cens d’ailleurs que l’Inde et la Russie ont annoncé leur intention d’instituer « une nouvelle association économique avec une nouvelle monnaie partagée ». Le début de la fin du « Dieu Dollar » a-t-elle sonnée ? Tout porte à le croire, puisque les BRICS dont le poids économique actuel est plus important que le G7 (les 7 pays les plus industrialisés de la planète), avec une contribution à hauteur de 31,5% du PIB mondial contre 30,7% pour le G7, devraient se renforcer dans les prochaines années. Richard Dias, consultant d’Acorn, conclue : « Ce n’est plus le monde développé et le monde en développement. Il s’agit d’un monde en ascension et d’un monde en descente. »
source : Eco Times
envoyé par Amar Djerrad
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