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par h16
En novembre dernier, alors que les artistes avaient déjà découvert depuis quelques mois la puissance de l’intelligence artificielle avec MidJourney, le grand public faisait connaissance de ChatGPT et ses surprenantes capacités de dialogue. En quelques semaines, le gros modèle de langage occupait tous les esprits.
Pensez donc : voilà que déboule un outil capable de distribuer des informations de façon facilement digérable, apte à se mettre au même niveau que son interlocuteur, dans un dialogue poli et courtois ! Difficile de faire plus attractif, et, sans surprise, alors que la Chine et les États-Unis – notamment – multiplient les startups, les modèles et les équipes dans la course à l’intelligence artificielle, vite, vite, l’Europe a donc joyeusement décidé de réguler tout ça.
Pendant que les principales puissances économiques et intellectuelles du monde se sont lancées dans une course sans merci à l’amélioration de leurs moteurs et de leurs usages de l’intelligence artificielle, le Vieux Continent, au travers d’un parlement au taquet, s’est immédiatement réjoui il y a quelques jours d’être la première puissance au monde à se doter d’un cadre juridique bien gluant pesant solide pour limiter les abominables dérives possibles de ces outils.
Dans ces dérives, il pourrait être question de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le pistage numérique des citoyens, de son utilisation pour empêcher les citoyens de s’exprimer comme ils le souhaitent, voire de canaliser les informations dans un seul sens, bref, tous ces dévoiements de l’innovation dans lesquels l’Union européenne n’est jamais tombée du tout du tout circulez il n’y a rien à voir.
C’est ainsi que les eurodéputés se sont donc employés à produire un premier brouillon de texte de loi qui, pour suivre avec brio ses précédents succès dans des domaines similaire, s’inspire donc des réglementations existantes en matière de sécurité des produits et imposera des contrôles reposant d’abord sur les entreprises. L’odeur du succès est déjà très forte et les milliers d’amendements en cours de discussion ajouteront nuances et finesse dans un résultat qu’on pressent déjà indispensable à l’avenir européen dans ce domaine ; il suffit pour s’en convaincre de constater que des restrictions et des contraintes seront imposées aux applications à « haut risque », comme les infrastructures critiques, l’éducation, les ressources humaines, le maintien de l’ordre ou la gestion des migrations.
Devant l’étendue de cette liste qui recouvre de façon commode – c’est une pure coïncidence – les domaines dans lesquels l’État veut absolument avoir la primauté de faire sa propre propagande communication, on comprend qu’à part la recette des saucisses et les collections de timbres, il n’y aura aucun secteur dans lequel l’intelligence artificielle pourra se développer sans qu’interviennent délicatement les fiers législateurs de l’Union européenne et de chacun de ses États membres.
Certes, notons des aspects positifs à ces législations en cours d’élaboration, comme des interdictions qui concernent, de façon presque ironique, les systèmes de « notation citoyenne » ou de surveillance de masse, actuellement utilisés en Chine. Cependant, on ne pourra s’empêcher de rappeler que c’est ce même Parlement européen qui a autorisé, avec la même application, la mise en place d’un « pass vaccinal » en Europe et a imposé des mesures extrêmement drastiques au sein même de son institution, en violation d’à peu près toutes les valeurs qu’il prétend à présent sauvegarder avec son brouillon.
Non, pas de doute à avoir : la direction prise est assurément la bonne, et au bout de la route que l’Union emprunte maintenant en accélérant ne se trouve qu’un succès aussi flamboyant que garanti. À l’instar des États membres de la Vieille Europe dont la France est une fière représentante surtout en matière de numérique, il suffira de se rappeler les précédentes interventions des institutions européennes dans les domaines de l’informatique pour se rassurer.
Ainsi, on se souviendra de l’obligation faite à Microsoft de séparer, au début des années 2000, le butineur internet du système d’exploitation : ce fut une victoire sans conteste d’autant plus qu’elle fut concomitante avec l’arrivée de Firefox et Chrome, des concurrents nettement plus solides et rapides qu’Internet Exploser et qui lui taillaient déjà des croupières phénoménales pendant que les scribouillards européens tançaient vertement le géant du logiciel américain. L’impact des réglementations fut à peu près nul.
De même, le RGPD a été un succès fulgurant qui porte, lui aussi, la marque de fabrique du Machin européen. Grâce à ce règlement transformant l’internet européen en clickodrome de l’enfer, tout le monde valide sans plus réfléchir du tout les abrutissants panneaux qui déboulent à chaque nouveau site visité et qui vendent pourtant à vil prix notre âme numérique aux diables étrangers.
Bien sûr, les performances passées ne préjugent pas des performances des futures législations mais donnent néanmoins une bonne idée de ce à quoi on peut s’attendre, c’est-à-dire un échec mou et gluant.
Déjà, parce que se lancer dans un moratoire (comme le suggéraient Musk et d’autres signataires), des régulations et des contraintes législatives est probablement trop tard : la plupart (pour ne pas dire la totalité) des techniques d’intelligence artificielle sont directement disponibles en sources libres, que les matériels sont achetables et déployables sans licences ou droits spécifiques (et heureusement) et que, du reste, la communauté de l’OpenSource ne se gêne guère pour le faire (il existe déjà de nombreux moteurs plus ou moins proches de GPT3 libres d’accès).
Ensuite, parce que les recherches, totalement indépendantes et finalement assez loin de ces considérations, continuent de plus belle sans attendre l’avis des doctes législateurs perdus dans leurs amendements.
De surcroît, les gains à attendre de l’Intelligence artificielle en matière de surveillance poussée des agaçants citoyens poussera sans le moindre doute les États soit à bâtir les lois en laissant ces aspects soigneusement disponibles pour eux, soit à ignorer superbement les textes comme ils l’ont amplement prouvé les trois dernières années.
En fait, on sent, dans les appels des uns et des autres soit à freiner ces technologies, soit à les réguler plus ou moins fermement, les mêmes pulsions que celles qui animent le Commissaire Breton, pourtant élu par personne, lorsqu’il tente de faire plier Twitter et sa vilaine liberté d’expression un peu trop libre : accepter de laisser l’intelligence artificielle dans les mains du peuple, des sans-dents, c’est permettre à ces derniers des outils qu’on aimerait beaucoup restreindre et limiter, pour en conserver les versions débridées à la seule exclusivité des représentants de l’État, seuls capables de déterminer vraiment ce qui est lisible, audible, pensable.
Selon toute vraisemblance, l’agitation législative autour de ce sujet va très probablement aboutir au mieux à une souris inutile, au pire à une montagne ridiculement handicapante pour tous les projets européens du domaine. L’analyse du texte tel qu’il existe penche pour la montagne, et la catastrophe paralysante qui surviendra si le texte est voté en l’état promet quelques atermoiements humides en Europe, pendant que la concurrence, elle, s’emploiera à fournir un service chaque mois plus stupéfiant.
Bref, encore une fois, l’administration (ici européenne) prouve qu’elle applique à la lettre les principes économiques socialistes de base : si ça bouge, on le taxe. Si ça continue à bouger, on le règlemente. Et quand ça ne bouge plus, on subventionne.
source : Hashtable
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