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par Alexandre Lemoine
La monnaie américaine subit de nouvelles attaques. Cette fois-ci, l’un des pays BRICS propose de s’unir contre elle. Pourquoi le Brésil souhaite-t-il renoncer au dollar et créer une monnaie commune des BRICS ?
La possibilité d’introduire une monnaie unique sera discutée lors du sommet du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en août 2023, a déclaré Naledi Pandor, ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, pays hôte du sommet. Auparavant, le président brésilien Lula da Silva avait à plusieurs reprises appelé à renoncer à l’utilisation du dollar et à créer une monnaie commune du BRICS. C’est également ce que dit Dilma Rousseff, son alliée, qui a pris la tête de la Nouvelle Banque de Développement du BRICS au printemps de cette année.
La question d’une monnaie unique devient particulièrement pertinente pour les BRICS à la lumière de l’expansion imminente de cette association : l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran, l’Algérie, Bahreïn et les Émirats arabes unis ont demandé à adhérer aux BRICS. Sept autres pays sont intéressés à rejoindre cette organisation. L’élargissement du nombre de participants à la coopération multilatérale complique la recherche de compromis lors de l’utilisation des devises nationales. Et l’utilisation du dollar devient indésirable en raison du durcissement de la politique de sanctions des États-Unis à l’égard de deux des principaux pays des BRICS – la Russie et la Chine.
La plus grosse amende pour violation des sanctions anti-iraniennes a été payée en 2014 par la banque française BNP Paribas. L’OFAC (Office of Foreign Assets Control), une structure du Trésor américain qui assure les fonctions de renseignement financier, a infligé à la banque une amende de 8,9 milliards de dollars, et le paiement dans le cadre de l’accord à l’amiable de l’OFAC avec BNP Paribas s’est élevé à 963 millions de dollars.
Aujourd’hui, les sanctions secondaires ne menacent pas seulement les entreprises qui continuent de commercer avec la Russie. Des sanctions menacent également ceux qui choisissent de coopérer avec la Chine dans le domaine des technologies sensibles (qui aux États-Unis comprennent des processeurs hautement performants, des équipements pour la production de puces et de mémoire informatique, des équipements pour les communications mobiles et satellitaires, des matériaux de construction avancés, etc.). L’inclusion de l’Iran dans les BRICS élargirait encore plus la liste des risques, car les États-Unis n’ont pas encore levé les sanctions contre ce pays.
Pourquoi le Brésil et l’Afrique du Sud sont-ils aujourd’hui les plus ardents défenseurs de l’introduction d’une monnaie commune ?
Pour le Brésil, dont l’économie est liée au dollar, la tâche de s’en débarrasser est particulièrement pertinente aujourd’hui. L’augmentation des dépenses des États-Unis simplement pour desservir leurs emprunts et le déficit croissant du budget obligent Washington à faire des efforts pour accumuler des liquidités en dollars sur les marchés financiers en dehors des États-Unis. Ce processus est déjà en cours en Europe, et Lula da Silva craint que les économies latino-américaines ne soient également confrontées à une fuite des investissements américains.
Aujourd’hui, seuls les investissements chinois peuvent les remplacer en quantités suffisantes. Cependant, dans le contexte de l’aggravation des relations sino-américaines, il est très risqué de miser uniquement sur la coopération économique avec la Chine.
Les discussions sur la création d’une zone monétaire commune entre le Brésil et l’Afrique du Sud ont commencé avant l’apparition des BRICS. En juin 2003, l’Inde était impliquée dans une discussion sur la coopération économique indépendante des grandes économies des pays en développement. Lors d’une réunion trilatérale à Brasilia (capitale du Brésil), les ministres des Affaires étrangères de ces trois pays ont signé la Déclaration de Brasilia, promouvant le développement économique des trois pays. Un forum de dialogue, IBSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud), a été créé, dont l’activité intense a continué jusqu’en 2017, lorsque la discussion de ses problèmes a presque entièrement basculé vers le format des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Au sein de ce groupe, l’excédent commercial du Brésil et de l’Afrique du Sud est incomparable avec les indicateurs de la Russie et surtout de la Chine. Aujourd’hui, la Chine est considérée par de nombreux pays en développement comme une source réelle et souhaitable d’investissements dans leur propre développement économique.
En luttant pour la souveraineté face à la dictature du dollar américain, le Brésil ne cherche pas à remplacer le dollar par le yuan. Le Brésil a ses propres ambitions pour créer une zone monétaire en Amérique latine.
En janvier 2023, il a été annoncé que le Brésil et l’Argentine souhaitaient étudier la possibilité de créer une monnaie commune (sur). Le ministre argentin de l’Économie, Sergio Massa, a suggéré que d’autres pays d’Amérique latine pourraient y adhérer. Lula da Silva aimerait dans l’idéal que tous les pays du Mercosur (Marché commun du Sud) se joignent à cette monnaie avec le temps.
Le Brésil occupe une position avantageuse dans ce contexte. En tant que l’un des membres des BRICS, ayant la possibilité de réaliser des transactions en monnaie commune des BRICS, il devient pour les pays d’Amérique latine une porte d’accès aux vastes marchés des BRICS. En même temps, pour les autres pays des BRICS, le Brésil devient une porte d’accès similaire aux marchés des pays d’Amérique latine.
Les autorités sud-africaines pourraient également envisager de jouer une combinaison similaire, bien que l’Afrique du Sud soit encore à la traîne par rapport au Brésil en termes de préparation à un tel scénario. Cependant, la création d’une monnaie commune des BRICS, dans le cadre de laquelle il serait possible de ne plus commercer en dollars et en contournant le contrôle de l’OFAC américain, est avantageuse dès à présent.
source : Observateur Continental
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