Avec Poutine en Russie, Xi Jinping en Chine, et Kim Jong-un en Corée du Nord, force est de constater que la tentation du régime totalitaire n’est pas chose du passé.
«Il apparait assez clairement, écrivait Simon Weil en 1934, que l’humanité contemporaine tend un peu partout à une forme totalitaire d’organisation sociale […], c’est-à-dire à un régime où le pouvoir d’État déciderait souverainement dans tous les domaines, même et surtout dans le domaine de la pensée.» À la différence des simples dictatures, les gouvernements à tendance totalitaire ne visent pas seulement à contrôler les actions, mais à changer les hommes jusque dans leurs idées et leurs désirs.
Pour y arriver, l’État s’ingère dans les médias pour les transformer en appareil de propagande. Son objectif est alors d’inventer une conspiration contre le pouvoir. Complot juif, bourgeois, blanc ou patriarcal, qu’importe, il faut propager la perception que la menace est partout, que tout le monde est suspect et mérite donc d’être surveillé.
Dans Les origines du totalitarisme, Hannah Arendt identifie la promesse d’une société parfaite, d’un paradis sans au-delà, comme le principal signe de ce régime politique. C’est un optimisme prêt à tout, même au pire pour réaliser le «meilleur».
La grande séduction
Pour la philosophe juive, le totalitarisme ne peut séduire que des individus isolés et désolés. «La désolation, fonds commun de la terreur, essence du régime totalitaire […], est étroitement liée au déracinement et à la superfluité qui ont constitué la malédiction des masses modernes depuis le commencement de la révolution industrielle […] et la débâcle des institutions politiques et des traditions sociales de notre époque.»
Déracinés et superflus, ils sont de plus en plus nombreux à se sentir ainsi dans nos pays démocratiques. Sans patrie ni religion, sans famille ni culture, la jeunesse désœuvrée et les populations déplacées pourraient bien se laisser séduire par une nouvelle idéologie totalitaire leur promettant une société plus égalitaire au prix de quelques camps de rééducation.
S’enraciner dans une langue, une culture, une histoire et une foi communes est ainsi la meilleure manière de se prémunir contre l’enfer de tous ceux qui nous promettent le ciel sur la terre.
Mais le mal radical de ce système, selon Arendt, se manifeste dans sa violence contre le passé. Pour ultimement faire disparaitre toute opposition, il ne suffit pas d’exterminer tout dissident vivant. Il faut aller jusqu’à corriger l’histoire et faire comme si personne n’avait jamais contesté le dogme. Tous les gardiens et passeurs de mémoire sont ses ennemis jurés.
Lutter par la mémoire
C’est pourquoi la culture judéo-chrétienne, ancrée dans le «mémorial» des libérations divines, est son principal antagoniste. D’ailleurs, les juifs et les chrétiens ont été parmi les premiers à être persécutés par – et à résister contre – les gouvernements totalitaires: la seule totalité à laquelle ils adhèrent est celle d’un Dieu qui, par amour et désir d’alliance, respecte infiniment la liberté de chaque personne humaine.
S’enraciner dans une langue, une culture, une histoire et une foi communes est ainsi la meilleure manière de se prémunir contre l’enfer de tous ceux qui nous promettent le ciel sur la terre.
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