par Robin Philpot
Où sont les anti-racistes au Canada quand on en a vraiment besoin ? Voilà une question qui saute aux yeux en voyant se déployer une campagne de peur – et de haine – à l’endroit des citoyens canadiens d’origine chinoise et de la Chine. Cette campagne est menée surtout par deux médias canadiens, le soi-disant journal de référence The Globe and Mail et Global News. Ils sont alimentés quasi quotidiennement par des sources anonymes au sein du service d’espionnage canadien, le SCRS. Elle est prise au bond et amplifiée par la très grande majorité des parlementaires canadiens.
Il y a, heureusement, quelques voix qui s’élèvent pour la nommer correctement. Dont le sénateur indépendant de la Colombie-Britannique, L’honorable Yuen Pau Woo. Dans une lettre récente au ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, il dit :
« [l]a remise en question persistante de la loyauté des Canadiens d’origine chinoise, fondée sur peu ou pas de preuves, est empreinte de racisme. Il est honteux que les dirigeants politiques de tous bords aient appuyé et encouragé les calomnies et les insinuations perpétrées par des journalistes irresponsables et sans principes. »
Le rôle du SCRS laisse perplexe. Depuis des mois maintenant, des allégations graves sont lancées à partir de documents « top secret » que personne n’a vus, sauf quelques journalistes. Les politiciens en redemandent citant ces sources anonymes comme l’évangile. Parfois, on nous dit que ce sont les services secrets de « nos alliés » des Five Eyes qui fournissent au SCRS leurs rapports d’espionnage sur des activités « suspectes » de représentants officiels de la Chine ou de citoyens canadiens. (Il faudrait qu’on m’explique pourquoi cela n’est pas considéré comme de l’ingérence étrangère.)
Pour avoir une petite idée où cela va nous mener, on n’a qu’à lire le texte de celui qu’on pourrait décrire comme le porte-parole officieux du SCRS, Richard Fadden, qui a offert son opinion dans le Globe and Mail du 9 mai. Directeur du SCRS sous l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper avant d’être son conseiller en sécurité nationale, Richard Fadden a réussi à faire octroyer des pouvoirs supplémentaires très contestés (Le Bill C-51) juste avant la défaite de son patron en 2015.
Dans son article, Fadden propose une gamme de mesures pour contenir « l’ingérence chinoise » qui, selon lui, se déroule depuis des décennies. Outre la création d’un registre d’agents étrangers, qui singerait celui des États-Unis et de l’Australie, il propose notamment de fermer les supposés « postes de polices » de Beijing et de « regarder de près les autres organisations chinoises qui pourraient servir de paravents du Parti communiste chinois ». Non, ça ne vient pas de Joe McCarthy !
Sur la foi d’un rapport d’une obscure ONG nommée Safeguard Defenders basée en Espagne, on a faussement renommé des centres de services sociaux desservant de diverses façons des communautés chinoises au Québec et au Canada des « postes de police ». Et depuis qu’ils ont été renommés ainsi sans aucune preuve, ces centres ont vu leur financement public coupé et certains de leurs dirigeants perdre leur emploi et, partant, leur réputation.
En effet, le cas de ces centres de services qui, dans certains cas, existent depuis 50 ans, est clairement un avertissement.
Quand l’ancien directeur du SCRS dit qu’il faut maintenant regarder de plus près « les autres organisations chinoises », il invite les autorités politiques, les médias, les policiers et toute la population à se méfier, d’avoir peur et de dédaigner leurs concitoyens d’origine chinoise et de leurs organisations sociales et culturelles.
Tout ceci se passe exactement 100 ans après l’adoption au Canada d’une loi sur l’immigrations chinoise. Voici ce qu’on dit le Sénateur Woo :
L’ironie du sort veut que les discussions autour d’un registre des influences étrangères aient lieu à l’occasion du 100ème anniversaire de la promulgation de la Loi de l’immigration chinoise. À l’époque, les activistes chinois avaient pris l’habitude de l’appeler la « Loi de l’exclusion chinoise » en raison de l’interdiction quasi totale de l’immigration de Chinois au Canada entre 1923 et 1947. Mais ils auraient tout aussi bien pu l’appeler « Loi sur l’enregistrement des Chinois », car la loi exigeait que tous les Chinois au Canada s’enregistrent dans les 12 mois suivant sa promulgation, sous peine d’amendes, de prison et/ou d’expulsion. Même après s’être enregistrés, les Chinois du Canada étaient soumis à l’humiliation d’un harcèlement constant de la part des agents chargés de l’application de la loi, qui contestaient l’authenticité des certificats d’enregistrement.
Il y a d’autres côtés sombres dans le rapport du Canada avec la Chine et les Chinois dont personne veut se souvenir. Le Canada honore encore partout le Lord Elgin, qui fut au milieu du XIXe siècle gouverneur général britannique du Canada. Des lacs, de grandes artères dont une au cœur d’Ottawa, capitale du Canada, des régions portent son nom. Or c’est ce même Lord Elgin qui, en 1860, a ordonné le sac et le pillage du Palais d’été de Beijing, que Victor Hugo qualifiait de « merveille du monde. »
« Cette merveille a disparu, écrit Hugo. (…) Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’orient. (…) Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. »
Si le passé est garant de l’avenir, les anti-racistes au Canada auront du pain sur la planche.
Alors que le racisme est sur toutes les lèvres des organismes bien-pensants au Canada, leur silence assourdissant actuel laisse penser la peur de se faire couper le financement eux aussi leur ont fait perdre la voix.
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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