‘Ukrisis’ et la postmodernité

‘Ukrisis’ et la postmodernité

Ukrisis’ et la postmodernité

• Exercice pratique : comment la guerre en Ukraine illustre la bataille pour la définition de la postmodernité et les divers simulacres qui contribuent à créer un “fog of war” intellectuel. • Avec un texte de Rahim Volkov.

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Nous choisissons ci-dessous un texte d’un postmoderne-“radical”, c’est-à-dire en rupture totale avec la modernité : Rahim Volkov, de ‘Katehon.com’, le site des eurasistes et douguinistes. Son texte, « Contre la postmodernité libérale » s’adresse, non pas au postmodernes-modernistes (ceux qui espèrent et affirment restaurer complètement la modernité [‘ReSet’, wokenisme, etc.] sous le simulacre de ‘post’ : plutôt ‘surmodernité” que ‘postmodernité’) mais aux postmodernes qui veulent restaurer le libéralisme qu’ils jugent ‘classique” et liquider certains aspects de la modernité.

Au reste, on peut laisser là l’antimodernité… Tout le monde est désormais antimoderne, y compris les hypercapitalistes puisqu’ils nous pondent un ‘Re-set’ pour activer le mythe des ‘Grandes Peurs’ et nous sortir une néo-modernité super-moderniste en nous assurant que tout est changé ; et tout le monde est effectivement antimoderne puisque tout le monde est postmoderne, – et qui dit postmoderne dit antimoderne, – et ainsi le jeu de dupes peut-il commencer… A partir du texte de Volkov, nous voulons décrire la guerre d’Ukraine (matrice de notre ‘Ukrisis’) sous forme analogique, comme des travaux pratiques de cet affrontement entre les différents postmodernistes.

On reprend ici les passages du texte de Volkov qui nous importent, où il pose le schéma de sa démonstration, lui laissant le reste qui présente la démonstration elle-même. Nous laissons de côté sans nous y attacher les termes employés par Volkov, – “eurasistes” d’une part, “postmodernistes occidentaux” ou “postmodernistes libéraux”. Il est évident qu’ils ne sont pour nous d’aucune utilité, en plus d’être inexacts ou incomplets à notre sens. Cette inutilité et cette inexactitude concernent le langage lui-même, mais aussi la situation et la caractérisation de la posture intellectuelle.

« Ainsi, ce qui différencie les eurasistes des postmodernistes occidentaux tels que Jordan Peterson, c'est que nous considérons la postmodernité comme une rupture totale avec la modernité qui a fomenté le chaos à tous les niveaux de la société. Pour les postmodernistes occidentaux, la postmodernité exige la réappropriation des valeurs libérales perdues que sont la liberté, l'égalité, l'individualisme et les libertés. Cependant, dans notre cas, nous pensons que l'ère postmoderne est un chaos complet et que ce chaos ne peut être surmonté qu'en faisant appel aux traditions perdues de l'antiquité telles que le mysticisme, la spiritualité et en faisant appel à l'âge classique qui représente la grandeur de la civilisation humaine. […]

» …Les postmodernistes libéraux comprennent clairement l'ère du chaos mais, en même temps, ils sympathisent avec le progrès des technologies perturbatrices.

» Ils pensent que l'ancien ordre moribond peut être ressuscité en limitant la portée des technologies perturbatrices au domaine humain, ce qui relève effectivement de l'imagination spéculative. Malheureusement, ce qu'ils ne comprennent pas vraiment, c'est que les conditions postmodernes sont une bataille entre la conscience et l'imagination, entre l'être et le soi, entre l'existence et la vie artificielle. La condition post-moderne a coincé le domaine humain entre l'hyper-matérialisme et le consumérisme fétichiste, ce qui est comme de la boue entre les deux briques d'un bâtiment détruit. »

Notre idée est de tenter de catégoriser ceux qui s’affrontent en Ukraine et autour, pour les étiqueter dans le cadre et en fonction de la postmodernité. Nos références sont connues de tous, et nos choix dans le sens d’une postmodernité exprimant radicalement une antimodernité par conséquent. Notre démarche tend plutôt à considérer les observations et les classifications de Volkov dont nous comprenons l’utilité, sinon la nécessité. Notre démarche est de mettre à jour le simulacre au second degré existant entre les différents acteurs, pour que chacun sache qui est qui, – et qu’il sache par conséquent qui est « l’ennemi principal » (toujours cette expression d’Ho Chi-minh choisissant de s’allier aux Français contre les Chinois en 1945).

Il est évident que le parti zélenskiste sur le territoire du Zelenskistan, soutenu par l’OTAN, l’UE et les USA, représente une donne postmoderniste qui entend offrir par absolument tous les moyens, y compris la brutalité extrême et le simulacre complet, une néomodernité ou modernité-simulacre qu’on peut nommer “surmodernité” en raison de son ambition, pour remplacer la modernité “cancellée” en conservant pourtant tous ses caractères d’inversion, grandis et multipliés dans cette inversion. Par conséquent, en face, puisque l’on trouve des gens (les Russes) s’estimant engagés dans un “combat existentiel” impliquant une rupture totale avec l’adversaire, se trouvent effectivement des “postmodernes radicaux”, c’est-à-dire rompant radicalement avec la modernité et distinguant aussitôt chez l’adversaire cette surmodernité-simulacre. Cette rupture s’exprime de cette façon :

« [N]ous pensons que l'ère postmoderne est un chaos complet et que ce chaos ne peut être surmonté qu'en faisant appel aux traditions perdues de l'antiquité telles que le mysticisme, la spiritualité et en faisant appel à l'âge classique qui représente la grandeur de la civilisation humaine. »

Les postmodernistes-libéraux pensent que la postmodernité est un chaos hérité de la modernité mais ils pensent également que, dans ce chaos, ils vont pouvoir retrouver les valeurs libérales qu’ils continuent à chérir (« la liberté, l'égalité, l'individualisme et les libertés »), les arracher des mains griffues et surtout déconstructivistes des surmodernes-simulacre, les restaurer et leur rendre leur vertu. Il n’empêche que, dans la bataille ukrainienne et suivant la logique de cette bataille selon la narrative officielle, ils tendent à voir chez les postmodernes-radicaux (les Russes) des adversaires de ces vertus puisque les surmodernes-simulacre de Zelenskistan proclament également ces vertus. Les postmodernes-libéraux, trompés par le simulacre, ne voient pas que ces vertus sont totalement inverties par les surmodernes-simulacre, sinon révélées comme faussaires et trompeuses.

Pire encore. ces postmodernes-libéraux ne distinguent pas que le fait de l’inversion de ces vertus par les surmodernes-simulacre tient à ceci que ces vertus sont extrêmement vulnérables, réversibles et qu’elles sont aussi trompeuses et simulacre. Ils tombent dans le piège que la modernité, qu’ils dénoncent avec fureur, leur tend par le biais de son simulacre.

La bataille d’Ukraine est donc d’abord un exercice pratique de définition des vertus de civilisation, et a contrario des tromperies inverties de la surmodernité-simulacre. Elle explique que toute une élite contestatrice de la modernité, essentiellement en Europe, dans un pays comme la France notamment et particulièrement, se trouve engagée passivement mais fermement dans une bataille contre elle-même en dénonçant une attaque contre les vertus de la civilisation dans la bataille engagée par les Russes contre le Zelenskistan soutenu par l’OTAN, l’UE et les USA.

Contrairement à ce que dit Volkov, qui raisonne logiquement en Russe et en eurasiste, les antimodernes-radicaux ne peuvent se trouver uniquement à l’Est, à partir du Donbass. L’Occident collectif, Europe essentiellement, mais aussi les USA selon les normes américaines, abrite des groupes importants d’antimoderniste-radicaux, c’est-à-dire des antimodernistes-libéraux qui comprendraient que les vertus dans lesquelles ils croient ont été inverties à jamais dans le champ intellectuel actuel par l’usage qu’en ont fait les surmodernistes-simulacre, – grâce à leur simulacre. Les eurasistes sont à la pointe du combat de la civilisation à venir, mais ils ne sont pas les seuls.

Note de PhG-Bis : « Cette nouvelle, sur laquelle je suis assez sûr que PhG reviendra, est un signe indiscutable que “les eurasistes… ne sont pas les seuls” : l’annonce que des citoyens américains veulent et vont quitter les USA pour s’installer en Russie, à cause des conditions d’intolérance et de discrimination actuellement en plein paroxysme inverti aux USA. La nouvelle, d’après l’avocat Timour Berslangourov au Forum de Saint-Petersbourg sur les questions juridiques, porte d’abord sur un groupe de 200 familles catholiques traditionnalistes, qui doit s’installer dans un village commencera à être construit pour elles en 2024. » 

Voici donc le texte de Rahim Volkov sur le site ‘euro-synergies.hautefort.com’, le 13 mai 2023, avec sa version originale sur ‘katehon.com’.

dedefensa.org

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Contre la postmodernité libérale

Antonio Gramsci a dit un jour que personne ne pouvait rester indifférent indéfiniment et qu'il fallait un jour choisir son camp et la bonne voie. Ainsi, ce qui différencie les eurasistes des postmodernistes occidentaux tels que Jordan Peterson, c'est que nous considérons la postmodernité comme une rupture totale avec la modernité qui a fomenté le chaos à tous les niveaux de la société. Pour les postmodernistes occidentaux, la postmodernité exige la réappropriation des valeurs libérales perdues que sont la liberté, l'égalité, l'individualisme et les libertés. Cependant, dans notre cas, nous pensons que l'ère post-moderne est un chaos complet et que ce chaos ne peut être surmonté qu'en faisant appel aux traditions perdues de l'antiquité telles que le mysticisme, la spiritualité et en faisant appel à l'âge classique qui représente la grandeur de la civilisation humaine.

Avec la naissance de l'hyper-matérialisme et de l'hyperconsommation, l'essence même de l'individu a été dépassée: d'une entité naturelle, il est devenu une agence artificielle avec un détachement complet du monde naturel. À notre avis, la réévaluation des valeurs libérales (au sens nietzschéen) ne peut même pas influencer le chaos post-moderne en cours. Deux raisons majeures justifient notre position sur le sujet. Premièrement, pour comprendre le chaos actuel, fomenté par la postmodernité, nous devons examiner de près la condition post-moderne de l'humanité dans son ensemble. La condition post-moderne se réfère à une situation dans laquelle le domaine humain a complètement perdu son essence naturelle – une dégénérescence gonflée de l'être en un soi artificiellement construit. L'identité même de l'"être", qui a été au cœur de toutes les civilisations de l'histoire de l'humanité, a perdu son sens authentique.

En outre, l'inauthenticité a déjà pris le dessus sur les fondements naturels des strates humaines, tant dans la sphère sociale que dans la sphère personnelle. Dans la perspective heideggérienne, Das Nicht (le néant) domine chaque couche du domaine humain en provoquant la crise de l'être dans les conditions libérales néo-kantiennes. Deuxièmement, le progrès hypertrophié des technologies perturbatrices à l'échelle mondiale entrave les traditions sacrées des "êtres humains". Les traditions sacrées font ici référence au processus naturel qui a aidé et propulsé le développement de la civilisation humaine au cours des siècles. Dans ce processus naturel, l'être humain est resté au cœur de chaque progrès et de chaque développement en jouant le rôle d'agence sociopolitique. Le langage principalement utilisé par les postmodernistes libéraux comporte des éléments de simulation de type matriciel qui promeuvent les insignes illusoires du progrès collectif du monde humain.

Néanmoins, dans chaque langue, ce sont les couleurs verbales, la syntaxe et la psychologie utilisées qui comptent le plus. Ainsi, dans la plupart des écrits des penseurs libéraux postmodernes tels que Jordan Peterson et Jürgen Habermas, l'utilisation de ces derniers modèles de langage concernant la réaffirmation libérale semble très fréquente. Cependant, le récent processus technologique basé sur l'intelligence artificielle et les algorithmes modifie progressivement l'agence de ce long processus historique en mettant au centre le robotisme et l'automatisme basés sur l'intelligence artificielle. À cet égard, les conditions post-modernes font référence au grand déplacement de l'homme du cœur du progrès et du développement qui se produit autour du domaine humain avec un isolement et une singularité complets. Le développement technologique basé sur l'intelligence artificielle a réduit le rôle des êtres humains à celui de "cobayes" en les poussant vers la périphérie de l'ensemble du développement. À cet égard, le problème des postmodernistes libéraux est qu'ils sont les sympathisants des conséquences post-modernes en agissant comme des apologistes. Les postmodernistes libéraux comprennent clairement l'ère du chaos mais, en même temps, ils sympathisent avec le progrès des technologies perturbatrices.

Ils pensent que l'ancien ordre moribond peut être ressuscité en limitant la portée des technologies perturbatrices au domaine humain, ce qui relève effectivement de l'imagination spéculative. Malheureusement, ce qu'ils ne comprennent pas vraiment, c'est que les conditions postmodernes sont une bataille entre la conscience et l'imagination, entre l'être et le soi, entre l'existence et la vie artificielle. La condition postmoderne a coincé le domaine humain entre l'hyper-matérialisme et le consumérisme fétichiste, ce qui est comme de la boue entre les deux briques d'un bâtiment détruit.

Rahim Volkov

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À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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