par Abdallah Mzembaba
Me Louis Joanes est avocat au barreau de Paris. Dans cette interview exclusive, il revient sur la plainte déposée à la Cour pénale internationale (CPI) au nom du Conseil représentatif des associations noires de France, une ONG créée en 2005 pour défendre les Noirs de France. Dans cette plainte, l’avocat dénonce l’opération « Wuambushu » qui se déroule actuellement à Mayotte. Il estime que la France occupe illégalement le territoire comorien de Mayotte, et appelle à la création d’un comité international regroupant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et les Comores avec comme objectif de « mettre en œuvre les nombreuses décisions de l’ONU qui demandent à ce que ces États accèdent à leur pleine souveraineté. »
Quelles sont les étapes à suivre maintenant que vous avez porté plainte ?
Nous allons attendre l’accusé de réception du parquet de la Cour pénale internationale de justice. Nous faisons déjà appel aux victimes de cette déportation coloniale afin que nous puissions les identifier et les accompagner pour qu’elles puissent obtenir une réparation indemnitaire de l’État français. En effet, les Mahorais comoriens sont victimes d’un crime contre l’humanité en plein jour, devant les caméras des journalistes français, et ils reprennent à l’unisson le discours du pouvoir exécutif qui s’appuie sur l’abstention ou les voix du Front National pour gouverner.
Me Saïd Hassane et moi demanderons un rendez-vous à Karim Khan, le procureur de la République et au procureur de la Cour pénale internationale. L’État de la Diaspora africaine, dont le Pemier ministre est le Dr Louis-Georges Tin, a saisi les instances de l’ONU [Organisation des Nations unies] pour les alerter concernant ce crime contre l’humanité dans un État souverain. Le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), Nassurdine Haidari, demandera un rendez-vous avec le Premier ministre Louis Georges Tin au président des Comores. Car nous sommes tous des Mahorais comoriens. Nous ne voulons pas qu’un second Rwanda se reproduise à Mayotte, qui est un territoire comorien et non français.
Comment évaluez-vous les chances de succès de votre plainte à la CPI ?
Notre première victoire est d’avoir pris en flagrant délit l’État français en train de commettre un crime contre l’Humanité au XXIe siècle. On constate que les institutions françaises (justice, parlement, police) et les médias sont les porte-parole du pouvoir exécutif. Cela explique facilement comment la France entre 1939 et 1945 a participé sans la moindre honte à un crime contre l’humanité dans son propre pays à l’égard des minorités. Faut-il le rappeler, le Colonel Charles de Gaulle avait été condamné par contumace à la peine de mort par la justice française.
Le parlement, les médias de l’époque n’ont pas protesté. Il n’y a eu aucune manifestation pour contester cette décision de justice. Ainsi à Mayotte, les juridictions françaises ne font que légitimer le pouvoir exécutif dans la mesure où Mayotte relève de la souveraineté exclusive des Comores. Le parlement, les médias reprennent à l’unisson le discours de Gerald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, du préfet et du président de la République française, qui légitiment ces crimes en prétendant lutter contre la criminalité et l’immigration. Une chaîne publique (France télévision) a donné la parole à un extrémiste mahorais français, un élu qui plus est, appelant à tuer des Mahorais comoriens.
Donc ces juridictions devraient se déclarer incompétentes et inviter l’État français à exécuter les résolutions de l’ONU, qui rappellent constamment depuis 1975 que Mayotte relève de la souveraineté exclusive des Comores. Notre seconde victoire est de pouvoir démontrer ainsi que les Comoriens sont dans leur pays à Mayotte et ne sont pas des étrangers.
Ainsi, ils n’ont pas à demander l’autorisation de la France pour vivre chez eux. Nous pensons que le procureur de la Cour pénale internationale comprendra cela. Si tel est le cas, le crime de déportation coloniale sera caractérisé.
Quel est votre objectif ultime dans cette affaire ?
Le Premier ministre de l’État de la diaspora africaine va créer un comité international regroupant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, et les Comores. L’objectif de ce comité sera de mettre en œuvre les nombreuses décisions de l’ONU, qui demandent à ce que ces États accèdent à leur pleine souveraineté. Nous pensons que la Diaspora africaine, qui constitue la 6ème région d’Afrique, a un rôle majeur à jouer pour soutenir les Comoriens, et les Mahorais comoriens. La question mahoraise n’est pas un cas isolé. C’est un problème international. La France doit respecter le vote souverain des Comoriens qui ont demandé à plus de 90% à être indépendants.
Le second objectif est de rappeler que les Mahorais comoriens ne sont pas étrangers à Mayotte. Ce sont les peuples premiers : leurs ancêtres sont enterrés à Mayotte. Ils doivent récupérer leur terre. Ils ont été expropriés dans leur propre pays. Le dernier point est de rappeler à l’État français et aux institutions qui l’accompagnent que ce sont des instances étrangères à Mayotte. Les étrangers présents à Mayotte, ce n’est pas les Comoriens, c’est la France. L’ONU le reconnaît : la France occupe illégalement le territoire comorien. La France a été colonisée par l’Allemagne en 1939. C’est grâce à la résistance africaine, russe, américaine, britannique, qu’elle a pu récupérer son territoire. Donc la France doit cesser ces déportations coloniales dans un État souverain. Mayotte est comorienne.
Souhaitez-vous obtenir une condamnation de Salime Mdéré, une réparation pour les victimes potentielles ou quelque chose d’autre ?
Une justice sans réparation n’est pas une justice. La première demande du Cran et de l’État de la Diaspora africaine est que les instances françaises démettent de ses fonctions Salime Mdéré. Il participe à légitimer, comme en 2016, les assassinats, les crimes contre l’humanité à l’encontre des Mahorais comoriens. Si la justice française ne fait pas son travail, on demandera au procureur de la Cour pénale internationale d’émettre un mandat d’arrêt international à l’égard de Salime Mdéré. Les médias nationaux et internationaux ne doivent plus donner la parole à cet élu. Si tel était le cas, ils participeraient à la réalisation d’un crime contre l’humanité. On en tirera toutes conséquences sur le plan pénal et civil. La première victime est l’État comorien qui se fait voler une partie de son territoire depuis 1975 par une puissance étrangère. Me Saïd Hassane se propose de mettre en place un collectif d’avocats afin de saisir les instances internationales pour demander des indemnités relatives au non-respect des décisions de l’ONU. Les secondes victimes sont les Mahorais comoriens et leurs familles. Nous devons les identifier, réunir les documents. Une action de groupe peut être faite à l’encontre de l’État français.
Y a-t-il quelque chose que le grand public peut faire pour soutenir votre action en justice et promouvoir la justice dans cette affaire ?
Comme nous l’avons dit précédemment, l’occupation illégale de la France à Mayotte n’est pas seulement un sujet comorien, c’est un sujet international. Cela concerne la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française. Nous souhaiterions que les associations de défense des citoyens mahorais-comoriens constituent une coalition nationale et internationale. L’État de la diaspora africaine peut les accompagner. Ce travail de la diaspora demande un effort important. C’est pourquoi nous sollicitons les donateurs, les entrepreneurs, les bonnes volontés de constituer un fond financier qui sera logé dans une fiduciaire. La finalité de ce fonds fiduciaire sera d’aider les victimes comoriennes mahoraises à accéder à la justice et défendre leur droit de rester dans leur pays. Nous attendons des citoyens qu’ils réunissent toutes les preuves possibles (vidéos, les articles de presse, l’identité des victimes, des enfants) afin que nous puissions les fournir au procureur de la Cour pénale internationale. La France doit comprendre que Mayotte ne sera pas le laboratoire expérimental des leaders politiques d’extrême droite qui siègent à l’Assemblée nationale et des leaders d’opinion dans les médias de masse.
Pour ce qui est de l’opération elle-même, comment faire pour y mettre un terme d’une façon définitive ?
La France doit respecter le vote souverain du peuple comorien. Le 22 décembre 1974, le peuple comorien a voté à une majorité écrasante l’indépendance de l’archipel des Comores composé de plusieurs îles. Mayotte est un territoire comorien : la population parle la même langue ; elle a la même religion.
Pour finir, leurs ancêtres sont enterrés dans le même pays soit dans les autres 3 île ou à Mayotte. Il existe plusieurs régions, départements de France qui sont dépeuplés. Donc si les Français mahorais ne sont pas satisfaits de vivre avec les Comoriens de Mayotte, c’est à la France d’organiser leur rapatriement. On ne peut pas tolérer un système d’apartheid au XXIe siècle aux Comores. La France l’avait déjà fait en 1962 avec les français d’Algérie.
source : Al-WatWam
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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