Emmanuel Macron a dénoncé la dégradation de l’œuvre, appelant au « respect de la création culturelle ». L’artiste, qui dénonce les horreurs de la guerre, dément que la victime représentée soit un enfant.
Un tableau polémique de l’artiste suisse Miriam Cahn, exposé au Palais de Tokyo depuis la mi-février, a été aspergé de peinture dimanche 7 mai par un individu qui a agi seul. Le musée compte porter plainte et a reçu le soutien de la ministre de la Culture. Voici le point sur ce que l’on sait.
Que représente l’œuvre ?
Intitulée « Fuck abstraction ! », l’œuvre représente une personne aux mains liées, contrainte à une fellation par un homme puissant sans visage. Pour ses détracteurs, la victime est un enfant, ce que dément l’artiste, invoquant la représentation du viol comme arme de guerre et crime contre l’humanité.
Les associations Juristes pour l’enfance, l’Enfance en partage, Face à l’inceste et Innocence en danger, considérant le tableau pédopornographique, réclamaient son décrochage mais ont été déboutées au printemps par le tribunal administratif de Paris puis par le Conseil d’Etat.
« Ce tableau traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme une arme de guerre, comme un crime contre l’humanité. Le contraste entre les deux corps figure la puissance corporelle de l’oppresseur et la fragilité de l’opprimé, agenouillé et amaigri par la guerre », précise Miriam Cahn, qui dénonce régulièrement les crimes de guerre dans son œuvre. « Fuck Abstraction ! » est tiré, comme plusieurs œuvres de l’exposition, des images du massacre de Boutcha par l’armée russe, au printemps 2022 en Ukraine.
Un dispositif de médiation a toutefois été mis en place compte tenu du « caractère sensible de l’œuvre ». Ainsi, les mineurs ne pouvaient pas rentrer dans la salle sans être accompagnés d’adultes.
Qui a dégradé le tableau ?
A 15h30 dimanche 7 mai, un homme « a dégradé volontairement » cette œuvre « en y projetant de la peinture » mauve, malgré un « dispositif de médiation et de sécurité », a indiqué le musée à l’AFP, confirmant une information de Franceinfo, selon qui la peinture était dissimulée dans une bouteille de médicament.
L’homme, une « personne âgée » selon une source proche du dossier, était « mécontent de la mise en scène sexuelle d’un enfant et d’un adulte représenté selon lui sur ce tableau » mais il ne fait pas partie d’un groupe activiste. Il « a été immédiatement appréhendé par les agents de sécurité (…) et emmené par la police », ajoute le centre d’art contemporain qui « portera plainte pour dégradation de bien et entrave à la liberté d’expression ».
Quelles sont les réactions politiques ?
Le président de la République Emmanuel Macron a réagi ce lundi matin, jour des célébrations du 8-Mai, en condamnant le vandalisme. « S’en prendre à une œuvre, c’est attenter à nos valeurs. En France, l’art est toujours libre et le respect de la création culturelle, garanti », a-t-il déclaré sur Twitter.
La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a rappelé dimanche soir que la justice avait « confirmé que ce tableau, tel que mis en contexte, pouvait être présenté au public », dans une déclaration transmise à l’AFP après s’être rendue sur place.
« Le Rassemblement National a instrumentalisé ce tableau pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes », a affirmé la ministre qui avait été interpellée sur le sujet en mars par la députée RN Caroline Parmentier. « Sans cette instrumentalisation par le RN, nous n’en serions certainement pas arrivés là », a-t-elle estimé.
« Nous regrettons les conséquences extrêmes de cette polémique », a pour sa part déclaré Guillaume Désanges, président du Palais de Tokyo, soucieux de « soutenir l’art (…) avec enthousiasme, conscience et responsabilité envers tous les publics ». « En accord avec l’artiste, le Palais de Tokyo continuera à présenter le tableau et l’exposition » qui a attiré 80 000 visiteurs, « avec les traces de la dégradation jusqu’à la fin prévue de la saison, le 14 mai », précise le communiqué.
Contactée par l’AFP, l’association Juristes pour l’enfance a indiqué découvrir cette dégradation. « Juristes pour l’enfance et les autres associations (ont) agi comme nous le faisons toujours, en saisissant la justice, en écrivant aux responsables et en informant l’opinion », a-t-elle déclaré.
Source : L’Obs
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