Madame Rama Yade, ancien ministre sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a pris la défense du rappeur maître Gims qui, lors d’un entretien de nature surréaliste publié le 22 mars dernier sur YouTube, expliquait doctement que les anciens Égyptiens, qui selon lui étaient naturellement noirs de peau, connaissaient entre autres l’électricité : « Les pyramides (…) au sommet il y a de l’or. L’or, c’est le meilleur conducteur pour l’électricité. C’était des foutues antennes, les gens avaient l’électricité (…). Les Égyptiens, la science, qu’ils avaient, dépasse l’entendement et les historiens le savent. »
Dans sa défense du « rappeur-historien », madame Rama Yade développe un argumentaire « encyclopédique » embrassant les millénaires allant du néolithique à l’Antiquité pour asséner sa vérité qui est que l’Afrique – lire les Noirs –, a détenu au début de l’humanité « le leadership » sur le reste des continents, en particulier sur l’Europe – lire les Blancs.
Or, en dépit de ses immenses talents, madame Rama Yade n’a pas inventé l’affirmation de la supériorité ontologique de la « négritude » actuellement mise en avant par l’afrocentrisme et le « décolonialisme ». Cette idéologie racialo-revancharde repose en effet sur les postulats énoncés par Cheikh Anta Diop dans les années 1950-1960. Autodidacte-compilateur ce dernier soutenait ainsi que l’histoire est une falsification des Blancs destinée à occulter le legs « nègre » au capital de l’humanité. Pour Cheikh Anta Diop, les Noirs ont en effet tout inventé, le premier homme était un Noir et l’ancienne Égypte était « nègre ». Or, par racisme, parce qu’ils ne pouvaient admettre de tout devoir aux Noirs, les Blancs ont caché que la culture grecque est « nègre » et que, par conséquent, la civilisation européenne dont elle découle est un héritage, un legs « nègre ».
Pour Cheikh Anta Diop :
« Le Nègre ignore que ses ancêtres (…) sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation ; que ce sont eux qui ont créé les arts, la religion (en particulier le monothéisme), la littérature, les premiers systèmes philosophiques, l’écriture, les sciences exactes (physique, mathématiques, mécanique, astronomie, calendrier…), la médecine, l’architecture, l’agriculture, etc., à une époque où le reste de la Terre (Asie, Europe : Grèce, Rome…) était plongé dans la barbarie. »
Sans entrer dans une polémique stérile au sujet des fantasmes et des contre-vérités frisant le surréalisme contenus dans les lignes qui précèdent, disons simplement, pour nous en tenir à la seule agriculture, que vers – 5000 av. J.-C., des Flandres au Danube se constitua une civilisation paysanne européenne utilisant la traction animale, tandis que l’Afrique sub-saharienne, l’Afrique noire, n’a, quant à elle, découvert cette dernière, ainsi d’ailleurs que la roue, la poulie et la culture attelée, qu’avec la conquête arabe puis la colonisation, soit presque 6 000 ans plus tard… Quant aux trois quarts des plantes alimentaires consommées aujourd’hui au sud du Sahara (maïs, haricots, manioc, patates douces, bananes, etc…), elles sont d’origine américaine ou asiatique et elles y ont été introduites à partir du XVIe siècle par les colonisateurs portugais…
Or, nous devons bien avoir à l’esprit qu’avec l’afrocentrisme et ses dérivés, nous ne sommes pas face à de simples élucubrations, mais en présence d’une idéologie abreuvée au mythe d’une « nation africaine » dont l’histoire grandiose aurait été occultée à la suite d’un complot raciste de la science historique occidentale. Ses postulats farfelus sont devenus vérités à l’ère du wokisme et ils prospèrent dans la négation du réel. Pour oublier l’enfer de leur histoire, les afrocentristes s’inventent ainsi un passé paradisiaque, enfouissant leurs frustrations dans le refuge de l’imaginaire tout en proposant une compensation-revanche par l’invention d’une suprématie passée.
L’afrocentrisme, ce transfert psychanalytique valorisant ne doit pas être seulement dénoncé, il doit en effet être solidement et scientifiquement réfuté car il s’attaque à la racine même de notre civilisation.
Bernard Lugan
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