par Boris Egorov
Après la prise de Berlin, l’Armée rouge s’est concentrée sur la libération de la Tchécoslovaquie, où les Allemands avaient concentré près d’un million d’hommes.
Le 2 mai 1945 au matin, le commandant de Berlin, le général Helmuth Weidling, a ordonné à ce qui restait de la garnison de la ville de déposer les armes et de se rendre à l’Armée rouge. La bataille sanglante pour la capitale du Troisième Reich se terminait par la victoire de l’Union soviétique. Toutefois, la prise de l’« antre de la bête fasciste » ne signifiait pas la fin immédiate de la guerre.
Siégeant dans la ville de Flensburg (à la frontière avec le Danemark), le nouveau gouvernement allemand, dirigé par le grand-amiral Karl Donitz, disposait encore d’importants contingents militaires en Tchécoslovaquie et en Autriche. Les nazis espéraient soit négocier avec les pays occidentaux pour constituer un front uni avec ces derniers contre les Russes, soit leur céder ces régions avant l’approche de l’Armée rouge.
Stationné dans le centre et l’ouest de la Tchéquie, le groupe d’armées Centre sous le commandement du maréchal Ferdinand Schörner comptait environ 900 000 hommes. Il faisait face à trois fronts soviétiques : le 1er Front ukrainien du maréchal Ivan Konev, le 2e Front ukrainien dirigé par le maréchal Rodion Malinovski et le 4e Front ukrainien sous le commandement du général Andreï Eremenko, qui comprenaient des formations militaires alliées polonaises, roumaines et tchécoslovaques, totalisant jusqu’à deux millions de soldats.
Prague, en tant que plus grand centre de transports de la région, a été choisie comme objectif de la dernière opération à grande échelle de l’Armée rouge en Europe. Konev, qui était le plus proche de la capitale tchèque, était censé y pénétrer depuis le nord à travers Dresde, Malinovski et Eremenko depuis le sud et l’est. Les troupes ont été chargées d’encercler, de diviser et d’écraser le groupement ennemi, en l’empêchant de se retirer vers l’ouest pour se rendre aux Américains.
Le début de l’opération était fixé au 7 mai, mais le 5, un soulèvement a éclaté à Prague. Le Conseil national tchèque, qui le dirigeait, a contacté par radio les Soviétiques pour leur demander de leur venir en aide dès que possible. En conséquence, l’offensive a débuté un jour plus tôt.
« Des volées de mortiers tonitruants – les Katioucha – ont brisé le silence tendu qui régnait sur la ligne de front. Les systèmes d’artillerie de tous calibres leur ont répondu dans une amicale cacophonie », s’est rappelé le commandant de la 5e armée de la garde, le général Alexeï Jadov, au sujet de la soirée du 6 mai. « La tornade de feu ne s’est pas apaisée avant la fin de la préparation d’artillerie, qui augmentait en puissance et en force destructrice. Pénétrant lentement dans les profondeurs des défenses ennemies, elle balayait tout sur son passage : personnel militaire et équipements ennemis, matériel de combat, abris, matériel de communication, postes de commandement et d’observation. Après cela, les chars et l’infanterie ont résolument attaqué l’ennemi sur toute la longueur du front ».
Les troupes du 1er Front ukrainien ont été les premières à passer à l’offensive, avançant durant la première nuit de 10-12 km dans les défenses ennemies. « Dans des conditions normales, nous aurions été complètement satisfaits », a écrit le maréchal Konev dans ses mémoires. « Mais compte tenu de la situation à Prague, où chaque heure comptait, j’ai exigé […] un rythme plus élevé. L’infanterie devait parcourir 40 à 45 kilomètres le lendemain et 50-60 km pour les chars. Ils ont reçu l’ordre d’avancer jour et nuit, quels que soient la fatigue ou les obstacles ».
L’ennemi a tenté de résister à l’avancée de l’Armée rouge. Il a contre-attaqué, miné la zone, fait sauter des ponts et jeté des chars et des camions hors service au milieu des routes. Néanmoins, les troupes soviétiques ont réussi à percer les défenses ennemies sur toute la longueur du front, à traverser les monts Métallifères, à prendre Dresde et à atteindre la périphérie lointaine de Prague.
Après la signature, le 7 mai à Reims, de l’acte de capitulation sans condition de l’Allemagne, le groupe ennemi n’a pas déposé les armes, mais a tenté de se frayer un chemin vers l’ouest. « Les intentions de Schörner étaient de nous combattre tant que ce serait possible, et à un moment critique de fuir et de capituler auprès de ceux contre lesquels il n’avait pas combattu », a noté Konev.
Et si le maréchal Schörner a effectivement réussi à atteindre les Américains (qui fin mai le livreront à l’URSS), ses troupes, dans l’ensemble, n’y sont pas parvenues. Le 9 mai à 4 heures du matin, après une marche rapide de 80 kilomètres, le 10e corps de chars de la 4e armée de chars de la garde du 1er Front ukrainien a été le premier à pénétrer dans Prague. Peu après, les forces des autres fronts ont avancé sur la ville. Avec la prise de la capitale, les voies de retraite vers l’ouest ont été coupées pour les Allemands.
« Les Tchèques nous ont réservé un accueil magnifique, se souvient le membre d’équipage de char Vassili Moskalenko. Les petits garçons couraient vers les chars, comme sur commande, avec des seaux d’eau froide. Pour nous, après la marche, cette eau était comme du miel. Ils s’approchaient de chaque char et en offraient. À cette époque, il y avait déjà des lilas et on en distribuait par poignées à chaque membre d’équipage de char. Des gens de tous âges criaient de joie et nous prenaient les mains. Ils nous embrassaient et nous étreignaient ».
Le 8 mai (9 mai, heure de Moscou), dans la banlieue berlinoise de Karlshorst, l’acte de reddition de l’Allemagne a été de nouveau signé, mettant fin à la guerre en Europe. Cependant, les combats continuaient. L’Armée rouge pourchassait des groupes ennemis disparates qui tentaient de percer vers les alliés occidentaux.
Les 10 et 11 mai, des unités des 1er et 2e Fronts ukrainiens entrent en contact avec des unités américaines dans les environs des villes de Chemnitz, Plzen et Karlovy Vary. Ils ont même eu la possibilité de se battre côte à côte contre les Allemands. Près du village de Slivice, les troupes soviétiques, avec le soutien d’artillerie de la 3e armée américaine, ont vaincu le groupement du SS-Gruppenführer Karl Friedrich von Pückler-Burghauss, encerclé par des partisans tchécoslovaques.
Au cours de l’offensive de Prague, l’Armée rouge a vaincu le dernier grand groupement allemand, capturant plus de 850 000 militaires, dont 60 généraux. Les pertes de l’ennemi se sont élevées à plusieurs dizaines de milliers de morts, et à 11 000 du côté des Soviétiques.
Dans ses mémoires intitulées Quarante-cinquième, le maréchal Ivan Konev a écrit : « Lorsque je visite le cimetière d’Olsany à Prague, où reposent nos soldats et officiers morts pendant l’opération de Prague, je lis avec un sentiment de tristesse sur les pierres tombales décorées de fleurs la date « 9 mai ». En fait, la guerre était déjà terminée, et ces gens sont tombés ici, à la périphérie de Prague, alors que tout notre pays célébrait déjà la victoire ; ils sont morts dans les dernières batailles contre l’ennemi, achevant sans crainte le travail qu’ils avaient entamé ».
source : Russia Beyond
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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