par Chems Eddine Chitour
« Le dollar c’est notre monnaie et votre problème. » (John Connelly, secrétaire d’État à l’Économie)
« Quand tout est troublé, que l’avenir est imprévisible et inquiétant, la « relique barbare », moquée par lord Keynes, retrouve l’attrait qu’elle a toujours eu en période de dangers. L’or redevient l’ancre de la sécurité. » (Eric le Boucher, Les Échos, janvier 2010)
Résumé
Cette contribution a pour ambition justement de décrire succinctement l’évolution du système d’échange marchand qui part du troc à l’or, et aux monnaies papier le « troc à la muette », est une pratique ancestrale qui a été observée en de nombreux endroits du monde notamment en Afrique de l’ouest et les rivages méditerranéens. Ainsi plusieurs siècles avant Jésus-Christ entre les marins phéniciens et les montagnards maghrébins. L’échange se faisait sur la plage, les marins déposaient leur offre pour un troc, remontaient sur leur bateau, les montagnards descendaient et faisaient une proposition de troc d’échange. Après quelques allers et retours, les marins repartaient avec les produits échangés.
L’or a servi de troc contre le sel notamment en Afrique et plus tard, iI a servi de valeur refuge du fait de ses propriétés physiques et chimiques (il ne se corrode pas, il n’est que de se souvenir du masque de Toutankhamon. Au fil des siècles, il a constitué le socle de la création monétaire. La monnaie est apparue graduellement par la suite avec les échanges en sel, en argent et en or pour arriver à la monnaie papier. À côté du dollar dont la mission historique arrive à une nouvelle étape celle de contribuer dans la nouvelle architecture mondiale qui se dessine, de nouveaux moyens de paiement qui reflètent mieux la réalité économique du monde apparaissent. Il s’agit du yuan, et à terme d’une monnaie des BRICS.
Le début d’année 2023 marque l’arrivée de profonds bouleversements économiques et géopolitiques… D’abord, l’émergence d’un nouvel ordre économique mondial polarisé autour de l’alliance sino-russe, face au bloc occidental et au dollar. Ensuite, une succession de crises bancaires loin d’être anodines, symboles d’un système financier à l’agonie. Enfin, une inflation qui semble s’installer sur la durée, et même s’étendre.
Brève Histoire de la monnaie : Des origines à nos jours
Quand est née la première monnaie ? Et comment sommes-nous passés du troc à un système d’échanges réglementé, valorisé et contrôlé ? Paul-Antoine Champy nous explique le cheminement : « Avant la création des premières monnaies, le monde fonctionnait via un système d’échanges. Un troc qui, malgré tout, a affiché certaines limites et c’est comme cela que les différentes formes de monnaie sont apparues au fil des siècles dans diverses régions. Avant de voir apparaître les premières pièces de métal, les salaires étaient payés autrement. La monnaie devait être quelque chose de fongible. D’où les premiers échanges sous forme de troc. Le troc permet de subvenir à ses besoins de base en échangeant ce que l’on produisait contre une autre denrée. C’est ce que l’on appelle alors la « double coïncidence des besoins ». (…) » Alors que de nos jours, la monnaie représente un élément fictif dans lequel nous avons tous confiance, cela nous semble normal d’être payé avec des pièces ou des billets ou même via notre compte en banque en ligne.
La première « monnaie » associée à une valeur fut le grain d’orge, c’est-à-dire une représentation physique, palpable et pouvant être consommée dans les périodes difficiles. Cette monnaie est apparue en Sumer (région située entre l’Arabie saoudite et l’Irak), 3000 ans environ avant notre ère. Les salaires étaient alors fixés en sila d’orge (1L) et les ouvriers recevaient environ 60 sila. Les surplus pouvaient servir à acheter d’autres marchandises aussi utiles : chèvres, huiles… Cette monnaie avait donc une valeur intrinsèque et un but ultime : elle pouvait se consommer. Mais le transport et les lieux de stockage étaient problématiques.
Hammourabi, qui fut un des souverains les plus fameux de la Mésopotamie ancienne (l’Irak actuel), créa l’un des premiers codes qui nous est parvenu (le Code de Hammourabi).
« Ce code édicté dix sept siècles avant Jésus Christ comporte une série de lois à suivre dans différents domaines du droit : pénal, civil, commercial ou agricole. On retrouve d’ailleurs dans ce code l’une des premières références à une monnaie non fongible : le sicle d’argent. Le troc reste néanmoins l’un des moyens les plus répandus comme en témoignent ces extraits : « Si un homme a loué un batelier, il lui donnera par an six gour de blé » ; « Si un homme prend à bail [un bœuf] pour un an, prix de location du bœuf de labour : quatre gours de blé ». D’autres étalons sont ensuite apparus comme moyens de paiement comme le sel qui était effectivement une des ressources les plus précieuses de l’Antiquité car il ne se périme pas et permet de conserver les aliments. »[2]
Par « oubli volontaire » de tout ce qui n’est pas européen censé être le nombril du monde, on date l’apparition de la monnaie 2400 ans plus tard après le Code d’Hammourabi. Nous lisons : « Tout commence au début du VIIe siècle avant notre ère, en Lydie, l’actuelle Turquie. On y pratique régulièrement le troc, c’est-à-dire l’échange direct : dix poulets contre un mouton ou 150 kg de blé ! Cela ne sera pas pratique. La monnaie permet de régler ces problèmes. C’est là que, pour la première fois, les paiements se font avec une «monnaie» fabriquée avec les globules d’électrum, un alliage naturel d’or (40%) et d’argent (60%). L’arrivée de la monnaie permet ainsi à chacun de connaître la valeur de n’importe quel objet. Ils connaissent leur apogée avec les grandes conquêtes et la découverte de produits exotiques (sucre, épices, etc.) que l’on ramène d’Orient vers le continent européen. C’est ainsi que la monnaie devint le référentiel d’échange que nous connaissons. »
À partir du VIIIe siècle et en Europe : « Les objets utilisés durant l’échange sont le plus souvent eux-mêmes évalués et raccrochés, de ce fait, à des monnaies qui sont soit des monnaies de compte soit des monnaies réelles (…). La livre et le sou sont des monnaies de compte dont la seule fonction est de mesurer des valeurs. Le denier est l’unique monnaie circulant effectivement. Il s’agit d’une pièce d’argent dont on admet communément que le pouvoir libératoire favorisait les échanges de valeur moyenne sur les marchés des denrées. Elle ne comporte qu’une seule monnaie divisionnaire, l’obole, qui n’est pas systématiquement utilisée et qui n’est sans doute pas frappée en quantité suffisante. Elle n’a pas de multiple jusqu’au XIIIe siècle. L’équivalence construite (1 livre = 20 sous et 1 sou = 12 deniers) présente l’avantage de permettre la mesure de valeurs de toute taille et d’autoriser des conversions avec l’autre système monétaire existant dans le bassin méditerranéen le système dinar-dirhem, qui est, lui, bi-métalliste or-argent. Le système a connu une fortune prodigieuse puisqu’il a été actif du IXe au XIXe siècle. »
De l’étalon or aux taux de changes flottants : chronologie
Pour l’histoire. En 1750, dans l’empire Habsbourg, le thaler est créé. Il sera utilisé dans les colonies espagnoles et anglaises. Le nom dollar vient de cette monnaie. Dans les temps modernes, le système financier international ainsi que les régimes de change ont grandement évolué. Ainsi comme lu sur le site « la finance pour tous » : « De 1870 à la Première Guerre mondiale : le règne de l’étalon-or. Les principales monnaies sont convertibles en or à un prix fixe auprès de la Banque centrale émettrice de la monnaie. Pour garantir cette conversion, la Banque centrale est obligée de détenir des réserves en or. Pendant la guerre de 1914-1918, les États belligérants décident l’inconvertibilité en or de leur monnaie. Financer l’effort de guerre a, en effet, nécessité d’imprimer de la monnaie en quantité plus grande que les stocks d’or ne le permettaient et a généré de l’inflation. En 1922, la conférence internationale de Gènes débouche sur un retour à l’étalon or… mais avec une convertibilité limitée. Le système de l’étalon-or ne résiste pas à la crise de 1929. En 1931, le Royaume-Uni décide de suspendre la convertibilité or de la livre sterling qui est largement utilisée dans les échanges internationaux. La position privilégiée du Royaume-Uni dans l’économie mondiale a conféré à la livre sterling le statut de monnaie internationale. C’était avant l’avènement du dollar. »
L’hégémonie du dollar : les accords de Bretton Woods
Au sortir de la guerre une Amérique puissante propose et fait admette un nouveau système de d’échange. « Entre 1945-1971 : Les accords de Bretton Woods en juillet 1944 mettent en place un système d’étalon change-or dans lequel le dollar des États-Unis joue le rôle de devise pivot entre 44 pays, et qui instaurèrent un système monétaire basé sur la libre convertibilité des monnaies et la fixité des taux de change. Le dollar est lui-même défini par une parité fixe avec l’or (35 dollars pour une once d’or fin ; 1 once = 31,1034768 g). L’hégémonie du dollar, dont la valeur était définie par rapport à l’or, y fut consacrée. Pour empêcher les dévaluations monétaires, les accords lient toutes les devises au dollar par un taux de change fixe. Le dollar reste alors la seule devise convertible en or. Les devises peuvent s’échanger librement sans en faire varier le cours. Le déficit extérieur des États-Unis dans les années 70 conduit les Américains à émettre des dollars générant ainsi une inflation mondiale. Les banques japonaises et européennes sont amenées à stocker des dollars alors que les réserves d’or des États-Unis diminuent. »
La fin de la convertibilité or-dollar décidée par les États-Unis
Souvenons nous ! 1971, les États-Unis sortent de la guerre du Vietnam. Pour soutenir l’effort de guerre, ils ont fait tourner la planche à billets. Il n’y avait plus d’équivalence entre le stock d’or et la masse de dollar-papier. De plus l’économie américaine s’essouffle ; elle n’arrive pas à contrer l’avancée de l’économie européenne avec les « 30 glorieuses » et le spectaculaire bond économique du Japon. La seule façon était de dévaluer mais aussi de leur faire payer cher le pétrole au Japon et à l’Europe. Ce qui explique le forcing des États-Unis auprès de l’OPEP dominée par l’Arabie saoudite alliée des Américains après le « Quincy » à revoir les prix du pétrole à la hausse. Le pain béni viendra avec la révolution iranienne qui permettra le triplement du prix du pétrole. Les Américains étaient encore autonomes en pétrole. La politique changera plus tard après le peak oil et le sort des pays pétroliers (Irak, Libye, Syrie…) Mais ceci est une autre histoire !…
Ainsi le président Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or le 15 août 1971. Les devises mondiales reprennent leur cours flottant. Cependant, le dollar reste la monnaie de référence, par exemple pour acheter du pétrole (les pétro-dollars, garantis par le plus grand exportateur l’Arabie saoudite contre la protection américaine comme promis lors de l’accord du Quincy en 1945.
« Le grand désordre mondial des monnaies, écrit Nessim Aït-Kacimi, consécutif à la fin progressive des taux de change fixes, inaugure un âge d’or pour les spéculateurs. Les marchés vont se dresser contre la souveraineté des États. L’or est entreposé à Fort Knox, le coffre-fort ultra-protégé de l’Amérique, où sont conservées une grande part des 8133 tonnes d’or que détiennent aujourd’hui les États-Unis. Le 15 août 1971, une allocution solennelle du président Richard Nixon : « Je suis déterminé à ce que le dollar ne soit plus jamais pris en otage par les spéculateurs internationaux », il s’agissait en réalité d’une dévaluation déguisée. La fin de l’arrimage du dollar à l’or entraîna dans l’inconnu toutes les devises de la planète. »[6]
Ainsi, d’une façon unilatérale et sans tenir compte de l’avis des 44 pays qui ont signé les accords de Bretton Woods, le 15 août 1971, en découplant le dollar du métal jaune, le président américain mettait fin à un système monétaire international devenu inadapté. « C’est l’une des décisions les plus importantes de la seconde moitié du XXe siècle pour le système monétaire international, dont les effets perdurent aujourd’hui. »
La déliquescence graduelle du système Bretton Woods et ses conséquences
Les perturbations mondiales sont dues à la politique unilatérale américaine. Après la dégradation de la note des États-Unis par Standard & Poor’s, Felix Marquardt appelle les États à restructurer leur dette à l’échelle mondiale et de manière concertée. Or, ce qui se révèle aujourd’hui, c’est que le déclin américain, quelle que soit la manière dont on le définisse, restera pour l’histoire le trait principal du passage du siècle dernier au nôtre. Car l’hyperpuissance américaine « l’indispensable nation » que décrivaient encore récemment Hubert Védrine et Madeleine Albright, n’est plus. Pis, avec la dégradation de la notation des États-Unis par Standard & Poor’s, le roi est nu. « Le Congrès américain et les activistes du Tea Party en particulier n’ont pas fini de s’en mordre les doigts d’avoir tergiversé ad nauseam pour de basses considérations politiciennes avant d’accepter le compromis avec la Maison-Blanche. »
La « guerre des monnaies »
Il vient que le dollar ne fait plus rêver, les États s’en inquiètent ! « L’hégémonie du dollar sur le commerce mondial est confrontée à plusieurs défis aux quatre coins du globe », analyse le média Business Insider. Sale temps pour le dollar. La devise américaine est clairement chahutée par les économies des pays émergents, et même en Europe, constate Business Insider. Le média a listé sept menaces qui pourraient remettre en cause le statut de monnaie de réserve mondiale du dollar. La montée en puissance du yuan : « La Chine cherche à commercer avec ses partenaires en yuans. Pékin mise en particulier sur le commerce énergétique pour populariser les échanges dans sa devise nationale et amorcer une dédollarisation,. La Chine règle notamment ses achats d’or noir russe en yuans, menaçant ainsi le dogme du pétrodollar institué dans les années 1970. (…) Les BRICS veulent une autre monnaie de réserve : le groupe des cinq (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) souhaite développer une nouvelle unité de réserve, différente du dollar. Celle-ci pourrait être basée sur un panier de devises des États membres. Une guerre des monnaies est une situation de conflictualité où des pays font s’affronter leur devise sur les marchés de changes. L’objectif peut être d’abaisser le taux de change de la monnaie nationale afin de créer un avantage compétitif. Il peut s’agir d’une attaque spéculative. »
Du pétro-dollar au pétro-yuan ; au pétro-BRIC’S ?
Dans ce cadre, la sortie de l’Arabie saoudite de l’orbite américaine va fragiliser le dollar. Il n’y aura plus suprématie des pétrodollars mais la coexistence de petro-renminbi des pétro-rouble, voire des pétrole-roupie : « La guerre des monnaies est pourtant bien en train de se jouer : États-Unis, Russie, Chine, dévaluent leur monnaie (…). Depuis un an, les annonces visant à se distancer du dollar se multiplient dans la région. En mars 2022, le prince héritier saoudien avait indiqué vouloir vendre du pétrole en renminbi. Moscou avait également proposé à l’Inde de lui vendre son pétrole en dirham émirien. L’exclusion de la Russie de Swift à la suite de l’invasion de l’Ukraine, qui revenait de facto à écarter le pays des transactions internationales en dollars, a réveillé des inquiétudes vis-à-vis du billet vert parmi les émergents notamment dans la péninsule Arabique. Ces inquiétudes s’inscrivent par ailleurs dans un contexte géopolitique où les grandes économies du Sud poussent à une multipolarisation du monde, une tendance sur laquelle surfent les pays du Golfe qui se posent en interface entre le Sud Global et les économies développées. »[9]
« Depuis un an, la Chine et l’Inde se sont ainsi mises à promouvoir activement leurs devises à l’international. Xi Jinping en avait fait l’un des points de sa visite à Riyad en décembre 2022. Pour la région, ces inquiétudes font également écho au renversement géographique de leurs échanges, qui sont devenus au cours de la dernière décennie beaucoup plus asiatiques qu’européens ou américains. De ce fait, les pays du Golfe sont en train de mettre fin à l’ancrage de leurs devises au dollar (…) D’une façon inexorable, les pays tentent de sortir de l’orbite dollar surtout après les sanctions monétaires contre la Russie et le hold-up des 300 milliards de dollars par les banques occidentales. L’Inde et les Émirats visent une accélération de leurs échanges jusqu’à 100 Md USD en 2027 (hors pétrole et gaz). l’Irak a révélé également cette semaine étudier l’usage du renminbi dans ses échanges. »[9]
La Russie a quasiment abandonné le dollar et l’euro pour les échanges énergétiques
Dans cet ordre, comme le rapporte Maxim Blinov : « Ces derniers mois, la Russie a entrepris diverses opérations pour ne plus commercer avec la devise américaine dans le secteur énergétique. « Les tendances vont vers la réduction de l’utilisation des dollars et des euros […] Nos partenaires en Chine paient déjà le gaz en yuans, ainsi qu’une partie du pétrole. Ils paient aussi en roubles. Nous continuerons à améliorer ces règlements mutuels en monnaies nationales ». (…) L’Inde semble également s’intéresser à ces processus de dépolarisation.
New Delhi a ainsi récemment présenté sa nouvelle politique de commerce extérieur, qui prévoit de mettre le paquet sur la roupie pour en faire une monnaie mondiale, au détriment du dollar. Fin mars, Vladimir Poutine avait, quant à lui, déclaré que le yuan était une alternative crédible pour le commerce entre Moscou et les pays africains. »
« Dollar, euro, yuan : qui va gagner la guerre des monnaies ? »
Pour l’économiste Marc Touati, il s’agit certainement de l’événement économique majeur des prochaines années, celui qui va dicter l’évolution de l’économie mondiale. « Certes, écrit-il, depuis les années 1970, la fin du « roi dollar » est régulièrement annoncée. (…) Cette chronique d’une mort annoncée qui n’a finalement pas lieu commence avec la guerre du Vietnam. (…) La rumeur enfle : le dollar va tomber de son piédestal en faveur d’un SMI basé sur l’or et/ou sur les droits de tirages spéciaux du FMI. (…) En pleine guerre froide et étant toujours étroitement liés à la puissance économique, politique et militaire des États-Unis, l’Europe et le Japon sont contraints d’accepter. Les jours de l’étalon dollar sont comptés. Seule ombre au tableau dans le ciel azur du billet vert : la création de l’euro en 1999. (…) Deux événements récents viennent cependant d’ouvrir une sérieuse brèche. D’une part, après la Russie, l’Inde et certains pays européens qui ont déjà facturé de nombreux produits en yuans, une première livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) des Émirats arabes unis à la Chine a été libellée en yuans. D’autre part, l’Arabie saoudite vient de se rapprocher de l’Organisation de coopération de Shanghai, et ce, dans un contexte d’affaiblissement des États-Unis et du monde occidental au sens large et alors que le poids des BRICS dans le PIB mondial vient de dépasser celui du G7. »
« Il faut donc l’avouer, poursuit Marc Touati : « Le seul concurrent potentiel du billet vert s’appelle le yuan. Néanmoins, les Chinois ne sont pas encore prêts. En outre, avec 3184 milliards de dollars de réserves de changes et des bons du Trésor américains en quantité pléthorique, une trop forte baisse du dollar serait une catastrophe pour la valorisation des actifs chinois libellés en dollar. (…) Du moins à court terme. Car, ne nous leurrons pas : la Chine veut s’imposer durablement comme la première puissance économique mondiale et elle est consciente que, pour y parvenir, elle devra aussi disposer de la devise internationale de référence. Ainsi, à partir du moment où son système économique et social sera suffisamment puissant pour supporter une devise durablement forte, elle ouvrira ses marchés financiers, laissera le yuan s’apprécier massivement et pourra imposer aux pays producteurs de matières premières et à ses partenaires commerciaux de libeller leurs transactions commerciales en yuan. (…) En attendant, et au cas où l’histoire s’accélère encore, il sera toujours possible d’acheter un peu d’or pour se protéger contre cette nouvelle crise potentielle. »[11]
Retour à l’or ? La relique barbare !
Le prix de l’or a crû de 20% l’an dernier, atteignant 1550 dollars l’once. Pour les gestionnaires d’actifs, il fut l’un des meilleurs placements de 2019. Comme l’écrit si bien Éric le Boucher : « Quand tout est troublé, que l’avenir est imprévisible et inquiétant, la « relique barbare », moquée par lord Keynes, retrouve l’attrait qu’elle a toujours eu en période de dangers. L’or redevient l’ancre de la sécurité. (…) Mais il est vrai que l’intensité des dangers du monde est aujourd’hui inédite. Le siècle s’ouvre avec tout en même temps, le terrorisme, des guerres, la rivalité américano-chinoise, les bouleversements du climat, les révolutions technologiques et un système économique mondial contesté. Dans ce cadre, l’or « sécurité » peut attirer, comme toujours en ces périodes, et cette fois-ci peut-être plus que d’habitude. Ce qui peut motiver le retour de la vieille relique est le dollar, ou plutôt le déclin du dollar comme grand et dernier refuge de la finance mondiale. L’an passé, les banques mondiales ont acheté plus d’or que jamais depuis cinquante ans. Chine, Russie mais aussi Hongrie ou Pologne veulent diversifier leurs avoirs et abaisser le poids qu’y représente le dollar. »
« Leurs achats d’or, poursuit Eric Le Boucher, ont beaucoup contribué à lustrer la relique. L’Amérique a, économiquement, perdu son titre de surpuissance, elle ne pèse plus que 20% du PIB mondial contre 50% en 1945. Le dollar n’est plus l’unique souverain. Un jour, on ne sait quand, mais un jour assez proche, les banques centrales abandonneront leur politique de taux zéro et mettront fin au grand bal de l’argent gratuit. Tout cela risque fort de faire entrer l’économie mondiale dans une tempête financière et monétaire. Viendra l’urgence de repenser le système monétaire mondial sur des bases neuves. Anticipant, une étude de la banque centrale des Pays-Bas écrit que « si le système s’écroule, le Gold Standard (l’étalon-or, la référence de chaque monnaie sur sa valeur en or peut servir de base pour le reconstruire ». L’or, le métal rédempteur… Le retour de l’or dit une chose simple : il faut domestiquer, débarbariser le non-système international des monnaies. »[12]
Et l’Algérie dans tout cela ?
Il nous a paru utile, comme un clin d’œil à l’histoire trois fois millénaire, rapporter en honnête courtier le fait que les rois (Aguellids) et plus tard les princes et dirigeants des différentes dynasties ont eu le privilège de battre monnaie qui est un attribut de nations souveraines. En Algérie, nous commencerons par rapporter l’initiative de la Poste qui nous décrit sur plus de vingt-deux siècles l’utilisation de la monnaie dans le Maghreb.
En partant de la monnaie du temps de l’Aguellid Massinissa qui battait monnaie, un attribut de l’État numide, il y a 2200 ans, pour arriver au XIXe siècle avec la monnaie de l’Émir Abdelkader. Nous lisons : « La monnaie numide est conçue essentiellement en argent, en bronze et en plomb. On y distingue généralement sur l’une des faces soit des effigies, soit des animaux. Quelques pièces comportent la légende « Royaume de Massinissa » sur le revers. À l’ère islamique, la monnaie arabe en Afrique était, au début, d’une conception semblable au style byzantin par le choix du métal, des formes ou de la gravure. Sous le règne de Abdelmalek Ben Merouane (685-705), des changements notables furent opérés sur la monnaie, notamment l’arabisation des caractères. Il en fut de même pour les Al Moravides qui entreprirent la fabrication d’un grand nombre de pièces en or et dont le style se distingua par d’élégants caractères koufis. Les pièces, appelées « dinars », se caractérisent par une frappe régulière et de haute qualité. À Tlemcen, le royaume zianide avait un système monétaire qui ne différait en rien de son prédécesseur almohade ou de ses contemporains hafside et mérinide. »
« Pendant la période ottomane, la monnaie algérienne est frappée dans le Dâr al-Sikka, l’hôtel des monnaies situé à Alger, dont le rôle dans la politique monétaire est réel car les deys fixent la qualité de l’aloi en fonction de leurs besoins. Les monnaies en circulation dans la Régence sont également d’origine européenne comme les coins d’origine espagnole. On trouve également des monnaies frappées par l’Empire ottoman. De fait, le troc est encore couramment pratiqué dans l’ensemble de la Régence. Au XVIIIe siècle, on recense trois catégories de monnaies : une monnaie d’or, le sultanin ou mahboub, l’unité d’environ 3,2 g ; les monnaies en argent très courantes telles que la piastre d’Alger ou le boudjou royal. »
En qualité de chef d’État algérien (1832,1847) l’Émir Abdelkader s’attela à créer la Maison de la monnaie dans sa capitale Tagdempt. À partir de métaux différents, il établit plusieurs monnaies, avec les noms de Mohammadia et Nesfia. On peut y lire des formules religieuses : « Dieu nous suffit. Il est le meilleur parti ». « Monnaies de cuivre ou de billon, elles serviront à payer l’impôt nécessaire au renforcement de cette nation algérienne. »[13]
En 2023, l’Algérie honore à travers la monnaie les pionniers de la glorieuse Révolution de Novembre les « Six ». Mais aussi avec une pièce de monnaie à l’effigie de Hassiba Ben Bouali
Comment augmenter les réserves d’or en Algérie ?
Il est connu que l’Algérie dispose de 173,6 tonnes d’or acquises en 1966 grâce à la clairvoyance du ministre des Finances Kaïd Ahmed. Et ceci dans un contexte difficile que de négocier avec l’ancienne puissance coloniale pour rapatrier l’or. L’Algérie n’a plus acheté d’or. Bien plus tard, la mine d’Amesmessa du Hoggar a permis la production en 2009 environ une tonne pour 52 millions de dollars. Comme l’écrit Badreddine Khris : « Les mines relevant de l’Enor comptent une réserve géologique de l’ordre de 51 tonnes d’or exploitables, d’après le ministre de l’énergie et des mines, qui précise, cependant, que ce gisement nécessite « un investissement important et des techniques d’exploitation spéciales ». « Depuis le lancement de l’exploitation minière de l’or, en 2001, jusqu’en 2021, la production aurifère en Algérie a atteint 6,8 tonnes, estimée à 15 milliards de dinars », a déclaré jeudi le ministre de l’Énergie et des Mines, lors d’une plénière de l’Assemblée populaire nationale. »
Cependant « Selon les statistiques du FMI de 2009, l’Algérie disposait, courant 2009, de 173,6 tonnes d’or avec une valeur de 6 milliards de dollars. Au cours d’août 2011, ce sera 9 milliards de dollars, soit un gain net de plus de 3 milliards de dollars entre mars 2009 et août 2011. »
Parallèlement, les réserves de change ont été particulièrement importantes. Elles sont passées de moins de 5 milliards de dollars en 1999 à plus de 110 milliards de dollars en 2007 ; en 2012, près de 205 milliards de dollars, selon le FMI. À la suite de la chute vertigineuse des prix du pétrole, les réserves ont baissé de 193 milliards de dollars en mai 2014 à 105 milliards de dollars en juillet 2017 à 72 milliards de dollars en 2019 puis, début 2020, à 62 milliards de dollars, soit une manne de plus de 1000 milliards de $ en vingt ans.
Pendant cette période de 2014 à 2019, la moyenne était de 1600 dollars, le 29 avril Le prix de l’once d’or est de 1,988.07 Dollar US par once, le prix du gramme d’or est de 63.93 par gramme 24K, 58.60 par gramme 22K, 55.93 par gramme 21K et 47.94 par gramme 18K. La réévaluation des 173,6 tonnes serait de 11,15 milliards de $, le double au cours de 2023 ! Il y a donc là possibilité d’extraire de la valeur ! Ainsi Si seulement 25% de la rente était convertie en or comme le font les grandes nations durant cette période moyenne de 1000 $ l’once, au total, près de 100 milliards de dollars qui auraient pu être convertis en 2500 tonnes d’or !
A minima il était possible de placer sans « déranger » le montant utilisé de la rente, au moins 50 milliards de dollars avec un prix moyen de 1000 $ l’once à partir de 2010. C’est une réserve de 1600 tonnes d’or ! Le gain annuel par la bonification du prix de l’or est autrement plus rentable que les intérêts des dépôts de l’or dans les banques étrangères De plus la question qui se pose est de savoir si justement ce dépôt de 173,7 tonnes rapporte ou ne rapporte pas au pays. Il serait peut être utile d’exploiter cette opportunité ! Mais cela suppose un État stratège et une élite capable de mettre en place une veille permanente pour suivre les mouvements de l’or !
Conclusion
Nous arrivons à la fin d’un cycle. Le dollar américain malgré ses nombreux travers du fait de son instrumentation en terme de volonté de puissance des États Unis, a permis un fonctionnement de l’échange au sens large. De nouveaux instruments économiques et financiers apparaissent notamment grâce à l’intelligence artificielle. Le seul danger est que l’on s’éloigne de plus en plus de l’économie réelle. Ce qui amène chaque pays notamment leader à penser à d’autres façons de vendre et d’acheter. L’Occident dévoile son vrai visage sûr de lui et se voulant dominateur. Nous l’avons vu avec les punitions infligées à la Russie pour la mettre à genoux (sic Bruno Lemaire le ministre français de l’Économie) Résultat des courses : C’est la France vassale qui se trouve sanctionnée par l’Agenc Fitch qui abaisse la note de la France d’un cran à « aa- ». Pendant ce temps le rouble qu’on a sorti du système Swift s’en sort d’une façon intelligente. La Russie préserve ses intérets en obligeant les Européens à acheter en roubles !
De fait l’amplification de la politique de dédollarisation des réserves de change est menée par les pays principalement émergents. Dans un message, l’économiste Peter St Onge a souligné que « la dédollarisation est réelle et se produit rapidement ». La part du dollar est passée de 73% (2001) à 55% en (2020). Elle est passée de 55% à 47% depuis le lancement des sanctions contre la Russie, se dédollarisant maintenant 10 fois plus vite qu’au cours des deux décennies précédentes. Elon Musk lui a répondu : « Si vous militarisez la monnaie suffisamment souvent, les autres pays cesseront de l’utiliser. »
Cela veut dire que le multilatéralisme, ce n’est plus le monde de Yalta ou le partage du monde avec la nation indispensable qui fixe le tempo. Il faut tenir compte du Sud global ce qui amènera, il faut l’espérer, à un monde apaisé du partage. Nous continuerons encore longtemps à être accompagnés par le dollar, non un dollar belligène mais un dollar en bonne intelligence avec les autres monnaies. Amen.
Chems Eddine Chitour
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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