Volet 1
Dans le contexte immédiat du sabotage des pipelines Nord Stream, nous présenterons ici en plusieurs parties, des extraits de la biographie de Mattei par son ancien collaborateur Nico Perrone, portant sur les relations entre l’URSS et Mattei en matière d’hydrocarbures. Les 14 ans où Mattei a été, de facto, le détenteur du pouvoir d’État en Italie, sont si denses en évènements de portée stratégique que l’ouvrage de Perrone, petit chef d’œuvre tant de précision que de concision, exige quatre voire cinq relectures.
Enrico Mattei (1906-1962) est l’un des grands hommes d’État de tous les temps. Qu’il ait été rayé des manuels d’histoire par les Suspects Habituels, ou que la majorité des adultes italiens détournent le regard en assénant un « Beuh ! Il a été assassiné » – comme si le fait d’avoir été assassiné par les Suspects Habituels fût un déshonneur plutôt qu’une preuve de noblesse – ne changera rien au jugement des générations à venir.
Veuillez noter que pour motif logistique (inaccessibilité des archives physiques à l’étranger), nous avons été obligés de « rétro-traduire » depuis l’italien des documents rédigés en anglais.
Mendelssohn Moses
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Chapitre « Un rôle international pour l’Italie » (extraits)
« Dès le milieu des années 50, l’URSS, étranglée par la ceinture que les USA s’évertuaient à serrer, cherchait à rompre l’isolement… une des pistes serait l’exportation d’hydrocarbures. Les sociétés pétrolières US en eurent vent, et voulurent tenter d’empêcher l’avènement d’un tel commerce. Sachant à quel point le gouvernement US voyait d’un mauvais œil toute ouverture d’un pays occidental vis à vis de l’URSS, ces sociétés ont aisément pu à travers le département d’État, mettre en œuvre des mesures destinées à dissuader les alliés des USA à importer ces matières…
« La position des USA… avait été définie en 1962 par le National Petroleum Council (NPC), entité hébergée au sein du ministère de l’Intérieur mais contrôlée par les représentants des sociétés pétrolières… le rapport du NPC tire la sonnette d’alarme : (…) « l’objectif réel du bloc soviétique est d’étendre son propre contrôle politique, de recruter au communisme le monde, et à ces fins utilise son monopole sur le commerce extérieur pour promouvoir ces objectifs… l’élément capital dans l’offensive politico-économique soviétique du monde libre est très certainement la question de l’exportation des hydrocarbures. Les communistes l’utilisent pour se procurer des équipements et des technologies d’importance vitale, pour fomenter des désordres politiques et diffuser le communisme. C’est l’arme avec laquelle ils essaient de détruire l’industrie privée (…)
Les alliances du monde libre formées pour combattre les agressions soviétiques devront désormais englober dans leur totalité le champ économique qui est non moins cruciale.
« Afin de répondre à ces craintes – qui supposément concerneraient la « sécurité nationale » – mais surtout, afin de répondre aux pressions des sociétés pétrolières, le NPC réunit alors un comité qui devait délibérer de l’Impact des Exportations soviétiques des hydrocarbures et qui en un an pondit un rapport que résume cette citation : « Il devrait être évident que les pays industrialisés occidentaux, qui savent qu’ils sont menacés par le bloc soviétique tant militairement que par la subversion, sont en train de saborder leurs propres objectifs en contribuant au développement industriel des communistes. Ces pays ne réalisent pas que la gravité de l’offensive économique soviétique exige un effort concerté de la part des pays leader du monde libre, pour contenir toute importation d’hydrocarbure communistes (sic) ainsi que l’exportation de matériaux stratégiques aux soviétiques. »
« Ces positions tranchées ont leur origine dans les initiatives prises par Enrico Mattei, qui a ouvert avec l’ENI des pourparlers avec l’URSS pour l’achat de pétrole. En 1958, l’ENI a réussi à conclure un accord pour l’importation en Italie de un million de tonnes de pétrole contre l’exportation de caoutchouc synthétique de l’Anic, société sous contrôle de l’ENI. Tout ceci représentait un fait notable de point de vue politique (…) car l’acheteur n’était plus une petite raffinerie indépendante, mais l’organisme de l’État italien pour le pétrole, celui-là même qui présentait un défi pour le rôle hégémonique des sociétés pétrolières US dans le monde. »
Du côté US, il a été décidé de lancer une action internationale de pression et de dissuasion. Mattei a donc été convoqué au siège parisien de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique), afin qu’il s’explique des échanges avec l’URSS. Une confirmation des pressions US figure dans un télégramme (contemporain – ndlr) du département d’État US où on lit :
« Nous avons œuvré au sein de l’OTAN, sur des bases stratégiques, en vue d’un accord sur la limitation des importations de pétrole du bloc soviétique et des exportations de tubes de grand diamètre vers le bloc. »
« (…) On retrouve l’écho des (pressions) US dans la Résolution de l’Assemblée parlementaire européenne datée du 20 février 1962, qui exprime le souhait « que les importations d’hydrocarbures soient effectuées dans le cadre de la politique commerciale de la Communauté économique européenne.
« Le New York Times a saisi derechef le sens de ladite Résolution – « freiner drastiquement l’acheminement de pétrole soviétique » vers la vaste Communauté européenne. Le Times souligne que l’Italie n’a pas voté en faveur de la Résolution, et était « le principal acheteur de pétrole soviétique du monde libre ».
« En 1958 les importations italiennes d’hydrocarbures depuis l’URSS représentaient 7% (1 182 000 tonnes) de la demande interne italienne, et dès 1959 avec le renouvellement du contrat ENI, 16% (3 146 000 tonnes).
« L’évènement le plus frappant dans les relations ENI/URSS, est la visite en 1960 du vice-premier Ministre Kosyguine à Rome où il rencontra Mattei et lui proposa d’acquérir pour l’URSS des produits des industries publiques italiennes. En plus du caoutchouc de l’Anic, il était question de grands tube d’acier pour les oléoducs, ce qui fit hâter la construction d’une nouvelle usine IRI à Taranto. »
(à suivre)
Mendelssohn Moses
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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