David Le Gallant*
Le 6 mai 2023
Sa Majesté le roi Charles III
Palais de Buckingham
Londres, Angleterre
Votre Majesté,
Je désire porter à votre intention qu’actuellement au Canada plusieurs s’interrogent sur le rôle génocidaire à l’endroit des Acadiens d’un député de la Chambre des communes en Angleterre (élu en 1751, Pontefract) qui exécuta la cruelle déportation de 1 100 Acadiens de l’isthme de Chignecto pour laquelle il fut promu en décembre 1755 au titre et à la charge de lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse. C’est lui qui s’empara des forts Beauséjour et Gaspareau. La ville de Moncton, qui portait le nom acadien de « Le Coude » perpétue sa mémoire, bien que l’orthographe ait été modifiée. Son nom : Robert Monckton. Au regard du droit international conventionnel adopté depuis 1945 et en particulier la Convention du 9 décembre 1948, les faits d’armes criminels de ce militaire sont aujourd’hui qualifiés par plusieurs de la plus haute gravité contre une population civile, innocente et désarmée.
Une dictature prit forme en Nouvelle-Écosse sous la tutelle du gouvernement whig de la métropole à Londres qui a réduit les Acadiens à un état de servitude, privés de leurs droits civiques et politiques et réduits en minorité légale perpétuelle. Un serment d’allégeance fut sollicité sous la menace et la contrainte. Les autorités britanniques ont exploité la méprise des Acadiens qui croyaient, à tort, qu’un serment d’allégeance absolue constituerait un engagement solennel de se soumettre, sans réserve, à tout ordre provenant de Sa Majesté dont le dénouement final aurait été la décision non seulement brutale, cruelle et arbitraire dudit 28 juillet 1755 mais sans la moindre apparence de légalité. Faux. Le 28 juillet n’était que pour emboîter le pas à ce qui avait été auparavant fomenté en Grande-Bretagne par les hommes du duc de Cumberland, le fils du roi George II. Ses hommes s’appelaient Cornwallis, Monckton, Amherst, Boscawen et celui qui s’est acquitté à semer la terreur sur les rives de la rivière Saint-Jean, avec un cynique sang-froid et même une certaine allégresse, le député Robert Monckton.
Votre Majesté, le colonel Monckton avec une force de 3 000 hommes et 18 vaisseaux a opéré une politique de dévastation et de terre brûlée contre une population terrorisée et affamée. Des centaines d’Acadiens et leurs familles furent la cible de sa machine de destruction en marche en février 1759. Comme l’avait exprimé avec tant d’à-propos, le chancelier Thomas More : « S’agit-il de conquérir de nouveaux royaumes, tout moyen leur est bon : le sacré et le profane. Le crime et le sang, rien ne les arrête. »
Les conquérants de Québec n’avaient pas oublié les Acadiens. Après la capitulation de Québec, un forfait met en lumière la détermination des autorités britanniques de ne laisser aucun répit aux Acadiens et de les détruire en tant que peuple. S’adressant au colonel Monckton, 200 Acadiens, sans feu ni lieu lui demandent une autorisation pour aller se rétablir le long de la rivière Saint-Jean. L’autorisation octroyée, les malheureux entreprennent sans délai un voyage de 600 milles qui dure jusqu’à la fin novembre 1759. La capitulation de Montréal allait fournir une autre occasion de constater à quel point l’obsession anglaise de détruire les Acadiens en tant que peuple était opiniâtre. Dans le projet de capitulation préparé et transmis à Son Excellence le général Amherst, le gouverneur Vaudreuil demande, à l’article 39 : « … qu’aucun Français, restant au Canada, ne sera transporté dans les colonies anglaises ni en Angleterre. » Réponse du général Amherst : « Accordé, à la réserve des Acadiens ». Référant au sort que les autorités réservaient à la population acadienne, les mots du capitaine Knox sont encore probablement les plus révélateurs : « on veut lui enlever (au peuple acadien) à tout jamais le moyen de faire quelque figure en cette partie du monde ». Et à l’article 54 du même acte : « Les officiers, les militaires et les Acadiens prisonniers en Nouvelle-Angleterre seront renvoyés en leur pays. » Réponse du général Amherst : « Accordé, sauf à l’égard des Acadiens. » Il semblerait que ces autorités étaient tellement imbues et convaincues de leur supériorité morale et intellectuelle pour simplement admettre qu’ils étaient eux aussi des simples citoyens de la communauté universelle du genre humain…
Un crime d’intention spécifique
Votre Majesté, le génocide et les crimes contre l’humanité constituent des crimes d’État. Ce qui distingue le premier des autres : le génocide est un crime d’intention spécifique. Et cette intention est de faire disparaître un peuple comme tel pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait, peu importe l’ampleur des massacres et des carnages. Dans le cas acadien en 1755, les preuves historiques démontrent clairement que le peuple acadien a été victime d’une succession d’actes criminels prémédités, perpétrés tant par les autorités de la Nouvelle-Écosse qu’avec l’assentiment des autorités métropolitaines. Tant en vertu du droit anglais que du droit coutumier de l’époque, tous ces actes perpétrés contre les Acadiens sont illégaux et gravement criminels. La séquestration arbitraire des notables à partir du 4 juillet 1755, puis la confiscation et la destruction arbitraire des biens et des propriétés, la réduction à l’esclavage de toute la population, les battues générales et les chasses à mort contre les fuyards, la répétition des mêmes crimes pendant près de huit ans et l’acharnement à vouloir détruire cette population jusque dans ses ultimes retranchements, constituent autant de preuves de l’intention délibérée de faire disparaître un peuple dans un but essentiellement politique.
Dans le cas acadien, il y a eu certainement commission de crimes contre l’humanité, mais il y a eu davantage puisque l’intention arrêtée des autorités était de faire disparaître ce groupe humain, non pour ce qu’il aurait pu faire mais pour ce qu’il était. En ce sens, on peut clairement affirmer que le peuple acadien a été victime d’un génocide optimal. Comment expliquer cette volonté d’extermination que même les traces de la présence acadienne soient supprimées avec persévérance et acharnement. À peu près tous les bâtiments sont rasés, les archives sont confisquées et plus jamais retrouvées. Les archives incriminantes du gouvernement de la Nouvelle-Écosse sont partiellement détruites. Les archives de Lord Halifax pour cette période sont également portées manquantes. Même la toponymie des lieux, pourtant déjà fort ancienne, est totalement éradiquée pour effacer toutes traces de la présence acadienne en Nouvelle-Écosse.
Votre Majesté, il y a eu perpétration d’un génocide contre le peuple acadien. Le colonel Robert Monckton a été le principal officier de Sa Majesté chargé de l’exécution de ce crime. Pour des raisons qui demeurent inexpliquées, la Ville de Québec a choisi d’honorer la mémoire de ce criminel et de le présenter pour une de ses rues comme en exemple à la postérité. Pourquoi pas plutôt honorer la mémoire des victimes de ce génocide en renomma cette rue Beauséjour. Ironie de l’histoire : c’était bien le colonel Monckton qui avait un nom tout près pour remplacer le beau nom acadien de Beauséjour par celui de Cumberland.
Autrement, comment expliquer que l’université francophone cosmopolite du Nouveau-Brunswick qui forme la jeunesse acadienne porterait le nom du criminel de guerre Robert Monckton? Et que le seul Acadien nommé jusqu’alors juge de la Cour suprême du Canada aurait des réserves quant à changer ce nom infâme…
Votre Majesté, feu les rois George II et George III ainsi que feu votre mère fort regrettée, ont tous fait essentiellement à leur couronnement le même serment que voici — l’Archevêque : Allez-vous faire en votre pouvoir qu’avec clémence soit appliqué le droit et soit rendue la justice dans tous vos jugements ? Le Roi : Oui.
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* Diplômé en droit de l’Université de Moncton (Monckton) 1990. / Texte concocté et autorisé à titre de résumé comprenant divers passages et extraits d’une contribution phare prévue en 2024 pour la 13e édition de la revue internationale Veritas Acadie.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec