Il n’y a pas de Jour de l’indépendance israélienne sans la Nakba palestinienne

Il n’y a pas de Jour de l’indépendance israélienne sans la Nakba palestinienne

par Gideon Levy

Voilà l’essence du zeitgeist [esprit du temps] israélien : d’abord une immersion frénétique dans le culte du deuil et une adoration non moins frénétique de la mort et des morts lors du Jour du Souvenir, immédiatement suivie d’une orgie ultranationaliste et militariste, avec des envolées d’adoration de soi et des tonnes de viande brûlée lors du Jour de l’Indépendance. Pas un iota de proportion, ni pour les morts, ni pour les vivants, ni pour la viande.

Aucun autre État ne pleure ses morts comme cela et ne célèbre ses réussites – réelles ou imaginaires – comme cela. Bien sûr, il n’y a pas non plus d’autre État que notre nouvel ami le Turkménistan, dont la cérémonie nationale ressemble à notre allumage de flambeau.

Dans toute cette boue, un début d’espoir a germé cette année. Les protestations qui ont éclaté un peu partout, y compris dans nos temples modernes – nos cimetières militaires – et les 15 000 personnes qui ont assisté à la cérémonie commémorative alternative, binationale, sont une source d’espoir naissant. Il s’agit d’un début hésitant et timide, pas assez honnête ni résolu, de ce qui aurait dû se passer ici en ces jours de commémoration et d’indépendance, mais c’est un début.

Israël pleure ses morts, et bien sûr pour eux seuls, comme s’ils étaient tous des victimes innocentes et non coupables d’une force maléfique mystérieuse et cachée dont le seul objectif est de tuer et de blesser notre pays pur et naïf. Israël célèbre sa fondation et son indépendance en sachant qu’il le fait sur le dos, la vie, la propriété, la liberté, la terre et la dignité d’une autre nation. Il est douteux qu’il y ait beaucoup d’autres fêtes nationales célébrées pour le désastre d’une autre nation, tout en piétinant toute manifestation de son expression propre.

Tout cela est d’autant plus grave que la plupart des victimes du désastre national de l’autre nation et leur progéniture – ce désastre national qu’Israël célèbre avec jubilation et exultation – vivent sous la domination israélienne. Oui, c’est leur jour de désastre, qui ne finit jamais, un désastre affreux, épouvantable, un petit Holocauste. Eh oui, nous pouvons pleurer nos morts et célébrer notre indépendance, tout en prenant cela en considération. Mais lorsqu’une nation n’a pas confiance en sa moralité, lorsqu’elle sait très bien que quelque chose de mauvais s’est produit en plus de tout le bon, et que le feu de la culpabilité siffle et brûle encore sous le tapis – alors elle piétinera tout rappel de cela.

Il aurait pu en être autrement et il doit en être autrement. Israël est suffisamment fort et mûr pour faire place à d’autres sentiments que ses sentiments religieux nationalistes. Les juifs ne vivent pas seuls, même dans leur État. Il est impossible de célébrer le jour de l’indépendance sans parler de la Nakba, et il est impossible de pleurer les morts sans se demander pourquoi ils ont été tués. Il est impossible d’ignorer les autres morts, nos victimes ; il est possible et nécessaire de respecter les sentiments de ceux qui les pleurent, de ceux qui les considèrent comme des héros.

À la veille du Jour du Souvenir, j’ai visité cette semaine le cimetière du camp de réfugiés de Jénine. Les tombes des dizaines de nouveaux morts de cette année maudite dans le camp ressemblent étonnamment aux tombes de nos soldats, et la mère endeuillée qui arrosait les fleurs sur la tombe fraîche de son fils ressemblait étonnamment à nos propres mères endeuillées.

Un jour, quand Israël croira en la justesse de sa cause, il pourra enfin s’exposer à toute l’histoire et même la respecter. Il cessera de se gaver de la propagande mensongère qu’il se raconte et qu’il raconte aux autres, et il regardera directement la vérité.

Il pourra alors marquer différemment les événements nationaux : un jour de commémoration pour les morts de l’autre nation également, des mémoriaux et des plaques racontant son histoire et honorant son histoire. Un jour de commémoration pour les Israéliens au Mont Herzl et un jour de commémoration pour les Palestiniens au cimetière du Cheikh Munis disparu. Des spectacles le jour de l’indépendance dans les villes juives et des rassemblements à la mémoire de leurs morts et de leurs disparus dans les villes arabes. Des drapeaux israéliens à côté des drapeaux palestiniens, avec les drapeaux noirs de la protestation entre les deux. Cela doit avoir lieu avant l’établissement de l’État démocratique unique, dans lequel ce rêve deviendra réalité.

source : Haaretz via Tlaxcala
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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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