par Alexandre Lemoine
Les responsables européens ont réalisé que leur capacité à imposer des sanctions contre la Russie était épuisée. Ils n’en parlent pas officiellement, mais c’est le ton qui prévaut dans les coulisses européennes. Ils ne veulent pas non plus mentionner les véritables causes.
L’Occident est parvenu à la conclusion que les ressources en matière de sanctions contre la Russie étaient épuisées. Au sein de l’Union européenne, l’opinion se renforce que les nouvelles sanctions antirusses sont « terminées » car il y aura bientôt « plus d’exceptions que de mesures ». C’est ce qu’a déclaré un responsable européen anonyme au journal Financial Times. Les politiciens européens ont encore peur d’en parler officiellement. Mais beaucoup de hauts fonctionnaires sont de cet avis. L’interlocuteur du journal indique que les domaines de l’économie russe qui ne sont pas touchés par les sanctions sont vitaux pour les pays de l’UE eux-mêmes. Par conséquent, lors de la préparation du prochain train de sanctions, seules les restrictions concernant l’élargissement de la liste des personnes et les mesures visant à renforcer les sanctions existantes sont examinées. De nouvelles sanctions ne sont pas attendues pour le moment.
En effet, les ressources en matière de sanctions semblent épuisées. L’Occident a déjà imposé les sanctions les plus sévères contre la Russie, allant du gel des réserves de change à l’embargo sur les exportations de pétrole et de produits pétroliers.
Mais les explications des responsables européens, selon lesquelles il n’y aura pas de sanctions car seuls les domaines de l’économie russe qui sont vitaux pour l’UE elle-même sont restés intacts, semblent trompeurs. En effet, le pétrole et les produits pétroliers, qui sont soumis à un embargo, étaient également vitaux pour les pays de l’UE. Cela a eu un impact négatif sur les biens et services en raison de la hausse des prix, pas seulement sur le chauffage et l’électricité, mais a également conduit à une inflation record et à une récession économique dans l’UE.
L’Europe a suivi les États-Unis et a expérimenté ces sanctions pour réaliser qu’elle s’était retrouvée sur un baril de poudre. Encore un faux pas et Bruxelles créera de ses propres mains une nouvelle crise énergétique, une nouvelle crise bancaire et, par la suite, une véritable crise économique dans toute l’UE. Tous ces foyers de maladie de l’économie européenne ont pu être atténués, mais pas complètement.
Les responsables européens ont réalisé que, d’une part, l’effet des sanctions s’est avéré beaucoup moins important qu’ils ne l’avaient prévu. D’autre part, les conséquences pour eux-mêmes se sont avérées beaucoup plus lourdes qu’ils ne le pensaient, et il ne vaut pas la peine de prendre davantage de risques avec leur économie et leurs citoyens qui souffrent déjà. L’UE se trouve dans un état si vulnérable qu’elle pourrait même ne pas survivre à un léger stress.
Les sanctions sont depuis longtemps très conditionnelles. L’importation est largement compensée par l’importation parallèle. L’exportation arrive sur les marchés européens sous la forme « non-russe ». Dans certains cas, il y a eu un « changement » de fournisseurs : la Russie fournit du pétrole vers l’Est à la place de l’Arabie saoudite, et l’Arabie saoudite fournit du pétrole vers l’Ouest à la place de la Russie. La quantité de pétrole ne change pas dans ce cas. Cependant, la hausse des prix a suffi à provoquer une crise bancaire en Occident.
Sans aucun doute, les sanctions occidentales ont un impact négatif sur l’économie russe. Cependant, l’effet négatif annoncé par l’Occident ne s’est pas produit. Des sanctions ont été imposées contre des secteurs entiers de la Russie, mais cela ne les a pas tués, ils continuent de vivre. Parfois, les Européens ont même dû modifier les sanctions et introduire des exceptions. Par exemple, des exceptions ont été introduites pour le charbon, le pétrole et les produits pétroliers.
Jusqu’à présent, l’Europe n’a pas adopté de sanctions contre le gazoduc, le GNL et les diamants russes. Et l’UE ne peut pas adopter ces sanctions, car il y a des pays membres qui y sont fortement opposés. Et pas seulement parce qu’ils achètent du gaz russe ou du combustible nucléaire russe. Par exemple, l’Allemagne est opposée à ces sanctions. Elle l’est pour une raison très simple : les sanctions dans les domaines du gaz et du nucléaire frapperont toute l’économie européenne sans distinction, et en premier lieu l’allemande, en tant que plus grande de l’UE, à travers la hausse des prix des ressources énergétiques, leur déficit et le retour à la phase aiguë de la crise énergétique, qui a été quelque peu atténuée pour le moment.
Une autre erreur de calcul de l’Occident concerne son influence sur le monde entier. Elle est toujours grande, mais elle ne s’étend pas à l’ensemble du monde. Il n’est pas possible pour l’Occident d’isoler la Russie et de créer un régime de sanctions monolithique. Il n’y a pas de consensus mondial sur les sanctions contre la Russie. De nombreux pays sont prêts à coopérer et à commercer avec elle.
Aucune des attentes de l’Occident concernant les sanctions n’a fonctionné comme prévu. Les élites politiques se posent donc une question légitime : pourquoi les Européens devraient-ils souffrir à cause des sanctions si de toute façon elles n’ont eu aucun résultat sur la Russie ?
Les politiciens occidentaux ont peur parce que leurs citoyens posent de plus en plus de questions de ce genre. Pourquoi leur niveau de vie diminue-t-il, pourquoi le processus de désindustrialisation commence-t-il, pourquoi augmentent les prix et le coût de l’énergie, du chauffage, etc.
Les sanctions les plus importantes de l’UE ont effectivement déjà été adoptées, et les principaux efforts des responsables européens seront désormais axés sur la prévention de leur contournement, selon les experts. Cependant, cela ne signifie pas que de nouvelles restrictions sont exclues. Bien que les paquets de sanctions déjà adoptés aient entraîné la destruction presque complète des liens économiques entre l’UE et la Russie qui s’étaient développés au cours des dernières décennies.
source : Observateur Continental
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