SOTT FOCUS: Le psychopathe politicien — Du monde des affaires à celui des pouvoirs publics

SOTT FOCUS: Le psychopathe politicien — Du monde des affaires à celui des pouvoirs publics

Avant d’entamer leurs recherches sur la psychopathie en entreprise, Paul Babiak et ses collaborateurs se sont posé plusieurs questions nécessitant des réponses. Celles-ci sont tout autant pertinentes pour l’étude de la psychopathie politique et peuvent être reformulées comme suit :

  • Comment un psychopathe peut-il faire de l’ombre aux autres candidats et réussir en politique ?
  • Pourquoi un psychopathe voudrait-il faire de la politique ?
  • Combien de temps un psychopathe pourrait-il manœuvrer avec succès dans ce genre d’environnement ?
Rod Blagojevich

© Tannen Maury/EPA/Shutterstock
Vous vous souvenez de Rod [Blagojevich] ?

Dans un article de fond pour examiner.com, Jim Kouri – qui a fait partie de la National Drug Task Force, a formé des officiers de police et agents de sécurité dans tous les États-Unis et été le cinquième vice-président de la National Association of Chiefs of Police – a répondu à la première question :

Très simplement : la plupart des tueurs en série [psychopathes] et de nombreux politiciens professionnels doivent imiter les réponses qu’ils pensent appropriées aux situations qu’ils rencontrent, comme la tristesse, l’empathie, la compassion, et autres réactions humaines à des stimuli externes. […] Si des criminels violents sont psychopathes, ils sont capables d’agresser, violer, tuer sans se soucier des conséquences juridiques, morales ou sociales. Cela leur permet de faire ce qu’ils veulent, quand ils le veulent. Ironiquement, ces mêmes traits existent chez les hommes et les femmes qui sont attirés par des postes de pouvoir et d’influence dans la société, y compris ceux exerçant une fonction politique.

En politique, c’est chacun pour soi. Non seulement les politiciens doivent être relativement blindés pour supporter les atteintes – réelles ou imaginaires – à leur personne, mais ils doivent aussi être capables de critiquer les autres en retour. Si pratiquement tout le monde peut sans doute apprendre à le faire, certaines personnes ont beaucoup plus de facilités que d’autres. Les psychopathes mentent avec aisance ; ils n’éprouvent aucun scrupule moral à diffamer, faire de fausses promesses, se vanter, se montrer impitoyables et recourir à n’importe quel moyen que la fin justifie. Ces « qualités » leur donnent l’avantage sur leurs concurrents plus honnêtes (et souvent plus naïfs).

À bien des égards, la politique n’est guère différente de n’importe quelle autre escroquerie. L’escroc cible les membres d’un groupe identifiable, qu’il soit politique, religieux, racial, dépendant de l’âge, etc. Que l’escroc soit lui-même membre du groupe cible ou non, il prétend représenter le groupe. Si les psychopathes politiques contribuent grandement à la montée en puissance des groupes politiques totalitaires, ils jouent un rôle tout aussi important dans les gouvernements d’apparence « démocratiques » [1]. Il est tellement courant qu’un parti leur serve de masque [2], que l’on peut aisément dire qu’il s’agit de leur principal mode opératoire.

Mais pourquoi un psychopathe voudrait-il faire de la politique, pour commencer ? La réponse à cette question devrait être évidente. La politique offre pouvoir, influence, notoriété, prestige, argent et autres gratifications. Elle offre également des positions d’autorité sur l’armée, l’industrie et des populations entières. Dans un monde où les psychopathes ont tendance à être considérés comme moralement répugnants et où ils se trouvent souvent relégués aux bas-fonds criminels de la société, la politique donne l’opportunité de créer un nouveau monde, de se libérer de ces stupides exigences morales et des lois « tyranniques ».

Souvenez-vous du stratagème du psychopathe en col blanc Bernard Madoff et, en gardant ceci à l’esprit, lisez ces articles qui s’étalent sur ces vingt dernières années environ :

Le Département de la Défense est incapable de rendre compte de 25 % des fonds – 2 300 milliards de dollars

Le 10 septembre, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld […] a déclaré que l’argent gaspillé par l’armée constituait un risque sérieux. […] « Selon certaines estimations, nous ne sommes pas en mesure de suivre 2 300 milliards de dollars de transactions », a admis M. Rumsfeld. […] Rumsfeld a promis des changements, mais le lendemain – le 11 septembre – le monde a changé et, dans la précipitation pour financer la guerre contre le terrorisme, la chasse au gaspillage semble avoir été oubliée. (« The War on Waste », CBS, 29 janvier 2002)

Dans ce qui pourrait s’avérer être la plus grande fraude de l’histoire des États-Unis, les autorités américaines ont commencé à enquêter sur le rôle présumé de hauts gradés de l’armée dans le détournement de 125 milliards de dollars lors de l’action menée par les États-Unis pour reconstruire l’Irak après la chute de Saddam Hussein. Il est possible que le montant exact de la somme manquante ne soit jamais connu, mais un rapport de l’Inspecteur général spécial des États-Unis pour la reconstruction de l’Irak (SIGIR) suggère qu’elle pourrait dépasser 50 milliards de dollars, ce qui en fait un détournement encore plus important que la célèbre chaîne de Ponzi de Bernard Madoff. (Patrick Cockburn, « A ‘fraud’ bigger than Madoff », The Independent, 16 février 2009) [3]

Il s’en est fallu de peu pour qu’une résolution demandant un audit de l’aide militaire et économique américaine à l’Ukraine soit rejetée par la Chambre des représentants. […] La proposition d’audit avait été fortement contestée par les démocrates de la Chambre qui estimaient que de telles activités de surveillance auraient fait mauvaise impression vis-à-vis de l’Ukraine qui a été fortement soutenue par Washington dans le conflit qui l’oppose à la Russie. « Ce n’est pas le moment de nous diviser. Nous avons tenu bon avec l’OTAN, l’UE et nos alliés. Ne tombons pas dans ce piège », a déclaré le principal démocrate de la commission, le représentant Gregory W. Meeks (NY), au cours du débat. (RT, 8 décembre 2022)

Il ne fait aucun doute que les milliards de dollars non audités de l’aide à l’Ukraine sont gérés de manière totalement honnête, qu’ils vont exactement là où on le dit et que les bénéficiaires de cette aide ne font pas partie des plus corrompus de la planète.

À titre d’exemple, en 2008, le gouverneur de l’Illinois Rod Blagojevich a retenu toute l’attention des médias, plusieurs commentateurs spéculant sur sa santé mentale. Blagojevich a été accusé d’avoir tenté de mettre aux enchères le siège vacant du président Obama nouvellement élu au Sénat. Toutefois, avant même sa mise en accusation, certains signes indiquaient déjà que quelque chose ne tournait pas rond chez Rod. Dans son portrait du gouverneur pour le numéro de février 2008 de Chicago Magazine, David Bernstein décrivait Blagojevich comme un individu narcissique, arrogant, vindicatif, charismatique, irresponsable, impulsif et indigne de confiance, qui aspirait à être président.

Après avoir interrogé plus de 20 collaborateurs de Blagojevich (« des membres actuels et anciens de l’administration du gouverneur et de son équipe de campagne, aux législateurs de l’État, mécènes et agents démocrates, universitaires, experts et pronostiqueurs politiques »), Bernstein a constaté que plusieurs « recourraient à un langage fleuri et grossier pour décrire le gouverneur, la liste des qualificatifs publiables comprenant « cupide », « idiot », « parano » et « hypocrite ». Ils ont décrit des accès de colère spectaculaires pour des choses aussi triviales que des fournitures de bureau, « des scandales d’embauches illégales présumées et de pots-de-vin politiques », ses retards injustifiés aux réunions et même à des funérailles, ainsi qu’une série d’échecs et d’humiliations politiques. Comme le dit Bernstein, pour un homme qui a un jour fait la démonstration de sa « virilité testiculaire » en s’affirmant contre le fautif lors de l’incident des fournitures, « toutes les critiques cinglantes, les titres de journaux négatifs et les cotes de popularité proches du néant devraient lui faire l’effet d’un coup de pied dans l’entrejambe. Mais s’il est décontenancé, il ne le montre pas. En public, il a l’air décontracté, impassible et même sûr de lui. Il plaisante toujours et affiche constamment ce large sourire. »

« Il est incapable de se maîtriser », dit Miller. « J’ai entendu des gens le dire au sein de sa propre équipe ». Un membre du parti démocrate ajoute : « Rod se débrouille parfois pour se battre, juste parce qu’il en la possibilité. C’est comme s’il adorait ça ». […] L’été dernier, le Peoria Journal Star, un journal du sud de l’État, a déclaré que le gouverneur « perdait les pédales ». En privé, quelques personnes qui connaissent le gouverneur le qualifient de « sociopathe » en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une hyperbole. Le représentant de l’État Joe Lyons, un collègue démocrate de Chicago, a déclaré à la presse que Blagojevich était un « fou » et un « aliéné ». « Il ne montre absolument aucun remords », a déclaré Jack Franks, représentant démocrate de l’État. « Je ne pense pas qu’il se soucie des sentiments des autres. Il essaie de diaboliser les gens qui ne sont pas d’accord avec lui ; il a la folie des grandeurs. »

Après un incident, des législateurs l’ont traité de « menteur » et l’ont comparé à un « vendeur de voitures d’occasion » ; « dans une démarche sans précédent, ils ont exigé que Blagojevich écrive toute promesse noir sur blanc dans des protocoles d’accord ». En fait, au bureau, il passait la plupart de son temps à « démentir les accusations d’irrégularités éthiques au sein de son administration ». Mais malgré les rumeurs, les allusions et les accusations catégoriques, « Blagojevich a prétendu – parfois avec indignation – qu’il n’avait rien fait de mal. Il impute les scandales à « quelques pommes pourries qui n’ont pas respecté les règles » et l’ont abusé. »

Lors d’un second procès en 2011, Blagojevich a été déclaré coupable d’avoir essayé de vendre le siège sénatorial vacant, entre autres chefs d’accusation d’extorsion, et envoyé dans une prison fédérale en 2012. Le Président Trump a diminué sa peine en 2020, qualifiant celle-ci d’« injuste ». Il a déclaré aux journalistes : « Je ne le connais pas très bien, je l’ai rencontré deux ou trois fois, il a participé brièvement à l’émission « The Apprentice » il y a quelques années, il avait l’air très sympathique, je ne le connais pas, mais il a passé huit ans en prison, c’est déjà pas mal. »

Trump sait assurément comment les choisir ! Blagojevich me paraît davantage être un psychopathe politicien, et plutôt flagrant qui plus est. Et ce n’est sûrement pas le seul. Tout comme les « meilleurs » psychopathes sont ceux qui ne se font pas repérer et restent des criminels accomplis toute leur vie, les meilleurs psychopathes politiciens agissent de manière à tenir le plus longtemps possible.

Tant Robert Hare, dans son livre de 1970 Psychopath: Theory and Research, que James Blair, Derek Mitchell, et Karina Blair dans leur ouvrage de 2005 The Psychopath: Emotion and the Brain, font remarquer que des conditions environnementales négatives, telles qu’un statut socio-économique inférieur, de la maltraitance et de la négligence parentale ainsi qu’un faible QI sont souvent associés à des scores de psychopathie élevés, notamment chez les individus qui s’adonnent en permanence à un comportement criminel violent. Ces criminels psychopathiques sont souvent considérés comme les pires dans les tribunaux et les prisons. Toutefois, ces facteurs semblent seulement affecter l’expression de la psychopathie.

Même si les psychopathes évoquent souvent une enfance traumatique qui les a rendus tels qu’ils sont, ils viennent de tous les milieux, bons ou mauvais. Comme le dit le Dr Hare dans le documentaire de Ian Walker, Je suis un psychopathe, à propos de Sam Vaknin, gourou autoproclamé du narcissisme qui a été diagnostiqué psychopathe, « Si vous êtes très brillant, que vous savez comment bien vous habiller, que vous avez du bagou, avez été élevé dans une famille aisée, alors vous n’allez pas dans une banque pour la dévaliser, vous y allez et devenez directeur ».

Vaknin constitue le parfait exemple du type de psychopathe qui est le plus dangereux pour les institutions politiques, et donc les nations. Plus connu pour être un gourou de l’« amour propre malveillant » sur internet, Vaknin a été arrêté en 1995 en Israël pour fraude aggravée en valeurs mobilières. Le documentaire suit Walker, Vaknin et Lidija (la femme de Vaknin) tandis qu’ils se rendent dans plusieurs institutions européennes pour vérifier si Vaknin est effectivement psychopathe. Vaknin finit par obtenir un score de 18 (sur 24) au test PCL-SV (version de dépistage) développé par le Dr Hare, un score plus élevé que celui de la majorité des criminels emprisonnés dans des établissements pénitentiaires aux États-Unis, le seuil limite indiquant une psychopathie.

Toutefois, selon Walker, Vaknin n’est pas le psychopathe « archétypique des manuels ». Contrairement aux populations criminelles, il n’est jamais physiquement violent. Il est également resté marié avec la même femme pendant dix ans alors que la plupart des psychopathes sont apparemment incapables d’un tel « engagement » et enchaînent les relations de courte durée. (La façon dont il la traite au niveau affectif est cependant une toute autre histoire.) Le plus intéressant est qu’il se connaît particulièrement bien lui-même, et que ses idées concordent avec ce que les experts ont à dire. Par exemple, voici un échange tout à fait sérieux que Vaknin a eu avec Walker :

Vaknin : « J’aime présenter une façade de personne modeste et effacée. Cela donne aux gens l’impression que, au fond, je suis humain. »

Walker : « Mais tu es humain, non ? »

Vaknin : « Je suis sûr que c’est ce que tu veux croire, oui. […] Le psychopathe considère les gens comme des instruments de gratification et des choses dont on se sert pour ensuite les jeter. […] La grande majorité des psychopathes, comme un iceberg, évoluent sous l’eau, et comme un iceberg, ils sont inertes. Ils ne font rien. Ils sont juste là. Ils font souffrir leur femme en n’étant pas empathique, mais ils ne la battent pas et ne la tuent pas. Ils harcèlent leurs collègues, mais ils ne mettent pas le feu au bureau. Ils n’en font pas des tonnes. Ils sont pernicieux. La plupart des psychopathes sont subtils. Ils ressemblent plus à un poison qu’à un couteau, et ils sont plutôt un poison à action lente que du cyanure. »

Après avoir mitraillé Walker d’insultes dégradantes (un comportement récurrent tout au long du tournage), Walker étant visiblement toujours sous le choc, Vaknin lui a froidement décrit le processus avec une perspicacité sadique :

« Ton corps a instantanément été inondé d’adrénaline et d’hormones apparentées comme la noradrénaline […] Quand ces substances se diffusent dans la circulation sanguine, ton cerveau réagit. Cela éteint certains centres et en active d’autres. C’est ce qu’on appelle la réaction de stress, ou le syndrome de stress en fait. Ensuite, quand les insultes cessent, les niveaux d’adrénaline commencent à chuter. À mesure qu’ils chutent, tout le système part en vrille. Alors, c’est ce que font généralement les persécuteurs, ils commencent et arrêtent, et recommencent et arrêtent. Ça entraîne un syndrome de stress maximal, et c’est ça le grand secret de la persécution. Ne jamais trop en faire. De petites doses. La victime fera le reste. Quoique tu trembles beaucoup moins [maintenant]… je dois y remédier. »

Ce type de psychopathe conscient de ce qu’il est, est peut-être le plus dangereux. Outre sa pulsion instinctive de domination, lorsqu’il a les moyens d’accéder à des postes de responsabilité sociale, il est non seulement naturellement affranchi des contraintes qu’exerce la conscience, mais il se retrouve largement au-dessus (si ce n’est l’architecte) des lois qui sont censées protéger les êtres humains normaux des impulsions déviantes si clairement définies par l’esprit psychopathique. En tant que président, politicien, chef militaire ou d’entreprise, lobbyiste politique, agent de renseignement, un grand nombre de personnes sont à sa merci.

Notes

[1] Mon hypothèse de travail actuelle est que si on trouve peut-être plus fréquemment des narcissiques en tout genre parmi les individus qui cherchent activement à exercer une fonction publique, des psychopathes avérés seront peut-être plus enclins à rechercher des fonctions (non élues) où ils pourront influencer ces politiciens à l’abri des regards, par exemple en tant que membres de groupes de pression et autres organismes influents.

[2] Un masque politique, et non un masque de soirée comme dans Eyes Wide Shut, encore que…

[3] Un article de suivi de 2013 : Over $8B of the Money You Spent Rebuilding Iraq Was Wasted Outright

Source de l’article publié en anglais le 14 décembre 2022 : Political ponerology

Traduction : Sott.net

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Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)

À propos de l'auteur Signes des Temps (SOTT)

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