Par Moon of Alabama – Le 21 avril 2023
Hier, Janet L. Yellen, la secrétaire au Trésor, a prononcé un discours sur les relations économiques entre les États-Unis et la Chine. C’est une sorte de déclaration de guerre :
Notre approche économique de la Chine a trois objectifs principaux.
Premièrement, nous garantirons nos intérêts en matière de sécurité nationale et ceux de nos alliés et partenaires, et nous protégerons les droits de l’homme. Nous ferons clairement part à la RPC de nos préoccupations quant à son comportement. Et nous n’hésiterons pas à défendre nos intérêts vitaux. Même si nos actions ciblées peuvent avoir des répercussions économiques, elles sont uniquement motivées par nos préoccupations concernant notre sécurité et nos valeurs. Notre objectif n’est pas d’utiliser ces outils pour obtenir un avantage économique concurrentiel.
Deuxièmement, nous cherchons à établir une relation économique saine avec la Chine : une relation qui favorise la croissance et l’innovation des deux pays. Une Chine en pleine croissance qui respecte les règles internationales est bénéfique pour les États-Unis et le monde. Les deux pays peuvent bénéficier d’une saine concurrence dans le domaine économique. Mais une concurrence économique saine – qui profite aux deux parties – n’est viable que si elle est équitable. Nous continuerons à travailler en partenariat avec nos alliés pour répondre aux pratiques économiques déloyales de la Chine. Et nous continuerons à faire des investissements essentiels chez nous, tout en nous engageant avec le reste du monde à faire progresser notre vision d’un ordre économique mondial ouvert, équitable et fondé sur des règles.
Troisièmement, nous cherchons à coopérer sur les défis mondiaux urgents de notre époque. Depuis la réunion de l’année dernière entre les présidents Biden et Xi, les deux pays ont convenu d’améliorer la communication autour de la macroéconomie et la coopération sur des questions telles que le climat et le surendettement. Mais il reste encore beaucoup à faire. Nous appelons la Chine à tenir sa promesse de travailler avec nous sur ces questions, non pas pour nous rendre service, mais par devoir commun et par obligation envers le monde. S’attaquer ensemble à ces questions fera également progresser les intérêts nationaux de nos deux pays.
L’utilisation de « valeurs« , d’ »intérêts vitaux » et de « règles internationales » mal définis constitue toujours une piètre excuse pour faire des bêtises. Il est embarrassant d’invoquer des « pratiques économiques déloyales » en Chine alors que ce sont les États-Unis qui enfreignent leurs propres règles à gauche et à droite. Comme l’écrit Edward Luce dans le Financial Times d’aujourd’hui :
Les États-Unis d’aujourd’hui sont incapables de conclure des accords commerciaux, de négocier des règles numériques mondiales, de respecter les décisions de l’OMC et de soutenir les réformes de Bretton Woods. Comment la Chine peut-elle être intégrée dans un ordre dirigé par les États-Unis et auquel l’Amérique elle-même a cessé de croire ?
On peut bien sûr oublier le troisième point lorsque le premier et le deuxième sont acquis. Il n’y aura pas de coopération si les autres points créent une confrontation hostile.
Mme Yellen examine ensuite les trois points plus en détail. Sous la rubrique « Sécurité nationale« , elle déclare :
Nous examinons aussi attentivement les investissements étrangers aux États-Unis afin de déceler les risques pour la sécurité nationale et nous prenons les mesures nécessaires pour y remédier. Et nous envisageons un programme visant à restreindre certains investissements américains à l’étranger dans des technologies sensibles spécifiques ayant d’importantes répercussions sur la sécurité nationale.
En quoi l’interdiction des investissements américains en Chine contribue-t-elle à la sécurité nationale ? Les États-Unis disposent d’autres outils pour empêcher Lockheed Martin de construire de nouveaux missiles en Chine. Quels sont donc les investissements envisagés ici ?
Il y a deux jours, Politico présentait le programme en avant-première :
Des règles sans précédent limitant les investissements américains en Chine sont attendues dans le courant du mois – et l’administration a commencé à informer des groupes industriels tels que la Chambre de commerce sur les grandes lignes du décret, qui devrait exiger des entreprises qu’elles informent le gouvernement de leurs nouveaux investissements dans des sociétés technologiques chinoises et interdire certaines transactions dans des secteurs critiques tels que les microprocesseurs.
…
Depuis l’arrivée de l’administration Trump, les législateurs chargés de la sécurité nationale et les membres du cabinet ont cherché à élaborer de nouvelles règles pour superviser – et potentiellement bloquer – les investissements américains dans les secteurs technologiques chinois. L’objectif est d’empêcher les entreprises américaines de financer ou de développer des technologies qui pourraient ensuite être utilisées par l’armée chinoise.
Mais ce n’est qu’une piètre excuse. Il s’agit d’une escalade dans la guerre économique contre la Chine. Comme le poursuit Politico :
Ces mesures feraient suite à l’action commerciale agressive menée l’année dernière, lorsque l’administration a mis en place de nouvelles règles d’exportation visant explicitement à saper le secteur très prisé des microprocesseurs et a adopté des politiques industrielles massives visant à rompre la dépendance à l’égard de l’économie chinoise. À l’époque, le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan avait clairement indiqué que l’objectif de la stratégie était de préserver l’avantage concurrentiel des États-Unis dans les industries émergentes de haute technologie, même si Washington ne poursuivait pas un découplage plus large.
« Nous devons conserver une avance aussi grande que possible dans les secteurs de haute technologie tels que les microprocesseurs« , a déclaré M. Sullivan, en évoquant les nouvelles règles du ministère du commerce publiées en octobre, qui visent à freiner le développement des microprocesseurs chinois.
Cela n’a rien à voir avec la sécurité nationale, mais avec la suppression de la concurrence économique.
La nouvelle règle interdisant les investissements américains en Chine s’appliquera à trois grands secteurs :
Alors que les décideurs politiques ont envisagé l’année dernière d’inclure jusqu’à cinq grandes industries chinoises – les micropuces, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, la biotechnologie et l’énergie propre – dans l’ordonnance, les secteurs de la biotechnologie et de l’énergie propre sont désormais susceptibles d’être écartés du programme.
Interdire les investissements américains dans ces trois secteurs reste stupide.
La Chine ne manque pas d’argent pour investir. La balance de son compte de capital est positive et la Chine investit plus à l’étranger que les étrangers n’investissent en Chine. Au cours du dernier trimestre 2022 :
– Les investissements directs étrangers (IDE) ont augmenté de 27,7 milliards USD en décembre 2022.
– Les investissements directs chinois à l’étranger ont augmenté de 44,2 milliards d’USD en décembre 2022.
La Chine ne manque pas non plus de savoir-faire. Elle mène des activités de recherche et de développement de haut niveau dans les mêmes secteurs que les États-Unis.
Interdire aux États-Unis d’investir dans de nouvelles usines chinoises de fabrication de puces ou de modèles d’intelligence artificielle ne fera que nuire aux industries américaines. Au cours des décennies précédentes, les entreprises étrangères qui développaient des produits présentant un intérêt pour les grandes entreprises américaines étaient rachetées par des investisseurs américains. Leurs connaissances et/ou leur production étaient reproduites aux États-Unis, ou bien elles continuaient à fonctionner comme avant, mais leurs bénéfices allaient dans les poches des Américains.
La Chine est la société qui connaît le développement le plus dynamique. Il est fort probable qu’elle trouve et développe de nouvelles choses avant les États-Unis. Mais au lieu de surfer sur cette vague et d’y investir, les États-Unis s’interdisent d’en profiter.
Les nouvelles règles de l’administration Biden couperont les investisseurs américains de la future source de revenus qu’est la Chine.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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