Le favoritisme éhonté de Québec envers les universités anglaises

Le favoritisme éhonté de Québec envers les universités anglaises

Lors de la période de questions du mercredi 29 mars dernier, Paul Saint-Pierre-Plamondon (PSPP), chef du Parti québécois, a demandé au premier ministre François Legault si, étant donné que McGill disposait globalement, en 2021, de 16 740$ par étudiant équivalent temps plein (EETP), Concordia de 11 435$/EETP alors que les universités de langue française n’avaient, en moyenne, qu’environ 10 500$/EETP (soit 37% de moins que McGill), celui-ci admettait que le financement par étudiant à McGill et dans les universités anglaises était plus élevé que celui dans les universités françaises.

Confronté aux faits, M. Legault a choisi de répondre à côté et sur un autre sujet. Alors que PSPP le questionnait sur les fonds globaux disponibles par étudiant, M. Legault répondit en parlant des fonds d’immobilisation (qui constituent une petite partie des fonds globaux). M. Legault, qui est un ancien ministre de l’Éducation et, de surcroit, responsable de la mise en place de l’actuelle formule de financement des universités, est bien au fait des subtilités du dossier. Il choisit donc l’enfumage plutôt que l’admission de la vérité.

M. Legault a donc d’abord affirmé que : « Si on exclut le Royal Vic, les universités françaises récoltent 99% des investissements en immobilisation. » Rappelons que la mouture 2023-2033 du Plan québécois des infrastructures (PQI) réserve 54,8% des fonds d’immobilisation totaux pour la décennie à venir pour McGill University seulement (ce qui représente 6,2 fois le poids démographique des anglophones!) et de ce montant, 620 millions de dollars d’argent public pour l’expansion de McGill sur le site du Royal Victoria. Comment dire? Si je donne 100$ à John et 1$ à Jean et que j’exclus John du calcul, il est exact de dire que Jean récolte 100% de l’argent.

Quand l’on se donne la peine de consulter la page B-43 au PQI, l’on constate que McGill, à elle seule, rafle 8 projets d’immobilisation, soit 47% de tous les projets pour la prochaine décennie. Si l’on suit le raisonnement tordu de M. Legault que l’on exclut le projet du Royal Victoria du calcul, McGill ramasse toujours 14,8% des fonds, soit 1,7 fois le poids démographique des anglophones.

Ensemble, McGill et Concordia récolteront 60% des investissements du PQI 2023-2033. Cela équivaut à sept fois le poids démographique des anglophones au Québec. Que l’on regarde les choses de face, de côté ou de derrière, les universités anglaises, et McGill en particulier, sont lourdement favorisées par Québec. Et, avec cette réponse, M. Legault nous prend carrément pour des idiots.

L’affaire du Royal Vic

M. Legault affirme ensuite que : « Aucune université française ne voulait du Royal Vic ». Comprenons que le gouvernement aurait donc été quasiment « forcé » de donner le Royal Vic à McGill. C’est faux. Rappelons d’abord que le Royal Vic est un bien public, propriété de tous les Québécois et non de McGill (qui est une corporation privée). Peu avant de quitter le pouvoir en 2018, Philippe Couillard a décidé de simplement donner le Royal Vic à McGill (en plus de 35 millions de dollars pour les plans d’architecte de l’agrandissement). La valeur comptable de ce don n’est pas connue, mais comme il s’agit du site le plus prestigieux (et immense!) à Montréal, la valeur foncière doit approcher ou dépasser le milliard de dollars.

Ensuite, il appert qu’aucun appel d’offres ou appel de projets en bonne et due forme n’a été fait. Sauf preuve du contraire, le gouvernement du Québec n’a jamais demandé de soumissions de projets aux autres universités en spécifiant que des centaines de millions de dollars d’argent public seraient disponibles pour développer le site. Quand le premier ministre affirme que les « autres universités n’en voulaient pas », il tente de noyer le poisson.

McGill, l’université la plus riche au Québec (et de très loin), dispose de quelque 1 700 millions dans sa fondation (aux dernières nouvelles) et aurait pu à la fois acheter le site et le rénover, à même ses propres fonds. Les 620 millions de dollars que Québec donne à McGill aurait pu être investi à l’UQAM, qui en a rudement besoin.

Des universités d’élite… anglophones

Cette histoire est emblématique de la posture générale du gouvernement du Québec face aux institutions anglaises qui sont chouchoutées et financées au-delà de toute mesure et de toute raison. Il faut voir dans ceci, je crois, l’expression d’un complexe d’infériorité tenace qui resurgit du vieux fonds canadien-français; les choses sérieuses, l’excellence, ne peuvent que se passer en anglais.

Car il faut voir dans les intentions budgétaires, je crois, une radiographie de l’intimité des convictions du gouvernement. Et ces convictions vont dans un sens bien précis, soit celui de faire des universités anglaises (McGill et Concordia) les universités d’élite, de référence, au Québec. Au centre-ville de Montréal, les gens auront le choix: étudier en anglais dans un site magnifique, patrimonial et grandiose (le Royal Vic) ou bien étudier en français dans un quartier en pleine perdition (l’UQAM). C’est une illustration puissante des conséquences désastreuses de la doctrine du « libre-choix » de la langue en enseignement supérieur.

J’y vois une trahison des idéaux de la Révolution tranquille, idéaux qui voulaient que les francophones puissent prétendre à l’excellence, même en étudiant en français. Mais quand l’on constate le favoritisme éhonté dont bénéficient les universités anglaises, tant du point de vue du financement par étudiant que de celui des investissements en infrastructures, il faut conclure que, manifestement, pour le gouvernement du Québec, cela n’est plus vrai.

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