L’autrice est femme, mère, conseillère syndicale, féministe.
Mme Aurélie Lanctôt, dans sa chronique du 7 avril 2023 intitulée « L’heure du conte », décide d’amalgamer drag queen, extrême-droite et … le groupe féministe Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec). C’est pour le moins surprenant, sinon insultant, pour une organisation féministe, d’être ainsi citée de la sorte dans une chronique du Devoir.
La chroniqueuse démontre en fait une grande ignorance de cette organisation. PDF-Québec a été fondée en 2013 par des militantes féministes québécoises. Lors de la soirée de fondation, une jeune féministe a déclaré : « Nous voulons l’égalité entre les femmes et les hommes; le respect de la dignité des femmes; la solidarité avec toutes les femmes d’ici et d’ailleurs; une plus grande justice sociale et la laïcité de l’État québécois ! » Et Michèle Sirois, la première présidente de l’organisme, d’ajouter: « PDF Québec veut rassembler toutes les femmes, au-delà de leurs différences et de la diversité de leurs besoins, avec pour objectif primordial la remise en question du système patriarcal. ».
Il me semble que Mme Lanctôt devrait être d’accord avec ces propos, elle qui dénonce régulièrement le patriarcat et qui demande plus de justice sociale dans ses chroniques.
La grossesse pour autrui
Pour information, voyons si le dernier dossier traité par PDF Québec démontre un biais vers l’extrême-droite. Le 28 mars 2023, l’organisme déposait un mémoire en Commission parlementaire étudiant le projet de loi 12, sur le sujet de la grossesse pour autrui (GPA). Il dénonçait l’industrie mondiale et multimilliardaire de la GPA, qui recherche et exploite des femmes vulnérables dans les pays en voie de développement pour les amener à fabriquer des enfants pour des clients des pays riches. Le produit de cette industrie est l’enfant humain, séparé de sa mère à la naissance pour satisfaire les désirs de clients mal informés sur le choc d’abandon et le traumatisme qu’ils contribuent à créer chez cet enfant.
J’aurais bien imaginé Mme Lanctôt appuyant ce combat contre ce symbole du capitalisme le plus débridé. En tant que juriste, elle aurait pu demander au gouvernement pourquoi le Québec devrait accepter la transformation de l’enfant sujet à l’enfant objet, livrable par contrat. De même, pourquoi le Code civil du Québec devrait valider l’utilisation de mères porteuses étrangères, alors que tout le monde sait que c’est la porte vers l’exploitation la plus éhontée des femmes les plus vulnérables ?
Les personnes trans
Voyons maintenant l’analyse de Mme Lanctôt. Elle affirme dans sa chronique que PDF Québec « pousse dans l’espace public un discours visant à délégitimer l’existence des personnes trans ». Ceci est absurde. PDF Québec a été fondé en partie par des personnes trans; il est ridicule de penser que l’organisation nierait leur existence. Et même si ce n’est pas son combat, PDF Québec s’oppose aux discriminations dont pourraient souffrir les personnes trans.
En revanche, PDF Québec refuse de se fermer les yeux sur les réels points de conflit entre les droits des femmes et les demandes de certains militants trans, et pose la question des conséquences pour les femmes s’il y a disparation de leurs droits basés sur le sexe. Ceux-ci font partie des droits protégés par les chartes canadienne et québécoise. Face à la violence des hommes et au système patriarcal en place, ces protections ont été arrachées de haute lutte par les féministes des générations précédentes. Remplacer dans les lois du pays la notion de sexe par celle du genre a de lourdes conséquences sur les femmes. Ceci est un sujet de nature juridique qui devrait être traité avec rigueur.
La violence
Parlons finalement de la violence, car Mme Lanctôt analyse la violence de la droite, ce qui doit être fait… en oubliant de manière délibérée la violence de militants se réclamant de la gauche (pas de ma gauche à moi). Sachez que chaque fois qu’une personne écrit, faussement, que PDF Québec est « transphobe », le répondeur de l’organisme accueille des messages invitant les femmes de cette organisation à se faire violer.
En Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, des femmes âgées (60-70 ans) ont été frappées par des jeunes hommes cagoulés se réclamant de la cause trans. De nombreuses publications sur Twitter invitent les gens à violenter les femmes qui prétendent simplement que la notion de sexe est encore valide (par exemple, à coup de batte de baseball entourée de fils barbelés). Je n’imagine pas que Mme Lanctôt puisse trouver cette violence acceptable, mais serait-elle prête à la dénoncer ?
Qu’en est-il du fait de hurler, de huer ou d’appeler à frapper les gens qui défendent un autre point de vue ? A-t-elle vu la bousculade provoquée par des étudiants et des militants transactivistes, le 10 janvier 2023 dans son alma mater (l’Université McGill), afin d’obtenir l’annulation de la conférence du Dr Wintemute, un militant de longue date de la cause gaie, parce que soi-disant transphobe? Sa conférence aurait pourtant porté sur les droits des femmes. En tant que doctorante en droit, que pense la chroniqueuse du Devoir du refus d’étudiants en droit de présenter une argumentation, des preuves, voire un plaidoyer et de refuser de débattre?
J’ai bien peur, pour ma part, que les femmes doivent se défendre de la droite comme de la gauche. J’ai peur des extrêmes des deux côtés. On pourrait débattre de leur dangerosité respective, mais les uns comme les autres veulent enlever des droits aux femmes. Les deux côtés ont des représentants violents et misogynes. Les deux côtés me semblent représenter les deux facettes du même patriarcat.
J’invite Mme Lanctôt à raffiner ses analyses et à faire front pour les femmes, contre toutes les violences.
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