Bonjour à tous,
Aujourd’hui, deux articles très courts
1 – Un article (2 pages) de Jean Luc Baslé sous le titre : « L’économie mondiale dans l’expectative »
Jean-Luc Baslé est ancien directeur de Citigroup (New York), et l’auteur de « L’euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The international monetary system : challenges and perspectives » (1983).
2 – Un article de DD (3 pages) sous le titre. ÉCONOMIE MONDIALE: BRAS DE FER « BRICS-OTAN » EN DONNÉES CHIFFRÉES
Les dernières données du FMI viennent juste de paraître. Je présente celles qui nous intéressent tous.
Bonne information alternative et à chacun de se forger son opinion, bien sûr.
Général Dominique Delawarde
« L’économie mondiale dans l’expectative »
Jean-Luc Baslé – 11 avril 2023
Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international s’est récemment exprimée1 sur l’état de l’économie mondiale et les solutions à lui apporter pour en améliorer la performance. Elle s’inquiète à juste titre de l’inflation, de l’endettement et de l’inégalité qui fragilisent les économies nationales. Malheureusement, les solutions qu’elle préconise sont mutuellement exclusives et sont donc inapplicables. La raison en tient à l’abstraction qu’elle fait des causes qui expliquent l’état de l’économie aujourd’hui. Nous nous y arrêtons un instant avant d’examiner ses propositions, et conclure que l’économie mondiale est proche d’une crise majeure.
L’état de l’économie est la conséquence des remèdes apportés à la crise financière, dite des subprimes, de 2008. En un mot, au lieu de pénaliser les banques pour leur manquement à leur devoir fiduciaire, les gouvernements – Washington en tête – les ont soutenus au travers de déficits abyssaux (9,9% et 9,4% du produit intérieur brut américain en 2009 et 2010) et la fourniture d’abondantes liquidités qui en relevant la valeur des titres en bourse – les ont sauvées de la faillite. Les montants fournis par la Réserve fédérale dépassent l’entendement : 16.100 milliards de dollars de 2008 à 2010, selon le Governement Accountability Office2, équivalent de notre Cour des comptes. Ce chiffre correspond au produit intérieur brut de 2012 – c’est-à-dire à la richesse produite aux Etats-Unis cette année-là.
Il en a résulté un endettement exceptionnel des états – la dette publique américaine excède son niveau de 1945 – mais aussi une inégalité croissante des revenus et des patrimoines – les « sans-grade » payant les malversations de leurs banquiers. Pas étonnant que Kristalina Georgieva – et quelques autres – s’inquiètent de ce que l’avenir nous réserve. Que préconise-t-elle ? Elle émet trois priorités : éliminer l’inflation et l’instabilité financière, améliorer les perspectives de croissance, et promouvoir la solidarité.
Pour atteindre le premier objectif (éliminer l’inflation), les banques centrales doivent réduire les liquidités dans l’économie ce qu’elles ont commencé à faire – les Etats-Unis en tête. Depuis le 17 mars 2022, la Réserve fédérale relève son taux directeur, le portant de 0,25% à 5,00% aujourd’hui. La Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne suivent la même politique. Le Japon fait exception en maintenant son taux à son niveau de 2009 (0,30%).
En revanche, restaurer la stabilité financière pose problème. Récemment, trois banques3 aux Etats-Unis ont fait faillite. Ces banqueroutes tiennent tout à la fois de l’incompétence des dirigeants et de la politique de la Réserve fédérale qui, en relevant ses taux, a diminué la valeur de leurs actifs en portefeuille. Elles ont été rapidement liquidées ou rachetées.
Le problème serait résolu si cette même incompétence et cette même politique ne frappait pas l’ensemble du secteur, et plus particulièrement les banques dites « systémiques »,4 c’est-à-dire celles capables de faire basculer tout le secteur bancaire dans l’insolvabilité. Le montant des pertes comptables – c’est-à-dire des pertes non-réalisées mais néanmoins réelles – est de 690 milliards de dollars, selon Martin Gruenberg5, directeur du Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC)6 ce qui pourrait provoquer l’effondrement du secteur bancaire. Si une telle éventualité se présentait, la Réserve fédérale devrait injecter des liquidités dans l’économie – c’est ce qu’elle fit initialement pour soutenir les trois banques défaillantes. Ainsi donc, le premier objectif de la directrice générale du Fonds monétaire international pour consolider l’économie mondiale fait-il face à une contradiction : réduction des liquidités, d’un côté, et augmentation de l’autre.
Pour atteindre le second objectif, améliorer les perspectives de croissance à moyen terme, Kristalina Georgieva recommande de « stimuler la productivité et le potentiel de croissance en réalisant des réformes structurelles ». L’expression « réformes structurelles » est un euphémisme qui désigne les réformes à entreprendre pour limiter, voire éliminer, certaines formes de protection sociale. Ce commentaire confirme le précédent qu’elle inclut dans son premier objectif, à savoir la réduction des déficits budgétaires – autre euphémisme visant la protection sociale, jugée trop coûteuse. Les réformes structurelles réduiront la consommation des ménages. Or, les deux-tiers du produit intérieur brut des nations avancées reposent sur cette consommation.
Est-il possible d’accroître la croissance tout en réduisant la capacité des personnes à consommer ? Bien sûr que non. Stimuler la productivité, comme le recommande Kristalina Georgieva, augmentera le potentiel de croissance mais cela prendra du temps, sans compter que le résultat est incertain au vu des paramètres que cette solution implique. En résumé, la solution proposée pour atteindre le deuxième objectif est inopérante.
Le troisième objectif, la promotion des solidarités, fait partie du crédo occidental auquel plus personne ne croit depuis longtemps, les nations émergentes en premier auxquelles il est destiné. Inutile de s’y arrêter.
En résumé, il s’agit là d’un exercice de pure forme, convenu, sans grand intérêt d’autant qu’il occulte l’un des risques majeurs qui menace l’économie mondiale : les produits dérivés.7 Ils sont inscrits au passif des banques, hors bilan, et échappent de ce fait aux règles prudentielles émises par les autorités nationales et internationales.
Le Crédit suisse – 45ème banque mondiale – très actif en tant que contrepartie sur ce marché, virtuellement en faillite depuis plusieurs mois, a été racheté par son concurrent, l’Union des banques suisses (UBS), le 19 mars. Etonnant que Kristalina Georgieva n’y ait pas fait allusion car le marché des produits dérivés– cause probable mais non exprimée officiellement – de la faillite du Crédit suisse est un marché énorme. Selon la Banque pour les règlements internationaux, il s’élève à 632.238 milliards de dollars, soit six fois le produit intérieur brut mondial.
Or ce marché qui couvre de nombreux segments de l’économie (taux de change, taux d’intérêt, produits pétroliers, céréales, etc.) est extrêmement spéculatif. Les banques les plus actives sont cinq banques américaines, JPMorgan Chase, Goldman Sachs, Citigroup, Bank of America et Morgan Stanley qui à elles seules comptabilisent près d’un tiers du risque total (189.893 milliards de dollars).8 Pour limiter leurs risques, elles s’en déchargent pour partie auprès d’autres banques. En tant que contrepartie, le Crédit suisse est donc tout aussi exposé au risque de faillite que le sont ces banques. Le 19 septembre 2019, le marché au jour le jour de New York, ou marché des « repos »,9 connut une crise de liquidité inattendue qui obligea la Réserve fédérale à intervenir. Aucune explication ne fut donnée mais la rumeur laissa entendre que les acteurs de ce marché ne souhaitaient plus prêter au Crédit suisse. L’intervention de la Réserve fédérale sauva temporairement la banque et la crise fut évitée.
Les produits dérivés sont l’une des causes principales de la fragilité des banques systémiques, comme l’a démontré la crise des subprimes de 2008. Par nature spéculatifs, ils sont sensibles aux variations de taux d’intérêt et aux évènements politiques. Le relèvement des taux d’intérêt, la guerre en Ukraine et les tensions en mer de Chine sont autant de facteurs susceptibles de provoquer des variations importantes dans la valeur des actifs auxquels ils sont adossés. Compte tenu de cette instabilité, une crise financière majeure ne peut être exclue. Le danger, dans cet environnement fragile, est qu’une banque systémique entraîne dans sa chute l’ensemble du secteur par un effet de dominos sans possibilité pour les banques centrales d’endiguer ce flot tant le volume des produits dérivés est important. Voilà l’état de l’économie mondiale – un état qui requiert l’attention des autorités.
Jean-Luc Baslé est ancien directeur de Citigroup (New York), et l’auteur de « L’euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The international monetary system : challenges and perspectives » (1983).
1 Sur la voie de la croissance : trois actions prioritaires, 6 avril 2023.
2 Opportunities exist to strengthen policies and processes for managing emergency assistance. July 2011.
3 Silicon Valley Bank, Signature Bank, First Republic.
4 Les banques « systémiques » sont dites « trop grosses pour faire faillite », la défaillance de l’une d’elles entraînant l’effondrement du système bancaire. Cette désignation est une garantie informelle, mais réelle, du gouvernement fédéral qu’elles ne peuvent faire faillite.
5 “Recent Bank Failures and the Federal Regulatory Response”, March 28, 2023.
6 Agence fédérale dont la responsabilité est de garantir les dépôts bancaires faits à concurrence de 250 000 dollars.
7 Les produits dérivés sont des produits financiers dont la valeur dépend du prix d’un actif sous-jacent. Les banques les utilisent pour spéculer sur les cours d’actifs financiers ou réels sans avoir à le détenir.
8 Source: Office of the Comptroller of the Currency, fourth quarter 2022.
9 « Repos » pour Repurchase agreements.
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ÉCONOMIE MONDIALE: BRAS DE FER BRICS-OTAN EN DONNÉES CHIFFRÉES
12 avril 2023 – Dominique DELAWARDE – Source: Données FMI du 12 avril 2023
Les dernières données chiffrées du FMI viennent de paraître ce 12 avril 2023. Elle méritent d’être examinées avec attention en gardant à l’esprit que le FMI est un organisme tenu et dirigé par les occidentaux et que ses prévisions sont traditionnellement optimistes pour l’Occident et plus sévères pour les pays qui se posent en challengers de l’Occident (Russie et Chine notamment).
Tous les six mois, des réactualisations sont faites dans ces prévisions pour tenir compte des résultats réels constatés. Selon mes observations sur plus d’une décennie, ces réactualisations donnent très souvent des résultats plus favorables que prévus pour les pays BRICS en général, pour la Chine et la Russie en particulier.
En l’an 2 000 le PIB des 5 pays qui allaient créer les BRICS comptaient pour 18,1% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat (PPA). Aujourd’hui, la part de ces 5 pays est montée à 32,1% du PIB mondial et le FMI prévoit que cette part va continuer d’augmenter, parce que la croissance des BRICS tirée par la Chine et l’Inde est beaucoup plus forte que celle des pays occidentaux.
PAYS BRICS | PIB/PPA 2023 en milliards de $ PPA | PRÉVISION FMI 2028 | |
1 | CHINE | 33 010 | 44 030 |
2 | INDE | 13 030 | 19 310 |
3 | RUSSIE | 4 990 | 5 750 |
4 | BRÉSIL | 4 020 | 4 860 |
5 | AFRIQUE DU SUD | 990 | 1 180 |
TOTAL BRICS | 56 040 – 32,1% PIB mondial | 75 130 – 33,6 % PIB mondial | |
PIB MONDIAL | 174 470 milliards de $ PPA | 223 270 milliards de $ PPA |
Dès leur sommet annuel d’août 2023, en Afrique du Sud, les BRICS vont très probablement commencer à s’élargir progressivement en sélectionnant les meilleurs candidats pour les intégrer en qualité de membres permanents. Une vingtaine de candidats seraient sur les rangs dont certains ont déjà fait officiellement acte de candidature. En intégrant 1 à 2 pays par an d’ici 2028, les BRICS (qui devront changer de nom) pourraient compter de 10 à 15 pays en 2028. Leur poids dans l’économie mondiale va incontestablement et significativement s’accroître.
PAYS CANDIDATS BRICS | PIB/PPA 2023 | PRÉVISION FMI 2028 | |
1 | INDONÉSIE | 4 400 | 6 170 |
2 | MEXIQUE | 3 130 | 3 760 |
3 | ARABIE SAOUDITE | 2 300 | 2 940 |
4 | ÉGYPTE | 1 800 | 2 610 |
5 | IRAN | 1 690 | 2 060 |
6 | NIGERIA | 1 370 | 1 750 |
7 | ARGENTINE | 1 270 | 1 550 |
8 | ÉMIRATS ARABES UNIS | 890 | 1 200 |
9 | ALGÉRIE | 621 | 756 |
10 | BIÉLORUSSIE | 217 | 249 |
11 | TUNISIE | 162 | 201 |
TOTAL PAYS CANDIDATS | 17 850 (10,2% PIB mondial) | 23 246 (10,4% PIB mondial) |
A noter que la liste ci dessus est loin d’être exhaustive. Certains États hésitent à rendre public leur souhait d’adhésion au BRICS, craignant des représailles du camp occidental.
Avec l’entrée de un ou deux nouveaux pays dès 2023, un effet d’entraînement pourrait bien être observé.
Il ne faut pas oublier non plus que la Turquie s’est déclarée, depuis longtemps, intéressée par une adhésion au BRICS.
Elle n’hésitera pas à franchir le pas si le bateau occidental prend l’eau ou si la tutelle US devient trop pesante …..
PAYS INTÉRESSÉS BRICS | PIB/PPA 2023 en milliards de $ | PRÉVISION FMI 2028 | |
TURQUIE (Eh oui!) | 3 570 | 4 580 |
Du côté occidental, le déclin se poursuit inexorablement, ou du moins la part des économies occidentales dans le PIB mondial (PPA).
Le PIB US était, à lui seul, de 50 % du PIB mondial au sortir de la guerre en 1945. Il ne comptait plus que pour 20,3 % en l’an 2000. Il n’en compte désormais que 15,4 % et cette part se réduit d’année en année.
Les Européens comptaient eux aussi pour 20,3 % du PIB PPA mondial en l’an 2 000. Aujourd’hui cette part n’est plus que de 14,6% et continue de se réduire d’année en année.
En clair, le camp occidental ne dispose plus du poids économique qu’il avait encore, il y a 23 ans et qui lui permettait de dominer de la tête et des épaules l’économie et la finance mondiale.
D’autant que l’opération de dédollarisation des échanges mondiaux initiée par la Russie et mise en oeuvre par la totalité des pays BRICS n’a pas encore produit ses premiers résultats.
Un nombre croissant de pays se rallient jour après jour aux échanges hors dollars pour échapper aux pressions, voire aux sanctions et à l’extraterritorialité du droit états-unien, attachée à l’emploi du dollar dans les transactions.
Cette dédollarisation qui ne fait que commencer pourrait avoir des effets d’une ampleur inédite sur l’économie mondiale, boostant les économies s’affranchissant du dollar et précipitant le déclin des États qui s’accrochent aux « règles », désormais obsolètes, du passé.
Les premières indications sur ces effets pourraient bien être perceptibles dès Octobre 2023 ou Avril 2024, à l’occasion de la réactualisation des données chiffrées par le FMI.
Quoiqu’il advienne, le monde de demain sera très différent de celui d’hier et tout retour en arrière semble bien improbable. Le déclassement de l’occident prendra sans doute quelques années, mais il est désormais inéluctable et irréversible.
La guerre en Ukraine, survenant après la phase aiguë de la crise Covid, aura précipité les choses. L’opération spéciale aura pleinement joué son rôle en obtenant, par l’économie, plus que par la force des armes, un affaiblissement durable de la coalition occidentale et de l’ idéologie néoconservatrice et mondialiste de sa gouvernance.
La messe est dite.
31 PAYS de L’OTAN | 2023 : PIB/PPA en milliard de dollars | 2028 : PRÉVISION FMI | |
1 | USA | 26 850 (15,4% PIB mondial) | 32 350 (14,5 % PIB mondial) |
2 | ALLEMAGNE | 5 550 | 6 570 |
3 | UK | 3 850 | 4 600 |
4 | FRANCE | 3 870 | 4 610 |
5 | TURQUIE | 3 570 | 4 580 |
6 | ITALIE | 3 200 | 3 700 |
7 | CANADA | 2 390 | 2 870 |
8 | ESPAGNE | 2 360 | 2 840 |
9 | POLOGNE | 1 710 | 2 190 |
10 | PAYS BAS | 1 290 | 1 530 |
11 | ROUMANIE | 784 | 1 030 |
12 | BELGIQUE | 766 | 895 |
13 | RÉPUBLIQUE TCHÈQUE | 537 | 674 |
14 | PORTUGAL | 460 | 556 |
15 | NORVÈGE | 453 | 543 |
16 | HONGRIE | 427 | 554 |
17 | DANEMARK | 432 | 510 |
18 | GRÈCE | 418 | 492 |
19 | FINLANDE | 338 | 397 |
20 | SLOVAQUIE | 226 | 285 |
21 | BULGARIE | 216 | 276 |
22 | CROATIE | 163 | 205 |
23 | LITUANIE | 137 | 170 |
24 | SLOVÉNIE | 111 | 140 |
25 | LUXEMBOURG | 94 | 115 |
26 | LETTONIE | 76 | 98 |
27 | ESTONIE | 62 | 80 |
28 | ALBANIE | 54 | 71 |
29 | MACÉDOINE | 44 | 58 |
30 | ISLANDE | 27 | 33 |
31 | MONTENEGRO | 17 | 22 |
OTAN | 60 482 (34,7% PIB mondial) | 72 944 (32,7% PIB mondial) | |
+1 | AUSTRALIE | 1 720 | 2 100 |
OTAN + AUKUS | 62 202 (35,7% PIB mondial) | 75 044 (33,6% PIB mondial) | |
MONDE ENTIER | 174 447 | 223 270 | |
+1? | SUÈDE (Candidate OTAN) | 708 | 870 |
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