Il y a de cela plusieurs années, une évidence s’est imposée à moi : à force de se shooter au vinaigre, le risque est grand de virer cornichon !
Je me souviens très exactement de ce qui m’avait conduit à cette hypothèse. Les moins jeunes se souviendront de ce roman, Le cassé, paru en 1964 aux éditions Parti Pris, qui regroupait plusieurs militants indépendantistes très à gauche, dont Gérald Godin, Jean-Marc Piotte et Michel Van Schendel.
L’auteur, Jacques Renaud, dans une langue plutôt verte, appelée joual à l’époque, y dressait un saisissant portrait de l’aliénation urbaine des Canadiens français.
L’écrivain André Major, lui aussi de Parti Pris, écrira dans La Presse en 1965 : « Disons d’abord que Renaud a choisi de faire exister dans l’absolu cette loque qu’est le chômeur canadien-français en écrivant comme ce dernier parle, ce qui me semble être la seule façon de transcrire concrètement notre aliénation profonde : ne pouvoir par l’activité de sa conscience dominer son destin. »
Or, qu’est devenu ce révolutionnaire vingt-cinq ans plus tard? En 1989, Renaud est le porte-parole du Equality Party, présidé par Robert Libman. Un parti fondé par des angryphones pour protester contre l’utilisation, par le gouvernement Bourassa, de la clause nonobstant afin de mettre à l’abri des tribunaux une nouvelle loi sur la langue d’affichage… Assez singulier comme trajectoire, non?
Et Major, lui? Vingt ans plus tard, en 1985, il écrira dans son journal intime : « … les militants fanatiques du Sentier lumineux ou de l’Islam tuant ceux qui sont réfractaires à leur cause aussi bien que nos professionnels de la conscience sociale style CSN recourant à la grève dans les hôpitaux… » Preuve que le ridicule ne tue pas, aux dernières nouvelles, ce monsieur était toujours vivant.
Il y en a un que je n’oublierai jamais. Membre du premier Conseil de la langue française créé en 1978 dans la foulée de l’adoption de la loi 101, notre conseiller juridique était Tom Mulcair. Sa tâche principale était de défendre et d’expliquer cette loi. Or, du jour au lendemain, Mulcair est passé du Conseil de la langue française à Alliance Québec, un regroupement dont la principale et unique fonction était de combattre la Charte de la langue…
Les beaux esprits se sont déchaînés, il y a 35 ans, lorsque la moitié des services ambulanciers au Québec se sont retrouvés propriétés de coopératives de travailleurs. La plume trempée dans la plus acide des biles, l’éditorialiste du Devoir, Jean Francoeur – un ancien permanent de la CSN en passant –, avait écrit : « Plus qu’indécent, incestueux… » Pour ne pas être en reste, Jean-Jacques Samson avait écrit dans Le Soleil, sous le titre : Vendre son âme à la CSN : « Les membres du gouvernement ont vendu leur âme au diable. En échange de quoi? »
De quoi vous donner le tournis…
Prendre en otage
Mais s’il se trouve une rengaine qui ne s’éteint jamais, c’est celle de la prise en otage de la population par les syndicats. Comme les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic sont venues à échéance il y a quelques semaines, il faut s’attendre à ce que les thuriféraires de l’ordre établi tentent, au chapitre des gros mots, de battre sur leur propre terrain, maoïstes, enluttistes, pécéoistes et autres crisses que nous connûmes en d’autres temps et qui sévirent non moins inopportunément!
« Cette grève prend en otage encore une fois la population et prive les élèves d’aller en classe, complique la vie des parents qui ont des enfants d’âge scolaire », a-t-on écrit quand des enseignants ont fait quelques jours de grève en 2015.
«Ils prennent la population et leurs membres en otage pour pouvoir, eux, toucher les primes de 12 000 $ à 18 000 $. C’est la population qui paie le prix», a déploré à LCN Yasmine Abdelfadel au sujet des infirmières.
« Allooo… quoi? On devrait tous ensemble dire : Alleluia, le syndicat de la SAQ nous fait perdre 35 millions $ et on est contents! Ben voyons, c’est le monde à l’envers! Je ne peux pas tolérer qu’on prenne la population en otage comme ils le font », avait vociféré Luc Lavoie.
« Il est regrettable que le Syndicat prenne en otage la population pour faire valoir des demandes qui sont difficiles à justifier dans le contexte financier de la STM », avait déclaré la Société en 2007.
« Pris en otage, c’est exactement cela : les directions syndicales prennent le Québec en otage », déplorait récemment le ministre Dubé.
Otages? Ne seraient-ce pas plutôt les travailleuses et les travailleurs qui doivent attendre des années le renouvèlement de leur convention collective, ou encore les infirmières obligées de faire du temps supplémentaire, qui sont pris en otage?
N’en jetez plus, le bocal de cornichons est plein!
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