Cet article a été publié sur Al-Mayadeen le matin du mercredi 5 avril suite à l’assaut des troupes de choc israéliennes sur la mosquée d’Al-Aqsa la nuit précédente. Elles ont saccagé le lieu saint et violemment maltraité les Palestiniens et les Palestiniennes retranchés à l’intérieur de la mosquée pour la défendre contre la ruée prévue des colons, comme en témoignent nombre de photos et de vidéos déclarées « consternantes » par l’émissaire de l’ONU pour le Moyen Orient, M. Tor Wennesland.
Cet assaut a mené à ce que les résistants palestiniens tirent des dizaines de roquettes depuis Gaza, puis depuis Gaza et le Sud Liban sur Israël. Des tirs auxquels l’armée israélienne a riposté en menant des raids aériens sur Gaza et le Sud Liban dans la nuit du 6-7 avril.,,
L’auteur traite de la nécessité pour Netanyahou d’exporter la crise interne israélienne en fabriquant une confrontation avec un ennemi extérieur et évoque succinctement l’option préférée jusqu’ici : celle des frappes aériennes sur l’ensemble du territoire syrien : au moins 9 frappes depuis le séisme destructeur du 6 février, les 4 dernières ayant visé Damas en 5 jours consécutifs ; la quatrième ayant eu lieu la nuit du 3-4 avril. Autrement dit, celle d’offensives bénéficiant de l’impunité internationale et qui ne doivent pas nécessairement mener à une déflagration. Serait-ce toujours le cas cette fois-ci ? La réponse n’est pas évidente. [NdT].
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par Oraib al-Rantawi
Les vacances que la Knesset s’est accordée [à l’occasion de la Pâque juive célébrée depuis le soir du mercredi 5 avril].peuvent être considérées comme un court intervalle de temps entre deux phases de confrontation avec ses adversaires locaux. Une confrontation qui tend vers une violence extrême et qui laisse présager l’adoption des pires options ; les observateurs étant profondément convaincus que le blocage restera maître de la situation.
En effet, quel que soit le scénario qui organisera les événements et les développements de la crise interne actuelle, l’Israël d’après cette crise ne sera plus le même et le fossé qui divise sa société en deux blocs prédit le pire, même s’il arrive à trouver des solutions ou des compromis qui resteront, de par sa nature, cosmétiques et temporaires.
Un blocage qui pousse les observateurs à se demander si Netanyahou, lequel se trouve à la tête de son sixième gouvernement et peut-être son dernier, aura recours à l’exportation de sa crise interne en fabriquant une confrontation avec un ennemi extérieur, dans l’espoir d’éteindre les foyers de tension entre les composantes politiques, intellectuelles et sociales israéliennes dont les liens ont toujours été renforcés par la présence d’une menace extérieure imminente, laquelle prend le plus souvent la forme d’une « menace existentielle », qu’il s’agisse d’une menace réelle ou imaginaire, réaliste ou pessimiste.
D’où une série d’autres questions portant sur Netanyahou, parmi lesquelles : quelle sera sa prochaine aventure ? Quel sera l’ennemi ciblé ? Réussira-t-il à atteindre ses objectifs ?
Tenter de répondre à ces questions dirige l’attention de l’observateur vers trois fronts, la probabilité du ciblage de l’un ou de l’autre dépendant de la volonté de Netanyahou et de sa capacité à les enflammer. Ce sont les fronts palestinien, libanais et iranien. Et la question devient : quel front est le plus susceptible d’être embrasé lors d’une prochaine escalade israélienne ?
Le front palestinien ?
Le front palestinien est en flammes depuis longtemps. Cependant, il est gouverné par une « escalade contrôlée » que Netanyahou ne peut dépasser sans risquer de perdre sur d’autres plans : les États-Unis et, derrière eux, un large éventail d’acteurs internationaux et arabes ne veulent pas voir l’affrontement palestino-israélien glisser vers une déflagration.
L’administration Biden n’a d’autre vision que celle basée sur « le calme en échange de l’économie », en l’absence de toute volonté sérieuse de concrétiser la « solution à deux États » ou d’ouvrir l’horizon politique des Palestiniens. Et les relations américano-israéliennes, déjà suffisamment tendues, n’ont pas besoin de tensions supplémentaires, c’est du moins ce que Netanyahou doit penser.
Une escalade débridée à Jérusalem et en Cisjordanie pourrait entraîner la bande de Gaza et sa Résistance dans l’arène de la confrontation, ce qui signifie une nouvelle guerre israélienne contre Gaza et de nouvelles vagues de roquettes palestiniennes, voire des drones suicides, sur Israël.
Une telle évolution sera comprise par les adversaires de Netanyahou comme une « guerre inutile » visant sa propre survie et l’adoption de la réforme judiciaire contestée sous une épaisse fumée de bombardement mutuel. De plus, elle créera des problèmes supplémentaires au processus de la « normalisation abrahamique » et, notamment, pourrait éliminer le dernier espoir de Netanyahou d’inclure l’Arabie saoudite dans la liste des pays ayant accepté la normalisation de leurs relations avec son entité occupante. Par ailleurs, elle compliquera les efforts de Washington visant à faciliter cette dite normalisation entre Israël et les mondes arabe et islamique.
Israël est fortement présent dans la plupart des villes et villages de Cisjordanie, sans qu’il soit besoin d’un scénario pour l’occuper de nouveau [comme c’est arrivé lors de la deuxième Intifada d’Al-Aqsa]. Et bien qu’il rencontre parfois des difficultés et une résistance farouche lors de ses assauts sur les villes et les campements, il est toujours capable d’atteindre l’ensemble des territoires occupés. Par conséquent, l’option de ce front ne calmera ni ne détournera l’attention des opposants locaux de leurs combats acharnés contre Netanyahou, son gouvernement et sa coalition.
En outre, la question palestinienne et particulièrement la situation en Cisjordanie ne bénéficient pas d’une place importante dans le débat interne israélien. L’opposition qui pousse dans la rue des centaines de milliers de manifestants contre la « réforme judiciaire » ne dit mot sur ce qui se passe en Cisjordanie comme crimes, attaques et agressions. C’est le cas pour l’ensemble des partis politiques israéliens qui ne se distinguent sur cette question que par leurs modes d’expression et le ton du discours, ni plus ni moins.
Le front libanais ?
Concernant le Front libanais, il est clair depuis « l’opération Megiddo » [l’explosion qui a eu lieu le lundi 13 mars dernier à environ 35 kms de Haïfa] que Tel-Aviv a évité d’accuser officiellement le Hezbollah en dépit de la forte suspicion de sa participation à l’opération ; suspicion formulée par nombre d’analystes locaux sur les médias israéliens.,
La raison en est qu’Israël est certain qu’un acte visant le Liban quelles que soient sa forme, sa dimension ou ses frontières, suscitera une riposte proportionnelle en retour de la part du Hezbollah. Israël n’a aucun doute là-dessus, comme le répète sa presse écrite et comme le confirment ses médias et ses politiciens. Il sait qu’une telle confrontation ne sera pas une simple promenade et se méfie de ses conséquences imprévisibles.
Certes, une bataille ouverte avec le Hezbollah sur le territoire libanais pourrait retarder la confrontation interne en Israël pendant un certain temps, mais elle pourrait aussi mettre fin à l’ère Netanyahou et se révéler dommageable pour l’État et la société. D’autant plus qu’aujourd’hui Israël, y compris ses institutions militaires et sécuritaires, n’est pas au mieux de sa forme, sans parler du danger des faiblesses du « front intérieur » contre lequel les dirigeants israéliens ne cessent de mettre en garde.
Le front iranien ?
Le front iranien demeure une zone potentielle d’escalade et d’exportation des crises israéliennes. Ici, nous devons distinguer deux niveaux d’escalade : l’un stratégique visant la destruction du programme nucléaire iranien par des frappes militaires dévastatrices ; l’autre tactique visant son ralentissement dans le cadre de la « guerre de l’ombre » menée contre des cibles iraniennes.
Le niveau stratégique semble improbable, voire impossible, sans le feu vert de Washington et l’implication directe ou indirecte des États-Unis dans la mise en œuvre des opérations guerrières. En effet, nombre de facteurs vont à l’encontre d’un tel scénario, notamment le fait que Washington est actuellement impliqué dans deux guerres mondiales avec la Russie et la Chine, après être sorti vaincu de deux guerres régionales en Afghanistan et en Irak. Il est plus probable qu’il ne souhaite pas embraser le front iranien en menant une vaste opération, dont les conséquences et répercussions ne sont absolument pas garanties, et qu’il se contente de maintenir l’option « diplomatie + sanctions ».
Quant au niveau tactique, Israël le pratique en vain depuis des années ; les assassinats, la cyber-guerre, les bombardements aériens et les missiles lancés sur des cibles iraniennes en Syrie, en Irak comme en pleine mer se poursuivent, et il est fort probable que ce niveau s’intensifie dans les jours à venir, sans pour autant réussir à exporter sa crise interne et à éteindre ses étincelles.
À ce stade, tout observateur attentif peut déduire qu’il y a des limites et des restrictions aux trois options d’escalade précitées et qu’Israël se trouve incapable de les négliger par crainte de répercussions insupportables. D’où le scénario sans conséquences sérieuses jusqu’ici : l’orgie des frappes de missiles sur la Syrie.
Le front syrien… Pourquoi ?
L’une des raisons de cette option a été confirmée récemment par diverses sources israéliennes ayant déclaré que Tel-Aviv a choisi le territoire syrien pour théâtre de sa riposte à l’opération Megiddo, parce qu’une confrontation avec la Résistance présente en Syrie n’outrepasse pas les « lignes rouges » établies par le Hezbollah.
En tout cas, c’est un front qu’Israël agresse depuis des années, le plus souvent par des salves de missiles lancées depuis l’extérieur de l’espace aérien syrien, les réactions arabes et internationales à ses agressions répétées étant quasi inexistantes. D’où l’absence de coûts politiques, militaires ou humains pour Tel-Aviv.
Ces derniers jours ont vu une évolution sans précédent de l’ampleur et de la nature des cibles des frappes aériennes, notamment les aéroports internationaux de Damas (12 janvier et 4 avril) et d’Alep (7 mars et 22 mars) bloquant l’aide internationale suite au séisme dévastateur ; ce qui confirme le fait qu’Israël bénéficie d’une impunité exceptionnelle.
Cependant, il semble que cette situation ne durera pas, car le drone parti (le 3 avril) du territoire syrien vers l’espace aérien occupé par Israël était porteur d’un message cohérent avec le ton des récentes déclarations syriennes…
source : Al-Mayadeen
traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Oraib al Rantawi est le Directeur du Centre d’études politiques « Al-Quds » à Amman
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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