Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit,
pour les siècles des siècles.
Amen.
Voici ce que Charles Maurras, dans son exorde de mai 1894 du Chemin de paradis, pensait du texte ci-dessus, appelé le Magnificat : « ce fut un des honneurs philosophiques de l’Église […] d’avoir mis aux versets du Magnificat une musique qui en atténue le venin ».
Pris à la lettre le Magnificat semble inciter à la Révolution, alors que son vrai sens est de glorifier la royauté de droit divin. Or quand c’est le parti de la Révolution qui règne, les troubles insurrectionnels ne sont pas à rejeter en bloc.
Mieux faut-il les apprécier à leur juste valeur : la preuve de l’insatisfaction du peuple vis-à-vis du pouvoir actuel, la République issue de l’esprit anti-français et anti-catholique des Lumières, qui renforce l’espoir dans le succès à terme de la Contre-révolution, dont Joseph de Maistre disait dans Considérations sur la France, qui fut publié en 1797, qu’elle n’est pas une « révolution contraire, mais le contraire de la révolution ».
L’ampleur du mouvement de contestation contre la réforme des retraites est telle que les observateurs se mettent à utiliser des termes aussi forts que « crise de régime » ou « révolution française ». Le printemps 2023 de celui qui, pendant sa campagne de 2017, en avait appelé à « penser Printemps », s’avère chaud.
Ce mouvement est au fond la réminiscence des Gilets jaunes ; les braises de la révolte étaient toujours incandescentes mais elles avaient été momentanément recouvertes par les cendres de l’essoufflement, puis de la pandémie de Covid-19.
L’année 2019 a été à la fois le théâtre du mouvement des Gilets jaunes et de l’apparition du virus. Les années en 9 sont celles de la Révolution : le 30 janvier 1649 le roi d’Angleterre Charles Ier fut exécuté, le 14 juillet 1789 marqua le début de la révolution française et en 1979 eut lieu la révolution islamique d’Iran.
Ainsi est-il légitime de se demander si le 17 novembre 2018, acte I des Gilets jaunes, ne correspondrait pas au début de la Contre-révolution française, dont la conséquence serait non seulement la fin de la Ve République, mais même de la République tout court, au profit d’une restauration de la royauté de droit divin.
La Gauche, autrement dit la Nouvelle union populaire, écologiste et sociale (Nupes) — à prononcer Nupès, car cela rime avec Jaurès —, appelle à l’établissement d’une VIe République, qui remplacerait ce régime dit semi-présidentiel par un mixte de parlementarisme et de démocratie directe fondée sur le référendum d’initiative populaire, qui était la principale revendication d’ordre institutionnel de la part des Gilets jaunes.
La Gauche rêve en outre d’un Front populaire inversé : cette fois ce serait le mouvement social qui serait suivi par une victoire dans les urnes. Lors de son interview du 22 mars 2023, Emmanuel Macron fait implicitement référence au Front populaire, quand il dénonce « les factions et les factieux ».
Si la loi de dissolution du 10 janvier 1936 évoquait « les groupes de combat et milices privées », dans leurs discours et sur leurs affiches les dirigeants du Front populaire, avec à leur tête Léon Blum, utilisaient le syntagme de « ligues factieuses » pour désigner ces organisations, dont l’Action Française, qui furent actives le 6 février 1934, jour où la IIIe République vacilla.
Mais il est probable que la Gauche se leurre en voyant dans le succès de la mobilisation à l’appel des syndicats comme le prodrome d’une victoire électorale, que pourrait provoquer une dissolution de l’Assemblée nationale décidée en vue de débloquer la situation, si jamais elle devenait encore plus critique, amenant à une paralysie du pays.
Il se pourrait bien que le sympathisant de la Nupes engagé dans le mouvement social actuel soit comme Michel Foucault regardant avec bienveillance les événements qui ébranlèrent l’Iran en 1979. Cela le conduisit d’ailleurs à défendre des positions que normalement son camp – la Gauche – juge « réactionnaires ».
Le philosophe ne s’indigna pas des revendications des grévistes du secteur pétrolier, qui réclamaient « le départ des étrangers, qu’il s’agisse des techniciens américains, des hôtesses françaises ou des manœuvres afghans », alors qu’une telle demande formulée en France est immédiatement traitée de « fasciste », « xénophobe », « raciste »…
Et il ne fulmine pas non plus contre la jeunesse iranienne qui réclame un gouvernement islamique, alors que, dans le contexte français, il aurait taxé d’effroyable retour en arrière l’idée de revenir à l’alliance du trône et de l’autel à la place de la sacro-sainte laïcité républicaine : « c’étaient des milliers de manifestants qui, les mains nues devant les soldats en armes, avaient déferlé dans les rues de Téhéran en criant : ‟Islam, Islam !” ; ‟Soldat, mon frère, pourquoi tirer sur ton frère ? viens avec nous sauver le Coran” ; ‟Khomeyni héritier de Hossein, Khomeyni, nous suivons tes pas.” Et je connais plus d’un étudiant ‟de gauche” selon nos catégories, qui, sur le panneau où il avait écrit ses revendications et qu’il tenait à bout de bras, avait marqué en gros caractères : ‟Gouvernement islamique”. »
Ses analyses de la révolution islamique iranienne relèvent de ce qui s’appelle « l’islamo-gauchisme », dont La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, première force de la Nupes, est l’héritière.
De la même manière qu’en 1979 en Iran les islamistes (la « Droite ») triomphèrent des communistes du Tudeh (la « Gauche ») lors de l’insurrection contre le Shah – dont la position progressiste et libérale, « césaro-centriste » pourrait-on même dire, rappelle à certains égards Emmanuel Macron –, aujourdʼhui ce sont les forces contre-révolutionnaires qui tirent leur épingle du jeu du chaos actuel.
Si des élections législatives anticipées sont décidées, c’est le Rassemblement national qui l’emportera. Charles Maurras tenait en horreur le monde de la finance en général et la dynastie des banquiers d’État Rothschild en particulier ; or cette appréciation a été récemment exprimée par le cégétiste Olivier Mateus qui sur BFMTV a fustigé « Emmanuel Rothschild ».
Maintenant que la Confédération générale du Travail (CGT) n’est plus la courroie de transmission syndicale d’un parti inféodé à une puissance étrangère – la feue Union Soviétique – nous pouvons à nouveau poser sur elle un regard favorable, ce même regard qu’avait eu Maurras après que le syndicaliste Émile Janvion pendit le buste de Marianne le 16 août 1908 à la Bourse du Travail.
À nous de leur fournir des idées de mesures économiques à prendre pour améliorer le sort des travailleurs et faire vraiment appliquer la Justice sociale : en prohibant l’usure (ou prêt à intérêt) on valoriserait réellement le travail ; nationaliser sans indemnisation le patrimoine maçonnique afin d’assainir les finances publiques ; ou encore cesser de soutenir l’effort de guerre ukrainien, qui représente un coût important.
À ceux que le parallèle tracé ici entre la révolution islamique d’Iran et la crise que connaît en ce moment la France rendrait ébaubis, nous leur recommandons le passage intitulé « Une contre-révolution islamique ? » qui se trouve dans l’essai de Pierre de Meuse Idées et doctrines de la Contre-révolution.
Son auteur y aborde la question politique par excellence, celle de la désignation de l’ennemi, et y soutient en creux que la ligne du parti Reconquête d’Éric Zemmour consistant à ériger l’islam en ennemi n’est pas, du point de vue strictement contre-révolutionnaire, la voie à suivre.
Plutôt que La Mecque et Médine, nous avons comme « Ennemi » la City et Wall Street, lesquels ont subi de fortes secousses dernièrement. Tant mieux.
NOTES
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec