La commémo culturelle de l’année, c’est le cinquantenaire de la mort de Picasso.
L’artiste espagnol, qui a vécu à Paris, avant et après avoir quitté son pays en guerre (civile) pour la France, a enchanté la Butte Montmartre (au 49, rue Gabriel) et le Montparnasse des années 20 (1920, pas 2020). Pablo avait un atelier boulevard Raspail, dans un magnifique hôtel particulier : on est loin de la misère de Vincent. C’est la que se retrouvaient les artistes branchés de l’époque. L’Espagnol a aussi officié à Antibes, où il a découvert la poterie. Maintenant, sortons de Wikipédia.
Picasso incarne l’artiste complet du XXe siècle. Pour la presse généraliste, il y a UN peintre, Picasso, comme il y a UN scientifique, Einstein. Derrière, c’est le grand vide. Or, chacun sait qu’Einstein – qui n’était bien sûr pas un demeuré – a intelligemment exploité le travail des autres, quand la science et ses avancées n’étaient pas encore un travail collectif international.
Le mystère Picasso
Picasso, au-delà d’être un grand peintre, mais pas un peintre de génie, est surtout un phénomène médiatique. Quand on connaît un peu la peinture, on trouve plus fort mais moins médiatisé que Picasso. On peut dire qu’il a parfaitement collé à son époque. Il n’a pas souffert d’incompréhension, voire de rejet, comme Gauguin (dont les toiles étaient vendues une bouchée de pain) ou Van Gogh : très politique, il a bénéficié de la puissante machine de guerre médiatique communiste dans le monde.
Aujourd’hui, rien n’a changé : l’artiste en vue doit être bien-pensant. On pense à Bansky, simplet mais dans l’esprit du moment. Ça suffit pour impressionner le grand public. Picasso, en réalité, s’impose par sa longévité, alors que beaucoup de peintres ont eu une seule période (Braque et le cubisme, par exemple). Lui a enchaîné les styles, comme les Stones avec le blues noir (jusqu’en 65), le british rock (jusqu’en 70), la country (Exile on Main St.), le disco (Miss You en 1978), et enfin la grosse période commerciale. On peut faire le même parallèle avec Gainsbourg et ses orchestrateurs successifs, qui étaient ses vrais compositeurs. D’ailleurs, la maison Gainsbourg va ouvrir en septembre pour les fans, et Charlotte est très émue. On en est là, aujourd’hui…
Le Gainsbourg de la peinture
Bref, Picasso a été décrété génie, parce qu’il a produit beaucoup, vite et mal, sur une longue durée. Mais si on zoome un peu sur chaque segment créatif, on trouve le génie très exagéré : pour chaque style, on trouve un peintre meilleur, plus profond. Picasso, c’est le Gainsbourg de la peinture : un emprunteur de talent. Ses premiers dessins, à 14 ans, sont bons : un trait sûr, au gros fusain, mais si on revient en arrière, chez Ingres ou Vinci, on trouve incomparablement plus fort.
Il ne s’agit pas ici de démolir Picasso, ce serait prétentieux, mais de dégonfler la baudruche médiatique, qui lui a permis de devenir numéro un, et d’écraser la concurrence. Quand on s’attarde sur ses portraits cubistes, puis ses portraits de femmes, c’est vraiment de la merde. Branché à l’époque, oh, un visage déconstruit (Bacon est meilleur dans le genre), ça traverse mal le temps. Picasso a été où il faut, quand il faut (Paris, centre culturel du monde dans les années 1900), il a capté les modes – l’art nègre –, il est resté dans le coup.
Il a surtout surproduit, car quand on vend, on refait cent fois la même toile. Picasso a fini comme les Stones, en roue libre, à la paresseuse, à vivre sur son acquis et son aura médiatique, sans oublier le coup de pouce de la spéculation (un Picasso, c’est de l’or). Cinquante ans après sa mort, hormis l’interminable guerre de succession, il reste cet éblouissement médiatique qui finira par retomber. Et l’on pourra (re)découvrir les peintres d’aujourd’hui, et même d’hier, qui ont été écrasés par le tam-tam médiatique. L’Infante de Velasquez, c’est autre chose que celle de Picasso.
Picasso déconstruit… mais pour de mauvaises raisons
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation