Kohler et Borne en gilets pare-balles : la stratégie de Macron pour éviter la démission

Kohler et Borne en gilets pare-balles : la stratégie de Macron pour éviter la démission

Alexis Kohler, 50 ans, est depuis 2017 le très discret mais très influent secrétaire général de l’Elysée. Des arbitrages aux grands discours jusqu’aux nominations dans les cabinets ministériels, tout passerait par le double du Président. Le nom de ce brillant haut-fonctionnaire est associé à deux affaires qui ont secoué l’Elysée. Accusé de ne pas avoir dit toute la vérité par la commission d’enquête sénatoriale sur le scandale Benalla, son dossier a été classé sans suite, avant qu’il ne soit rattrapé par la justice dans un autre dossier sensible. Malgré une lettre du Président Emmanuel Macron en personne affirmant qu’Alexis Kohler l’avait bien informé quand il était à Bercy de ses liens familiaux avec le puissant armateur MSC, les juges ont en effet fini par le mettre en examen pour prise illégale d’intérêts.

Ainsi est présenté « Alexis Kohler, l’homme de l’ombre du Président », sujet de l’émission Complément d’enquête de France 2 dont les premières minutes sont disponibles sur YouTube :

Le sujet est visionnable en intégralité (contre création de compte) sur le site de France TV mais les lecteurs d’E&R et de Faits & Documents n’y apprendront quasiment rien de factuel. Si le travail d’exposition du pouvoir opaque et des conflits d’intérêt (l’affaire MSC, du nom de cette multinationale suisse du transport maritime gérée par la richissime famille italienne des Aponte, cousins « éloignés » du juif alsacien Kohler…) du secrétaire général de l’Elysée est correctement effectué, il est de notre devoir de boucher les failles politiques de cette vidéo comme suit :

 de la même manière que Macron s’est dédouané de la gestion de la réforme des retraites en balançant Borne dans Le Point le 23 mars 2023 (« Vous m’avez vendu Élisabeth Borne comme la perle rare, et voilà où on en est ! »), un élément de plus est apporté à ce narratif de défense qui consiste à incriminer les conseillers du Président ;

 or Macron, Kohler et Borne travaillent ensemble de manière rapprochée depuis 2014 (et leur fausse opposition à la privatisation des autoroutes), partagent les mêmes vues néolibérales sur la question de la réforme des retraites et aujourd’hui l’exécutif français est fermement entre les mains de ce trio (Catherine Vautrin n’a évidemment jamais eu sa chance) ;

 l’affaire MSC n’est pas qu’une affaire de conflits d’intérêt : elle débouche sur des problématiques militaires et énergétiques de premier plan via les chantiers de Saint-Nazaire et le port du Havre (d’où l’importance d’Édouard Philippe dans le dispositif macronien) et sur des négociations oligarchiques aux accents communautaires (Kohler a-t-il négocié pour MSC le rachat des activités portuaires et ferroviaires africaines de Vincent Bolloré ?) ;

 l’interview de Jacques Attali en clôture de vidéo nous renseigne un peu plus sur les inquiétudes de l’État profond : l’ubris autoritariste macronien est-il en train de mener le régime à sa perte ? Le pilpoul du conseiller spécial semble attester d’une situation de crise…

Cette stratégie de communication pour calmer la colère suffira-t-elle ? On peut légitimement en douter.

Bonus :
Kohler, MSC et la cocaïne – Comment des trafiquants
infiltrent la compagnie maritime de ses cousins

Alors que MSC devenait une force dominante du commerce mondial, elle est également devenue un canal privilégié de trafic de cocaïne pour les gangs des Balkans. Soupçonné de l’avoir favorisée depuis le ministère des finances, à Bercy, voire depuis le secrétariat général de l’Élysée, Alexis Kohler (qui s’était mis à son service comme directeur financier en 2016-2017), a été mis en examen en septembre dernier pour « prise illégale d’intérêt ». Nous reproduisons ci dessous (en accès libre) une remarquable enquête de l’agence américaine Bloomberg du 16 décembre dernier qui explorait l’infiltration de la compagnie maritime italo-suisse des cousins d’Alexis Kohler par des trafiquants de cocaïne.

Au cours de l’été 2019, Claudio Bozzo, directeur de l’exploitation de MSC (Mediterranean Shipping Co), a parcouru 6 000 km (4 000 miles) de Genève à Washington, DC, pour une réunion avec les douanes américaines et la protection des frontières. Il avait été envoyé par le propriétaire de MSC, un milliardaire discret de 82 ans nommé Gianluigi Aponte, pour contenir une crise.

Quelques mois plus tôt, plus de 100 agents avaient embarqué sur l’un des navires de MSC, le Gayane, alors qu’il entrait dans le port américain de Philadelphie pour ce qui était censé être une escale rapide sur sa route vers Rotterdam. Sous le pont, cachés dans des conteneurs remplis de vin et de noix, les agents ont découvert près de 20 tonnes de cocaïne, d’une valeur d’un milliard de dollars. L’enquête qui a suivi a montré que plus d’un tiers de l’équipage – tous des employés de MSC – avait participé au transfert de vastes quantités de cocaïne depuis des vedettes rapides pendant la nuit, alors que le navire naviguait en haute mer au large de l’Amérique du Sud. Il s’agit de la plus grande saisie de drogue par voie maritime de l’histoire des États-Unis.

« La plus grande saisie maritime de drogue de l’histoire des États-Unis »

Le crime étant si considérable et culotté, les autorités ont pris la décision exceptionnelle de saisir non seulement la cocaïne, mais aussi le Gayane lui-même, un navire de 1 000 pieds (environ 300 mètres) de long d’une valeur de plus de 100 millions de dollars. Lors de sa rencontre avec le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) dans le bâtiment Ronald Reagan, Bozzo s’est excusé pour cette épreuve et a déclaré que les actions de l’équipage l’avaient surpris, selon une personne au courant des événements. Il a fait l’éloge de la croissance de MSC qui, après des débuts modestes, est devenue la plus grande compagnie maritime du monde et a fait comprendre aux fonctionnaires à quel point la famille Aponte prenait au sérieux la responsabilité de gérer une flotte qui représente près de 20 % de l’ensemble du commerce maritime de conteneurs.

Pour les autorités américaines, l’ignorance de la compagnie ne tenait pas la route. Une enquête de Bloomberg Businessweek a révélé que des années avant l’inspection du Gayane, les autorités chargées de l’application de la loi de plusieurs pays surveillaient les navires et les équipages de MSC. Les autorités américaines avaient non seulement suivi le Gayane bien avant qu’il ne pénètre dans les eaux étasuniennes, mais elles avaient également abordé et fouillé plusieurs autres navires de MSC dans le cadre d’une enquête plus large sur un réseau international de trafic de cocaïne qui s’était infiltré dans la société de transport maritime. Grâce aux indices recueillis lors de ces inspections, ainsi qu’aux renseignements collectés en Europe de l’Est, ils ont identifié un puissant cartel des Balkans comme étant à l’origine de ces expéditions massives.

Lire la suite de l’article sur off-investigation.fr

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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