Moscou dénonce l’ordre fondé sur des règles en Europe établi par les États-Unis

Moscou dénonce l’ordre fondé sur des règles en Europe établi par les États-Unis

par M.K Bhadrakumar

La baronne Goldie est une femme politique écossaise expérimentée et pair à vie qui a été chef du parti conservateur écossais de 2005 à 2011 et ministre d’État à la Défense du Royaume-Uni depuis 2019. Elle est tout sauf une party girl comme Liz Truss qui a souvent dû ravaler ses paroles indiscrètes trahissant l’ignorance.

Il est certain que la baronne Goldie a parfaitement compris les implications de ce qu’elle a consigné dans une déclaration écrite à la Chambre des Lords le 20 mars, dans sa réponse à la question apparemment anodine de Lord Hylton : « Demander au gouvernement de Sa Majesté si les munitions actuellement fournies à l’Ukraine contiennent de l’uranium appauvri ».

On peut supposer que le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a tenu le 10 Downing Street informé et, plus important encore, qu’il a consulté son homologue américain, le ministre de la Défense Lloyd Austin, avant que la baronne Goldie ne fasse sa déclaration.

Wallace et Austin sont tous deux des militaires et comprennent pourquoi des munitions contenant de « l’uranium appauvri » sont nécessaires dans la phase actuelle de la guerre par procuration en Ukraine si Kiev veut lancer une « contre-offensive crédible » au printemps, alors que le vent de la guerre a nettement tourné en faveur de la Russie.

De même, les deux parties doivent être bien conscientes que la légalité de l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie reste une question ouverte. En réponse à la campagne de bombardements de l’OTAN, l’ex-Yougoslavie a engagé, le 29 avril 1999, une procédure devant la Cour internationale de justice contre les dix membres de l’OTAN directement impliqués dans l’attaque – Belgique, Canada, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis – en invoquant une série de violations du droit des nations (qui comprend l’obligation de ne pas utiliser d’armes interdites).

Bien que la CIJ ait rejeté la demande de mesures conservatoires de Belgrade, elle s’est néanmoins déclarée profondément préoccupée par le recours à la force en Yougoslavie, qui « dans les circonstances actuelles […] soulève de très graves questions de droit international ». Les affaires portées par la Yougoslavie contre les pays membres de l’OTAN sont toujours inscrites au rôle de la CIJ, bien que le requérant ait été démembré.

Ne vous y trompez pas, Washington et Londres répètent sciemment le crime de guerre en ex-Yougoslavie. L’objectif principal de la clique anglo-saxonne est une escalade calculée de la guerre par procuration qui ne manquera pas d’entraîner une réaction vigoureuse de la part de Moscou, aussi prévisible que la nuit suit le jour.

C’est précisément ce qui s’est passé lorsque le président russe Vladimir Poutine a annoncé samedi que la Russie allait déployer ses armes nucléaires tactiques en Biélorussie. Poutine a lié cette décision à une demande de la Biélorussie en réaction à la déclaration de la baronne Goldie à Londres il y a une semaine.

Plus important encore, Poutine a également fait l’analogie avec les États-Unis qui ont placé leurs armes nucléaires tactiques sur les territoires des pays alliés de l’OTAN pendant des décennies.

L’UE et l’OTAN ont réagi violemment à la révélation de Poutine. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a qualifié dimanche la décision de Moscou d’« escalade irresponsable et de menace pour la sécurité européenne ». Il a menacé d’imposer « de nouvelles sanctions » à la Biélorussie !

Une porte-parole de l’OTAN a qualifié la décision de Moscou de « dangereuse et irresponsable ». Il est toutefois intéressant de noter que l’administration Biden a habilement éludé la question, soulignant au contraire que les États-Unis n’avaient vu aucun signe indiquant que la Russie avait déplacé des armes nucléaires vers la Biélorussie ou ailleurs !

Pour faire bonne mesure, le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, a ajouté : « Nous n’avons en fait vu aucune indication qu’il (Poutine) ait l’intention d’utiliser des armes nucléaires, point final, à l’intérieur de l’Ukraine ».

Mais voilà, Poutine a également précisé que la Russie achèverait d’abord la construction d’une installation de stockage en Biélorussie pour les armes nucléaires tactiques d’ici le 1er juillet.

Kirby se trompe. Quel est le plan de match ? Tout d’abord, la clique anglo-saxonne espère que cette question suscitera un nouvel antagonisme en Europe à l’encontre de la Russie et de Poutine personnellement et qu’elle ralliera les pays européens derrière l’administration Biden à un moment où des lignes de fracture apparaissent au sein de l’alliance transatlantique à propos d’une guerre prolongée en Ukraine qui pourrait s’avérer catastrophique pour les économies européennes.

Washington a du mal à répondre à la remarque de Poutine selon laquelle la Russie ne fait que ce que les États-Unis font depuis des décennies. Le fait est que l’engagement mutuel de ne pas déployer d’armes nucléaires dans des pays tiers était l’une des propositions faites par Moscou à Washington en décembre 2021, au même titre que l’engagement que l’Ukraine ne rejoigne pas l’OTAN. Les États-Unis l’ont ignoré et ont précipité l’opération militaire spéciale russe en Ukraine.

Le nœud du problème est que, comme pour la crise des missiles de Cuba en 1962, la décision russe sur les armes nucléaires tactiques en Biélorussie est une mesure de rétorsion, attirant l’attention sur les missiles des États-Unis stationnés près de ses frontières. (On estime qu’une centaine d’armes nucléaires sont stockées dans des coffres-forts situés dans cinq pays européens : Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Turquie).

Pire encore, les États-Unis pratiquent un arrangement controversé connu sous le nom de « partage nucléaire », en vertu duquel ils installent des équipements nucléaires sur les avions de chasse de certains pays de l’OTAN non nucléaires et forment leurs pilotes à effectuer des frappes nucléaires avec des bombes nucléaires américaines. Et ce, alors que les États-Unis, en tant que partie au traité de non-prolifération nucléaire (TNP), ont promis de ne pas remettre d’armes nucléaires à d’autres pays, et que les pays non nucléaires participant à l’accord de partage de l’OTAN ont eux-mêmes promis de ne pas recevoir d’armes nucléaires de la part des États dotés de l’arme nucléaire !

L’année dernière, l’OTAN a déclaré que sept pays de l’OTAN avaient fourni des avions à double capacité pour la mission de partage nucléaire. Il s’agirait des États-Unis, de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Turquie et de la Grèce. Et tous sont signataires du TNP !

Bienvenue dans l’ordre fondé sur des règles ! Ce qui est parfaitement admissible pour « l’Occident collectif » est interdit à la Russie !

Enfin, la pirouette diplomatique prend une autre dimension : La décision de la Grande-Bretagne d’envoyer des armes à l’uranium appauvri en Ukraine confirme sa réputation d’État le plus imprudent et le moins scrupuleux de toute l’alliance de l’OTAN.

En effet, il ne fait aucun doute que les munitions à l’uranium appauvri sont radioactives et toxiques et que leur utilisation intensive lors des guerres de Yougoslavie et d’Irak a été liée à des malformations congénitales et à des cancers. Elle a été associée au « taux le plus élevé de dommages génétiques dans une population jamais étudiée » à Falloujah, la ville soumise à deux sièges brutaux des États-Unis pendant l’invasion de l’Irak.

Paradoxalement, la toxicité des munitions à l’uranium appauvri a été reconnue par de nombreux pays de l’OTAN et le Parlement européen a demandé l’interdiction de leur utilisation. Alors, que fait la Grande-Bretagne, qui se comporte comme un cas isolé ?

Le cœur du problème est que la Grande-Bretagne crée les conditions en Europe pour baser des bombardiers américains à armement nucléaire en Grande-Bretagne, à Lakenheath dans le Suffolk (qui ont été retirés en 1991 conformément au traité sur les forces nucléaires intermédiaires).

Alors que le mouvement pacifiste britannique est moribond, il faut s’attendre à ce que la riposte russe consistant à déployer des armes nucléaires tactiques en Biélorussie déclenche des appels à une nouvelle escalade de la part des bellicistes et des russophobes. Attendez-vous à ce que les bombardiers des États-Unis retournent à Lakenheath dans un avenir proche.

M.K. Bhadrakumar

source : Indian Punchline

traduction Réseau International
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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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