Le grand retour de la classe ouvrière française…
Tout d’abord, bien qu’aucun commentateur médiatiquement correct ne le signale jamais, cette lutte voit le grand retour de la classe ouvrière en tant qu’avant-garde objective et que fer de lance du mouvement social, un retour qu’avait déjà annoncé la grève dure des raffineurs en novembre dernier. N’en déplaise aux théoriciens révisionnistes qui diluent la classe ouvrière dans « le monde du travail », dans « le salariat » (de l’OS au directeur de la pub d’un trust capitaliste), voire dans « le peuple » (c’est la conception confusionniste que partage la direction petite-bourgeoise de LFI), ce sont les raffineurs, les électriciens-gaziers, les ouvriers des verreries, les cheminots, et, de plus en plus, les ouvriers et employés du grand commerce, les travailleurs de la construction, les salariés de la route, les éboueurs, qui « tirent » la grève reconductible, qui opèrent des coupures de courant ciblées, qui bloquent les zones industrielles et des plateformes multimodales, qui occupent les ronds-points stratégiques et qui appliquent de fait l’une des leçons stratégiques du mouvement des gilets jaunes : un affrontement frontal avec le pouvoir du capital. Ils le font avec des méthodes ouvrières éprouvées, du piquet de grève filtrant aux AG de lutte décisionnaires, ils recherchent l’inter-pro et le « tous ensemble » par-delà les revendications catégorielles, et ils ont souvent à leur tête de véritables leaders prolétariens qui appellent à nouveau un chat un chat : ça nous change de la langue d’acajou des Thibault, Le Paon et autre Le Duigou, sans parler des Berger, Chérèque et autre Notat. On pense par ex. à Sébastien Ménesplier, le malicieux leader de la CGT-Mines/Energie (FNME) : en effet, lorsque l’infect Yves Calvi lui reproche sur son ton habituel d’Inquisiteur de pratiquer l’ « intimidation » en coupant le jus aux députés LR, Ménesplier ne perd pas son temps à convaincre ce fulminant goujat. Il lui répond du tac au tac, sourire narquois en prime, « Appelez ça comme vous voudrez, de toutes façons on le fera !« . Bien entendu, cela signifie affronter les inévitables tentatives de répression de l’Etat bourgeois qui, du reste a déjà lourdement sévi contre des cégétistes d’EDF. Mais la pétoche n’arrête pas ces cégétistes rouges qui, regroupés par ailleurs autour d’Olivier Mateu, le secrétaire de la CGT-13, mènent la contestation interne à la CGT dans la perspective du congrès décisif qui aura lieu très prochainement.
Bref, la classe ouvrière en lutte inflige un camouflet aux anti-léninistes professionnels, y compris à ceux qui ont dénaturé le PCF et qui ricanaient encore il y a peu quand ils entendaient les mots « ouvrier » et « avant-garde » : comme si le travail s’effectuait par magie, sans la médiation du corps humain, dans l’industrie, sur les docks, dans l’énergie, le raffinage, les transports, etc. ; et comme si, dans chaque combat, ceux qui « passent devant », qui tiennent le choc, qui portent le drapeau rouge, qui sonnent la charge, qui affrontent les premiers l’ennemi, qui empêchent les jaunes de rompre le front, ne constituaient pas de fait une avant-garde objective !
Bonne nouvelle en somme pour tous ceux qui, durant ces quarante dernières années de cauchemar révisionniste qui ont vu le PCF et la CGT dériver de plus en plus vers l’euro-alignement, ont tenu bon sur ces notions fondamentales de classe et d’avant-garde en montrant que, si les formes de la lutte changent sans cesse, les fondamentaux de l’affrontement capital/travail resteront en place tant qu’une société socialiste en marche vers le communisme n’aura pas surgi de la transformation révolutionnaire de la société.
… et du prolétariat international !
Comment ne pas voir en outre que ce grand réveil de la classe ouvrière de France va de pair avec un rebond sans précédent des luttes prolétariennes. En Inde, l’année 2022 a vu se dérouler les plus grandes grèves de toute l’histoire humaine puisque des centaines de millions d’ouvriers et de paysans, souvent conduits par des syndicalistes communistes arborant la faucille et le marteau, ont obtenu le retrait des contre-réformes néolibérales de Narendra Modi en bloquant Dehli et les autres grandes villes. En ce moment même, en Grande-Bretagne, et cela depuis le mois d’août et en bravant les lois antigrèves mises en place de Thatcher et de Blair, de grandes grèves frisant la grève générale ont stoppé les transports, très souvent à l’initiative de combatifs syndicalistes rouges dont certains se réclament du marxisme-léninisme. En Italie, les dockers fidèles au combat anti-impérialiste ont plusieurs fois bloqué du matériel militaire destiné au régime de Kiev. Aux EU mêmes, l’économie capitaliste a été secouée récemment par les travailleurs de la logistique (Amazon), de John Deer (matériel agricole) ou par les cheminots contre lesquels Biden a brandi la réquisition.
De plus en plus, le mouvement potentiellement révolutionnaire de la classe ouvrière est la principale alternative à la marche du capitalisme-impérialisme-hégémonisme vers la fascisation, la consolidation du despotique « Etat fédéral européen » voulu par Scholz, et vers la troisième guerre mondiale impérialiste.
Regain sensible des mots d’ordre de rupture
Et de plus en plus on voit réapparaître des mots d’ordre que les directions euro-formatées de la gauche politico-syndicale établie avait ensevelis sous des tonnes de sophismes rosâtres et bien-pensants. C’est par ex. Olivier Mateu qui, dans une entrevue avec I.C., reparle ouvertement du « socialisme à la française« . Or ce mot d’ordre avait été abandonné en 1994 par le PCF (c’est au 28ème congrès que le PCF, où Marchais passa la main à Hue, a ôté de ses statuts la référence au socialisme, au marxisme, à la classe ouvrière, à la socialisation des moyens de production et au centralisme démocratique !). C’est aussi la direction de la CGT qui avait cru bon, pour intégrer la C.E.S. rose-jaune, d’expurger ses statuts de toute référence à la socialisation des moyens de production. I.C. a par ailleurs récemment produit un article signé J.-B. C. prouvant que les campagnes européistes forcenées que subissent le pays et sa jeunesse ont peu d’effet, surtout sur les ouvriers et sur employés qui avaient déjà refusé à 75% la constitution européenne : désormais, une large majorité de Français sondés souhaitent un référendum sur le maintien ou pas de la France dans l’UE. Il est bien clair que si ce maintien leur convenait, ils ne souhaiteraient pas un référendum leur donnant l’occasion d’en sortir (pour peu que son résultat ne soit pas grossièrement violé par la vraie droite et la fausse gauche, comme ce fut le cas du référendum de 2005…) !
C’est d’ailleurs pourquoi Macron pousse les feux du SNU pour que toute la jeunesse soit dressée, le projet est clairement avoué, à se dire « européenne » conformément à la nouvelle campagne menée en anglais par l’UE sur le thème « EU is you ! ». Mais pourquoi le marteler partout si les gens n’abhorraient pas de plus en plus ce « machin » dangereux qui pousse aux guerres et qui orchestre la casse sociale à l’échelle du continent ?
Comme souvent, il faut savoir tenir bon à contre-courant. C’est ce qu’a fait depuis 2004, longtemps seul à gauche, le PRCF (avec la stratégie des « quatre sorties », de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme). Ainsi accomplit-on un difficile travail d’avant-garde qui finit par payer quand chacun finit par voir que l’UE fusionnée à l’OTAN ne signifie pas la paix mais la guerre mondiale, ou que la contre-réforme des retraites n’est rien d’autre qu’un moyen primitif mis en oeuvre par Macron pour tenir dans les clous des 3% impliqués par l’euro tout en augmentant les dépenses d’armement. Un jour, tous les blablas des faux-culs qui déclarent qu’ »on ne peut rien faire en restant dans l’UE », mais qui ajoutent aussitôt « je suis contre le frexit », s’écroulent sous les coups de boutoir de la réalité conjugués aux explications des vrais communistes.
Elle arrive la crise politique de légitimité du régime Macron !
Car le scénario de la crise de régime qui vient est déjà écrit : utilisant tous les verrous antidémocratiques, type 49/3, que lui offre la Cinquième « République », contournant la séparation des pouvoirs dont se réclament, pour la frime, les néolibéraux, refusant grossièrement de recevoir l’Intersyndicale au risque d’humilier la sacro-sainte CFDT d’ordinaire si servile, multipliant les artifices règlementaires pour museler les débats parlementaires et « tenir » son propre groupe parlementaire, Macron compte passer en force et accomplir « quoi qu’il en coûte » sa mission de classe : maintenir à tout prix le budget français dans les 3 % des critères de Maastricht indispensables à la survie de la funeste « monnaie unique ». Et pour cela, le proconsul élyséen de la BCE tape sans retenue sur les actifs, les retraités et les chômeurs tout en lançant un programme de surarmement géant. 49/3 ou équivalent, on ne va pas y couper si bien que, même un réformiste timoré comme le président de l’UNSA s’exprimant sur France-Culture le 10 mars, annonce en tremblant que, du fait de l’entêtement de Macron, la crise sociale va inévitablement se doubler d’une crise de légitimité politique. Crise qu’I.C. avait annoncée dès la reconduction de Macron (pour la seconde fois élu, non sur son programme, mais sur le rejet encore majoritaire – pour combien de temps ? – de Le Pen) et surtout, depuis l’abstention majoritaire du second tour des législatives 2022 : 60% des Français ont alors boycotté ce simulacre (car l’élection quasi simultanée du président et des députés réduit structurellement le Parlement à un rôle de figuration), et près de 80% des ouvriers sont restés chez eux si bien que Fadi Kassem, secrétaire national du PRCF, pouvait alors déclarer à juste raison que la France deviendrait vite « ingouvernable »…
En bref, ce sénat majoritairement LR, et truffé de gras notables nantis et viscéralement hostiles au mouvement ouvrier, et ces députés qui soutiennent une contre-réforme abhorrée par les 2/3 des Français et par les 9/10èmes des actifs, ne représentent plus qu’eux-mêmes… et ça finit par se voir ! Dès lors on comprend l’intérêt des manifestants quand ils entendent les militants véritablement républicains, au sens robespierriste du mot, du PRCF scander le slogan « Députés qui vot’ rez, cette salop’ rie, vous mettez le coup d’ grâce / A la démocratie » ou encore « C’est pas au patronat (variante : à Ursula) de faire la loi, la vraie démocratie elle est ici« . Mais il est plus que douteux que, une fois la contre-réforme entérinée à l’arrache, la contestation prolétarienne se rangera sagement à la PSEUDO démocratie parlementaire discréditée alors que, derrière la question des retraites, vont se poser celle des salaires rognés par l’inflation, celle des services publics exsangues, et plus politiquement, celle de la mise à la raison d’une oligarchie politico-médiatico-militaro-financière qui se comporte de plus en plus comme l’aristocratie nobiliaire croyait encore pouvoir le faire à la veille de la première Révolution française. Dès le mois de mai 2022, l’édito d’I.C. annonçait une « grande explication » prochaine entre le peuple travailleur, conduit par la classe ouvrière, et le régime oligarchique Macron menant la guerre sociale contre son propre peuple tout en préparant le « conflit de haute intensité » engagé par l’UE-OTAN contre l’entente Chine-Russie. Marche à la guerre mondiale agrémentée de fascisation continentale et d’évaporation finale de l’Etat-nation français en crise explosive, ou bien marche à la grève générale et, plus globalement, au soulèvement du peuple travailleur conduit par la classe ouvrière, avec à la clé la remise en cause radicale de l’UE-OTAN et du capitalisme : nous marchons à grands pas vers une bascule historique. Soit l’oligarchie euro-atlantiste centrée sur le CAC-40 emporte ce bras de fer de longue haleine et il faudra se faire des cheveux pour les acquis subsistants, pour la paix mondiale et pour l’existence même de la Nation, soit le peuple travailleur emmené par les prolétaires amplifie le mouvement malgré le coup de force qui se prépare, et la crise de régime viendra très vite ; car « ceux d’en haut ne pourront plus gouverner comme avant », tandis que « ceux d’en bas ne voudront plus être gouvernés comme avant » (Lénine).
De plus en plus, cela exige la clarté politique absolue et la rupture des compromis bancals : sans cette clarté absolue, analogue à celle que durent pratiquer les congressistes communistes de Tours quand ils rompirent avec la SFIO, la classe ouvrière ne pourra pas se doter à nouveau d’un parti communiste de combat affranchi des satellites mutants de la social-eurocratie, d’un syndicalisme rouge à nouveau conquérant, ni construire un large front antifasciste, patriotique, pacifique, populaire et écologiste capable de fédérer les couches exploitées et les couches moyennes pour rouvrir en France la voie du socialisme-communisme de nouvelle génération tout en impulsant l’Europe des luttes ouvrières, démocratiques, antifascistes et pacifiques.
C’est à quoi, sans cesser de tendre la main aux communistes qui veulent vraiment s’émanciper des appareils euro-formatés et OTAN-compatibles, travaillent avec un écho grandissant, le PRCF et la JRCF.
Georges Gastaud, directeur politique d’Initiative communiste
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir