Un texte de Jérémie Laliberté
La modernité ne nous laisse pas le loisir d’esquiver la question du sens de la vie. Il est si facile de se représenter l’humanité comme une colonie de fourmis s’agitant sur un caillou qui flotte dans le vide. Après tout ce que la science a démystifié, n’est-il pas naïf de croire en un sens transcendant? N’est-ce pas là qu’un vestige des superstitions de nos aïeux? Ces questions ont de quoi déstabiliser, mais savez-vous ce qui peut les rendre encore plus épineuses?
La puberté.
Pour plusieurs, l’adolescence est la découverte que les parents ne sont pas tout-puissants, que l’amour peut blesser, que l’injustice et la souffrance — voire la tragédie et la mort — sont inévitables. Pouvons-nous alors en ajouter sur les épaules des jeunes en les exhortant à se retrousser les manches, à prendre des responsabilités et à devenir adultes, alors que nous-mêmes n’avons pas toujours réglé ces questions?
Oui. Nous le pouvons, et nous le devons.
C’est que le sens de la vie n’est pas une idée, c’est un vécu. Il est difficile à formuler, car il est surtout une expérience. La question fondamentale du sens est « Qui suis-je et à quoi suis-je voué? », et la réponse ne flotte pas dans le ciel des idées. Elle se découvre au cœur de nos relations avec les autres et le monde. Il faut donc inévitablement poser un acte de foi, sans tout comprendre, avant de se surprendre à y trouver du sens.
« Maître, où demeures-tu? », demandaient les disciples de Jean à Jésus. « Venez, leur dit-il, et voyez. » (Jn 1, 38-39)
Pour éviter d’abandonner nos adolescents au doute existentiel, nous devons donc les aider à se mettre en marche. Et si mon expérience me fait dire que c’est bien le Seigneur qui nous montre la voie, ce dernier n’a tout de même d’autres pieds et mains que les nôtres — bien pauvres — pour entrainer les jeunes à sa suite. Par où donc commencer ?
Les projets : berceaux du sens
D’abord, rien de mieux que de relever des défis ensemble. Expéditions en canot, troupes de théâtre, équipes sportives, Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), bénévolat et corvées familiales au chalet sont autant d’occasions de vivre une expérience signifiante. Que le contexte soit explicitement chrétien ou non, les adultes accompagnateurs de ces groupes ont l’occasion — et donc la responsabilité — de nourrir la quête de sens des adolescents.
Au coeur de ces projets, les aventures partagées ensemble créent d’emblée une certaine fraternité, mais ce qui soude vraiment le groupe, ce sont les occasions où chacun peut être vulnérable et exprimer ses épreuves et ses joies, ses craintes et ses aspirations. Pour plusieurs, prendre conscience qu’ils peuvent être authentiques et que d’autres vivent les mêmes réalités est une grande libération.
Responsabilité, service et autonomie
Inviter les jeunes à volontairement se mettre au service des uns et des autres et les responsabiliser — par exemple, en prenant les décisions importantes du projet avec eux — leur permet de découvrir la fierté d’être acteurs du bien commun.
« Prenez mon joug sur vous […] et vous trouverez du repos pour vos âmes. […] Car mon fardeau est léger », dit le Seigneur. (Mt 11, 29-30)
Rien ne peut remplacer pour un adolescent l’élan donné par le fait de se savoir reconnu dans toute son unicité.
Le propre de la jeunesse est de chercher une cause noble à laquelle se vouer corps et âme. La croix des responsabilités qui pèse si lourd sur ceux qui apprennent à devenir adultes peut paradoxalement devenir cette aventure héroïque de sacrifice de soi par amour qui allège le fardeau existentiel.
Reconnaissance et amour
Finalement, rien ne peut remplacer pour un adolescent l’élan donné par le fait de se savoir reconnu dans toute son unicité. Cela passe par une écoute attentive et sans jugement, le soulignement des bons coups et la considération de sa spécificité.
« Lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu » (Jn 1, 48), disait Jésus à Nathanael.
Cela prend tout son sens lorsque l’adolescent fait un faux pas, vit un échec ou même sabote volontairement l’activité. Avec l’aide du ciel et beaucoup de miséricorde, ce passage difficile peut se faire l’occasion pour le jeune de découvrir qu’il est aimé même lorsqu’il est imparfait ou peu aimable. Une telle expérience a le potentiel de transformer le regard qu’il pose sur lui-même et être vécue comme une réelle résurrection.
Là se trouve, il me semble, le réel sens de notre rôle d’adulte: être le reflet — bien imparfait — de l’amour du Père qui cherche à révéler ce qu’il y a de sacré en chacun des jeunes qui nous sont confiés.
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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