Par Ron Unz − Le 30 janvier 2023 − Source Unz Review
Jusqu’il y a un an ou deux, je n’avais jamais prêté attention au mouvement anti-vaccins, qui ne faisait l’objet d’un traitement dans la presse que de manière occasionnelle. Ce mouvement semblait être composé d’une petite frange de femmes agitées vivant dans des banlieues chics, entretenant une crainte morbide de faire du mal à leurs bébés en les vaccinant, au travers de l’autisme ou d’autres handicaps graves. Je considérais ce mouvement dans sa quasi-totalité comme un culte excentrique que je reléguais au même rang que les Scientologues ou les adeptes des phénomènes OVNI.
Tout cela a changé en 2020, lorsque l’épidémie massive de Covid a amené l’administration Trump à proposer à grande échelle des injections de vaccin à ARN messager, qui furent produits sans avoir subi les essais cliniques normalement étalés sur des années. Au vu de la nouvelle technologie employée — qui pirate de fait la machinerie cellulaire du corps pour qu’elle produise des portions de la protéine de pointe — et du peu de tests réalisés, il n’est guère surprenant que de nombreuses personnes aient eu peur de ces injections. Et des bruits plausibles se mirent à courir, voulant que la campagne médiatique intense lancée contre les traitements alternatifs du Covid s’appuyant sur l’hydroxychloroquine et l’ivermectine avait en réalité été orchestrée, et visait à garantir que l’absence de médicament alternatif permettrait au gouvernement de faire usage de ses prérogatives d’urgence pour déployer les vaccins du Covid sans suivre le processus de test normalement beaucoup plus long. Ce projet de vaccination soutenu par le gouvernement avait fait augmenter la capitalisation boursière des grands fabricants de vaccins de centaines de milliards de dollars, ce qui avait provoqué des soupçons raisonnables parmi les observateurs sceptiques.
Aussi, en 2021, notre site internet était envahi par des vagues de militants antivax, et un grand nombre de nos auteurs et commentateurs se sont également forgé une opinion très tranchée sur le sujet, parfois pour ne plus en aborder aucun autre, une situation qui m’a fortement énervé. Leurs tollés sauvages voulaient que les vaccins à ARN messager allaient tuer des millions de gens — ou même des milliards — peut-être dans le cadre d’un complot diabolique mené par Bill Gates pour dépeupler la terre. Cela m’est apparu comme totalement grotesque, et je l’ai dit et répété, ce qui a provoqué une colère féroce.
Mon sentiment était que leur préoccupation fondamentale, concernant l’utilisation à grande échelle d’une technologie médicale relativement peu testée, pouvait avoir quelque mérite. Mais dans l’ensemble, le risque apparaissait comme plus faible que la dangereuse épidémie de Covid que la campagne de vaccination comptait enrayer, au moins si l’on en croyait l’écrasante majorité des professionnels de la santé. Étant donné mon manque d’expertise sur le sujet, c’était tout ce que j’avais à en dire. C’est donc ce que j’ai fait, et j’ai détourné mon attention du sujet et espéré que les choses se passent au mieux.
Heureusement, deux années de données statistiques semblent à présent indiquer que l’establishment médical ne s’était pas trompé dans l’ensemble, et que les critiques acerbes s’étaient quant à eux fourvoyés. Dans plusieurs articles récents, j’ai démontré que dans de nombreux pays, le nombre de décès par vaccin, au sein de la population non-âgée, semble être assez bas pour être quasiment invisible, trop petit pour que l’on puisse le remarquer en observant les statistiques de mortalité. Les anti-vaccins affirment souvent que les vaccins sont responsables d’une grande vague de décès soudains parmi les populations jeunes et les athlètes ; mais les faits suggèrent que ces décès découlent bien plus probablement de conséquences persistantes d’infections au Covid que des vaccins conçus pour combattre le virus, comme je l’ai discuté au sein de plusieurs articles récents :
Vaxxing Deaths or Covid Deaths?
Ron Unz • The Unz Review • 2 janvier 2023 • 3,300 MotsObesity and the End of the Vaxxing Debate?
Ron Unz • The Unz Review • 9 janvier 2023 • 2,800 MotsVaccination, Covid et taux de mortalité internationaux
Ron Unz • The Unz Review • 23 janvier 2023 • 4,500 Mots
Il n’est certes pas impossible que les conséquences à long terme des injections d’ARN messager puissent se révéler néfastes, mais pour l’instant, peu de choses semblent l’indiquer, et c’est le mieux que nous puissions conclure à ce stade.
Dans une vaste mesure, les préoccupations sur les vaccins anti-covid à ARN messager en sont arrivées à définir le mouvement antivax actuel, au point qu’elles semblent constituer le centre d’attention de 95 à 98% de l’ensemble des antivax énervés que j’ai pu côtoyer au cours des deux dernières années. De fait, nombre de ces activistes ont explicitement affirmé qu’ils se sentiraient nettement plus à l’aise avec les vaccins anti-covid plus traditionnels produits par la Russie ainsi que par plusieurs autres pays. Même si je suis certain que la plupart des antivax originels de 2019 sont toujours sur le qui-vive, leur proportion s’est réduite à une petite majorité au sein du mouvement qu’ils ont jadis fondé.
Pourtant, ces premières préoccupations sur les vaccins continuent de faire sentir ci et là leur présence, et il y a quelques mois, j’ai reçu un livre précisément consacré à ce sujet au sens large, publié sous les auspices de l’organisation Robert F. Kennedy Jr.’s Children’s Health Defense. Il avait été publié originellement en 2019, bien avant que quiconque ait entendu parler du Covid ou de Wuhan, et il n’avait rien à voir avec ces sujets, mais traitait de la controverse originelle sur les vaccins. Les auteurs en sont anonymes — on peut penser qu’il s’agit d’un couple de médecins israéliens — et leurs travaux avaient au départ été publiés dans leur pays, mais ils sont désormais disponibles en langue anglaise. Outre quelques graphiques, le contenu est exclusivement constitué de texte, et le titre est intriguant : Turtles All the Way Down. Après avoir conclu que les vaccins à ARN messager anti-covid radicalement nouveaux apparaissaient sans doute comme inoffensifs, quelle était la probabilité que les vaccins traditionnels utilisés depuis des décennies soient vraiment dangereux ?
Mais au début du mois d’octobre, j’ai écouté l’interview réalisée par Kevin Barrett de Zoey O’Toole (fichier mp3, en anglais, ici), l’une des éditrices de l’édition étasunienne de Turtles. À ma très grande surprise, elle est apparue comme tout à fait rationnelle et persuasive, a mis en avant des points parfaitement raisonnables, et a soulevé des sujets importants que je n’avais jamais examinés jusqu’alors, si bien que j’ai consacré deux jours à lire ce livre.
J’ai vraiment été impressionné. La plupart des anti-vaccins Covid que j’avais croisés sur l’Internet se laissaient emporter à prononcer des accusations débridées et très douteuses, faisaient mention de morts en grands nombres, mais je n’ai guère trouvé de grandiosité de cette nature dans la discussion extrêmement sobre étalée sur les 500 pages de cet ouvrage.
Bien que le style et les affirmations factuelles soient de fait relativement contraints, le livre constitue à de nombreux égards un critique bien plus radical envers les vaccins que tout ce que j’avais pu trouver jusqu’alors, et il pratique une attaque frontale contre le rôle traditionnel des vaccins dans la médecine moderne. Turtles vise à renverser ce que la plupart d’entre nous avons cru savoir sur ces mesures établies de santé publique, et je n’ai guère été surpris que les auteurs aient préféré tenir secrète leur identité, par crainte de représailles professionnelles. Selon l’avant-propos de l’édition étasunienne du livre, quelques mois après sa publication originelle, le livre avait reçu une critique des plus favorables au sein du premier journal médical israélien, mais les universitaires d’expérience qui en avaient fait l’éloge se sont ensuite fait incendier par un establishment médical qui n’était pas prêt à remettre en question directement la substance du texte de l’ouvrage. La couverture du livre est garnie des longues recommandations écrites par une dizaine de professionnels de la santé et autres universitaires, un soutien qui me suffit largement pour prendre le livre au sérieux et lui accorder une certaine attention. Il y a à peine plus d’un an, j’avais été stupéfié par le contenu du best-seller écrit par Kennedy, numéro un sur Amazon, et depuis lors j’ai fait preuve de bien plus de prudence avant d’accepter la sagesse conventionnelle de l’establishment médical.
Turtles livre quelque 1200 références, qui remplissent les 273 pages d’un document en ligne mais, comme pour le livre de Kennedy, je n’ai pas essayé d’en vérifier un seul, en partie parce que je ne dispose pas de l’expertise technique pour le faire correctement. Selon les éditeurs, les affirmations produites par les auteurs n’ont pas été réfutées facilement au cours des trois années écoulées depuis sa publication. Sans prendre la moindre position sur les sujets abordés, je vais faire de mon mieux pour résumer certains de leurs arguments centraux, et j’encourage le lecteur intéressé à lire le livre et à se forger sa propre opinion.
Un thème central des antivax est que nombre des vaccins qu’ils critiquent ont de fait présenté de graves effets indésirables, provoquant parfois davantage de dégâts que de bénéfices, et j’avais toujours été très sceptique face à cette affirmation. Après tout, je savais qu’avant leur mise à disposition auprès du grand public, les nouveaux vaccins doivent normalement traverser une longue période d’essais cliniques, qui les soumet à des tests randomisés, en double-aveugle, face à des placebos. Mais le tout premier chapitre de Turtles affirme que ce point est un mythe et une tromperie.
Selon les auteurs, ces essais menés sur les vaccins sont menés non pas face à de véritables placebos comme des solutions salines, mais uniquement face aux vaccins précédemment approuvés. Aussi, un nouveau traitement est considéré comme sûr si son taux d’effets indésirables n’est pas pire que celui des versions précédemment approuvées, mais n’est pas qualifié face à une absence totale de traitement, une approche illogique qui ne semble guère présenter de sens. Ainsi, l’efficacité et la sûreté supposées des vaccins actuels ne sont établies que relativement à une longue suite de vaccins les ayant précédés, qui s’étale souvent sur des décennies, et c’est cela qui constitue la métaphore « Turtles All the Way Down » présentée dans le titre de l’ouvrage. Ce type d’affirmation très simple et factuelle semble peu propice à être affirmé s’il n’est pas factuellement vérifié.
Chose assez surprenante, le taux de tests d’effets indésirables est parfois tout à fait significatif. Par exemple, durant les essais cliniques du vaccin Prevnar, l’état d’environ 6 % des 17 000 nourrissons qui ont subi le test a nécessité des visites médicales d’urgence, et celui de 3 % d’entre eux a exigé une hospitalisation. Mais comme le vaccin précédent utilisé pour établir la comparaison présentait des taux tout aussi élevés d’effets indésirables, Prevnar a été considéré comme sûr et efficace, un verdict choquant.
Il est également arrivé qu’aucune version approuvée du vaccin n’ait été disponible pour servir de base à un test par comparaison, et l’on pourrait naturellement supposer que le seul choix possible serait d’utiliser un vrai placebo comme une solution saline. Mais Turtles révèle que dans cette situation, une version délibérément dégradée du même vaccin est administrée à l’autre moitié de la population qui subit le test, c’est-à-dire un produit qui n’apporte aucun des bénéfices attendus, mais contient sans doute les mêmes effets indésirables. La justification la plus plausible de cette étrange méthodologie serait de masquer l’existence de ces effets indésirables, et d’ainsi s’assurer que le vaccin soit approuvé.
Turtles résume cette situation révoltante en affirmant que chaque année, des dizaines de millions de doses de vaccins sont administrés à des nourrissons et à des bébés aux États-Unis, et que pas un seul de ces produits n’a jamais été testé lors d’essais cliniques face à un placebo inerte. Rien de tout ceci n’établit que l’un ou l’autre de ces vaccins soit dangereux, mais cela en soulève sans aucun doute la possibilité de manière très sérieuse. Un aveugle peut piloter un avion sans forcément l’écraser au sol, mais il a sans doute de bien plus grandes chances de s’écraser qu’une personne disposant du sens de la vue.
Après qu’un vaccin a réussi ses essais cliniques et a été approuvé pour l’utilisation dans la population générale, tout problème qui pourrait apparaître est supposé être géré par le VAERS, le « Vaccine Adverse Events Reporting System », dont le nom implique qu’il joue un rôle pour alerter l’attention des autorités de santé publique sur tout problème de cette nature. Turtles consacre un chapitre entier à ce système, que les auteurs décrivent comme très mal conçu et tout à fait indigne de confiance.
En particulier, le système de signalement est complètement basé sur le volontariat, si bien que les professionnels de la santé ne sont pas obligés de remplir des rapports au sujet des effets indésirables qu’ils ont pu croiser, même ceux qui impliquent les réactions les plus graves. Ce point suggère que les signalements sont possiblement largement en sous-nombre par rapport aux problèmes rencontrés, et dans le même temps, n’importe qui peut produire des rapports faux ou trompeurs, sans le moindre processus de vérification.
Il s’ensuit que les données récoltées par VAERS sont statistiquement douteuses, et sans doute très peu fiables, et les auteurs expriment leur méfiance vis-à-vis des raisons pour lesquelles des défauts aussi énormes, au sein d’un système apparemment aussi vital, ont pu rester irrésolues durant des décennies. Ils soupçonnent que ces failles sont peut-être délibérées, et visent à dissimuler les dangers des vaccins que le système est supposé surveiller.
Les auteurs admettent que le lecteur sceptique peut trouver difficile à croire que les effets indésirables d’un produit aussi largement distribué que les vaccins puissent être restés dissimulés durant des décennies, et ils s’autorisent par conséquent à plonger dans l’histoire passée de l’épidémiologie. Ils notent que le cancer du poumon, jadis extrêmement rare, est apparu subitement au début du XXème siècle à peu près en même temps que fumer la cigarette s’est répandu, et que ce phénomène s’est reproduit dans de nombreuses populations. Mais quoique les scientifiques se missent à pointer du doigt la connexion possible et les preuves statistiques qui soutenaient le lien entre les deux phénomènes, la relation de causalité est restée l’objet d’un âpre combat durant des décennies, en partie à cause de la puissance et de la richesse de l’industrie du tabac. Turtles suggère qu’il faut conserver à l’esprit cette histoire tragique, qui a amené à la mort prématurée de millions de victimes du cancer du poumon, lorsque l’on examine le sujet de la sûreté des vaccins.
À la fin des années 1990, de nouvelles questions sur la sûreté des vaccins se mirent à apparaître dans la littérature scientifique, notablement la publication, en 1998, d’une étude extrêmement controversée au sujet de la sûreté des vaccins ROR (rougeole, oreillons et rubéole), réalisée par le docteur Andrew Wakefield et ses collègues du Lancet, un journal médical de premier plan. En outre, l’apparition de l’Internet avait permis pour la première fois à des personnes ordinaires de partager leurs vécus et leurs préoccupations, et de s’organiser pour enquêter sur ces sujets.
Mais selon Turtles, la réponse de l’establishment des vaccins a été de publier une suite d’études pour mettre de côté ces préoccupations, des études dont les auteurs affirment qu’elles étaient gravement percluses de défauts, de biais, et peut-être même écrites sous le joug de la corruption, mais qui n’en furent pas moins lourdement promues par l’establishment médical et ses serviles alliés dans les médias. Ils consacrent la plus grande partie d’un long chapitre à l’analyse de cinq de ces études majeures avec moult détails, et notent que certaines des études les plus influentes contiennent des erreurs qui semblent grièvement mettre en doute leur crédibilité. Chose tout à fait remarquable, les données brutes présentées dans l’une des études les plus importantes, l’étude Madsen de 2002 sur les enfants danois, semblait de fait soutenir la conclusion opposée, suggérant que le vaccin présentait bel et bien des effets indésirables dangereux, mais divers « ajustements » statistiques douteux avaient été employés pour produire le résultat rassurant désiré.
À ce stade, les auteurs soulèvent une question extrêmement simple. Le moyen le plus facile et le plus convaincant de démontrer que les vaccins sont bel et bien sûrs et bénéfiques, et ne présentent que de rares effets secondaires indésirables, serait évidemment de mener une vaste étude d’essais randomisés, comparant le total des conséquences sur la santé de personnes vaccinées, et non vaccinées, chose qu’ils appellent une étude « Vaccinated vs. Unvaccinated » (VU). Pourtant, selon Turtles, aucune étude de cette sorte n’a jamais été menée : « Il semble inexplicable qu’aucune étude VU n’ait été lancée par l’establishment vaccinal durant autant d’années. »
De fait, il existe des populations significatives, comme les Amish, qui ont renoncé aux vaccinations, et dont on pourrait facilement comparer les résultats de santé par rapport à un groupe type de la population publique vaccinée, et Turtles note des remarques plutôt gênantes à cet égard. Une enquête journalistique a établi que le taux d’autisme parmi les Amish ne constituait qu’une toute petite fraction de celle de la population générale, et l’on retrouve la même absence d’autisme parmi les enfants vivant en Israël mais nés en Éthiopie, et non-vaccinés, alors que leurs frères et sœurs nés en Israël sont affectés par un taux d’autisme normal. Un schéma semblable se présente avec les familles d’immigrés somaliens dans le Minnesota ainsi qu’en Suède. Étant donné que ces préoccupations sur l’autisme provoqué par vaccin constituent depuis des années un point de rupture parmi les activistes opposés aux vaccins, il apparaît comme très douteux que les autorités de santé publique n’aient pas voulu répondre par une vaste étude VU pour régler ce sujet une bonne fois pour toutes.
On a demandé de manière répétée des études VU de cette nature, mais la réponse habituelle de l’establishment médical a été de balayer la proposition en la qualifiant de non-éthique, en affirmant que cela reviendrait à refuser à un vaste groupe d’enfants l’accès aux bénéfices de la vaccination ; mais cela constitue une absurdité évidente. Une étude non-randomisée pourrait être basée sur des groupes non-vaccinés, ou une étude rétrospective pourrait s’appuyer sur les historiques de santé des grands nombres d’enfants qui n’ont pas été vaccinés par le passé. Turtles note que 0,8 % de tous les enfants étasuniens sont aujourd’hui totalement non-vaccinés, ce qui constitue une population de 30 000 sujets potentiels pour chaque année de naissance, et il note qu’en Australie ce pourcentage s’établit à 1,5 %. Ces données livreraient évidemment des nombres tout à fait suffisants pour déterminer avec certitude les bénéfices pour la santé des vaccinations. Mais d’autres excuses troubles ou totalement douteuses continuent d’être émises pour ne pas les mener.
Pourquoi donc trouve-t-on une opposition aussi forte à la tenue d’une vaste étude VU ? Turtles propose une réponse simple à cette interrogation.
Il ne peut exister qu’une seule explication : les résultats seraient fortement marqués en faveur des non-vaccinés.
(le texte est en gras dans l’ouvrage).
Les auteurs avancent que des études de ce type ont presque certainement été menées, probablement à de multiples reprises, mais que les résultats n’en ont jamais été divulgués au public, car ils étaient orientés dans la mauvaise direction. Après tout, les données sont accessibles depuis de nombreuses années aux autorités gouvernementales, et il semble inconcevable qu’aucune analyse n’ait jamais été menée, il semble bien plus probable que les résultats n’en aient jamais été publiés. Je ne peux pas me prononcer avec certitude sur l’idée que les auteurs ont raison sur ce point, mais je pense que leurs doutes très profonds sont à tout le moins extrêmement fondés.
La seconde moitié de l’ouvrage s’intéresse à une perspective historique plus large, à savoir ce qui est décrit par les auteurs comme les « mythes fondateurs » de la santé publique, surtout le rôle supposément crucial que les innovations médicales comme les vaccins ont joué en nous libérant des maladies mortelles du passé. Durant presque toute ma vie, j’avais toujours vaguement accepté ces idées, et je ne les avais jamais remises sérieusement en question.
Les auteurs relatent une histoire très différente. Ils expliquent qu’à partir du début des années 1960, le Dr. Thomas McKeown, un médecin britannique et chercheur universitaire de premier plan, ainsi que ses collègues, avaient publié une suite d’articles révolutionnaires qui parvenaient à faire peser le doute sur ces hypothèses, et notaient que les immenses réductions de la mortalité des maladies infectieuses en Grande-Bretagne avait en réalité précédé depuis longtemps l’introduction des vaccins ou d’autres traitements médicaux comme les antibiotiques. Plutôt que cela, les réductions brutales de mortalité par maladie ont en très grande partie découlé des améliorations très importantes en matière d’hygiène publique et privée, une conclusion surprenante confirmée ensuite également aux États-Unis. Ils illustrent ces faits par plusieurs graphiques des plus éloquents.
Entre autres facteurs, les changements en matière de technologie de transport, comme le remplacement du cheval par l’automobile, ont eu un impact considérable, un cheval produisant en moyenne 11 kilogrammes de crottin par jour, dont une grande partie se trouvait épandue dans les rues des villes. La dépendance qui existait dans les villes envers le cheval produisait d’autres dangers : la ville de New York dut pour la seule année 1880 évacuer 15 000 carcasses de chevaux de ses rues. Dans le même temps, la réfrigération a fortement réduit la consommation de nourriture pourrie ou avariée, et les avancées en matière de nutrition ont amélioré la santé des gens.
Les auteurs soulignent que quarante ans après que McKeown et ses alliés produisirent cette « révolution conceptuelle », les autorités sanitaires de premier plan ont pleinement reconnu l’importance relative de ces divers facteurs. Un rapport produit par l’American Institute of Medicine affirme que
le nombre d’infections empêchées par l’immunisation est en fait très faible en comparaison du nombre total d’infections empêchées par d’autres interventions hygiéniques comme l’eau propre, la nourriture saine, et les conditions de vie assainies.
Mais bien que la communauté académique ait absorbé ces faits, ils n’ont toujours pas été répandus largement, et on ne leur a pas accordé l’attention qu’ils méritent. Par exemple, la plupart des publications du CDC (« Center for Disease Control ») continuent d’insister lourdement sur le rôle central de la vaccination, ce qui conduit à une ignorance importante au sein du grand public. Selon Turtles,
le consensus scientifique au sujet du rôle mineur joué par les vaccins pour réduire la charge des maladies infectieuses s’est transformé en une sorte de « secret public » dans les cercles scientifiques et médicaux : chacun connaît la vérité, mais nul ne daigne la partager avec le public.
Turtles reconnaît librement que certaines maladies majeures ont été en grande partie éliminées par les vaccins, notablement la variole, et également le fait que les vaccins ont joué un rôle important pour réduire la morbidité d’autres maux très répandus comme la rougeole, voire leur mortalité.
Mais ces exemples de réussites peuvent également soulever des questions compliquées et cachées. Au moment même où l’inoculation à grande échelle de vaccins a permis d’éliminer divers maladies infantiles contagieuses mais non mortelles, d’autres changements importants se sont produits en matière de santé publique, parfois très négatifs. Par exemple, des maladies chroniques et incurables, comme l’asthme, l’autisme, et le Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) se sont mis à apparaître pour la première fois en nombres importants, ou en présentant une forte croissance, avec un impact négatif dépassant bientôt largement la diminution des maladies infectieuses. Malgré cela, la plupart de ces maladies chroniques n’ont guère fait l’objet d’attention de la part du CDC ou d’autres organisations de santé orientées vers les maladies infectieuses, qui préfèrent continuer de garder leur attention sur l’éclat atténué de la rougeole ou des oreillons, alors que les millions d’enfants qui souffrent désormais de maladies chroniques reçoivent nettement moins d’attention. Turtles émet le doute très gênant qui suit : ces deux tendances divergentes sont peut-être bien directement reliées, ce qui suggère une fois de plus que des études à vaste portée devraient explorer les liens possibles entre ces nouvelles maladies chroniques et les vaccins qui ont été introduits au cours de la même période.
Enfin, l’une des principales justifications aux campagnes de vaccination massive et obligatoire a résidé dans le rôle de l’« immunité de groupe » pour protéger le public de l’infection, mais les auteurs affirment que pour la plupart des vaccins, la situation est nettement moins établie que l’on ne le suppose habituellement. Les vaccins sont souvent nettement moins efficaces à empêcher l’infection ou la transmission qu’à réduire grandement les symptômes de la maladie. Mais cela n’empêche en rien des porteurs vaccinés de transmettre l’infection aux autres aussi facilement que les non-vaccinés, ce qui élimine le bénéfice social qui pourrait justifier ces obligations de vaccination. Dans la mesure où cela est vrai, les exigences de vaccination apparaissent comme injustifiées, même dans le cas de vaccins fortement bénéfiques.
Turtles présente l’ensemble de ces sujets de vaccination et de santé publique d’une manière relativement prudente, et quoique j’ai trouvé une grande partie des informations tout à fait surprenantes, presque aucune d’entre elles n’a suscité de ma part le moindre sentiment d’incrédulité. Cependant, l’avant-dernier chapitre du livre est de loin le plus conséquent, puisqu’il occupe presque le quart de l’ensemble de l’ouvrage, et son contenu est nettement plus choquant. Je soupçonne que l’auteur l’a volontairement positionné près de la fin afin que les premiers chapitres aient déjà adouci le scepticisme du lecteur, dans l’objectif de limiter la probabilité que ces éléments explosifs soient simplement écartés sans examen. Le titre de ce chapitre est « Les Mystères de la Polio », et la première phrase décrit l’édifice démesuré sur le point d’être attaqué avec témérité :
Le récit épique de la victoire de la science sur la polio —- davantage que tout autre récit d’une lutte contre la maladie, même le récit digne d’une fable d’Edward Jenner et de son vaccin pour la variole — est le mythe fondateur de la vaccination.
Comme les auteurs le suggèrent, la réussite de l’utilisation du vaccin de la polio pour éliminer cette maladie effroyable a constitué le plus grand triomphe des années 1950 en matière de santé publique, un triomphe qui a sauvé d’innombrables enfants d’une paralysie handicapante et a supprimé le poids d’un règne de terreur qui hantait les familles étasuniennes, tout en élevant le Dr. Jonas Salk et son vaccin à un statut de sainteté profane. L’histoire de cette maladie terrifiante et du vaccin qui l’a éradiquée semble aussi solidement établie que tout ce qui peut l’être en matière de médecine, et la page Wikipédia dépasse les 11 000 mots et comprend presque 150 références.
Pourtant, de manière tout à fait remarquable, Turtles s’emploie à retourner totalement ce récit établi de longue date, et affirme que les faits scientifiques sont en réalité bien plus complexes et ambigus que moi-même ou que la plupart des autres lecteurs auraient jamais pu l’imaginer. Si pour ma part ce long récit ne suffit pas en soi à dépasser les hypothèses considérables en faveur d’une histoire médicale apparemment bien documentée, il a néanmoins soulevé de nombreux autres sujets majeurs dont je n’avais précédemment jamais eu connaissance, et je vais me contenter de présenter les arguments qu’il avance, et exhorter le lecteur intéressé à lire le livre et à se forger sa propre opinion.
Les auteurs commencent en résumant brièvement l’histoire habituelle de la polio, expliquent que la maladie est provoquée par une infection virale qui peu produire des symptômes semblables à ceux d’une grippe, mais que dans moins de 1% des cas, elle peut également endommager les cellules nerveuses et créer une paralysie sur le long terme. La Polio semble avoir hanté l’humanité durant des milliers d’années, les premiers cas établis semblant illustrés par une stèle égyptienne remontant à 1500 avant Jésus-Christ, et montrant un jeune homme avec une jambe atrophiée, soutenu par une béquille, et la première description médicale de la maladie est apparue dans un livre écrit par un médecin en 1789. Mais la maladie restait extrêmement rare, ne provoqua pas d’épidémie connue, si bien qu’elle ne fit l’objet que d’une faible attention jusqu’à la fin du XIXème siècle, lorsque des épidémies de polio se mirent à éclore en Europe et aux États-Unis. Elles se multiplièrent bientôt en taille, provoquant la paralysie de 9000 victimes dans la ville de New York en 1916, et l’épidémie de polio se mit à venir puis repartir sans que l’on comprenne comment ni pourquoi, avec une augmentation après la seconde guerre mondiale, jusqu’à atteindre un pic au début des années 1950.
Le mystère de la maladie fut résolu en 1908, lorsque le virus responsable de la maladie fut isolé, puis avec le soutien de Franklin Delano Roosevelt, lui-même victime de paralysies conséquentes à la polio, d’immenses sommes d’argent furent investies pour étudier la maladie et rechercher un remède. Cela finit par culminer avec les vaccins Salk et Sabin au début des années 1950, ce qui a conduit à la disparition de la maladie dans le monde industrialisé des années 1960 et 1970, puis sa quasi-éradication du reste du monde pour la fin du XXème siècle.
Pourtant, les auteurs indiquent que ce récit apparemment simple, que j’avais tranquillement considéré comme acquis au fil des années, et que je n’avais jamais remis en question, cache en fait de nombreuses anomalies étranges, des mystères qui ont toujours été connus des cercles scientifiques mais jamais portés à la connaissance du public. On n’a aucune explication sur la raison pour laquelle l’épidémie de polio commença vers la fin du XIXème siècle, ni sur la raison pour laquelle cette épidémie resta totalement confinée aux pays industrialisés, et pourquoi les cas étaient bien plus graves en été et au début de l’automne. La Polio se répandait et s’intensifiait exactement en même temps que les autres maladies infectieuses déclinaient brutalement, la plupart des victimes n’avaient aucun contact identifié avec d’autres personnes infectées, et aucune explication n’était disponible pour comprendre pourquoi le virus ne s’attaquait que si rarement au système nerveux. Il s’avéra impossible d’infecter des animaux de laboratoire par voie orale, alors que c’était la manière suivant laquelle les humains étaient supposés être infectés.
Et de manière étrange, bien que cette maladie elle-même ait supposément été vaincue et quasiment éradiquée par la science médicale, tous ces mystères continuent de rester sans explication de nos jours, malgré plus d’un siècle de recherche, et certains d’entre eux sont même devenus encore plus intrigants.
Comme le soulignent les auteurs, « la polio est l’une des quelques maladies qui sont devenues une menace majeure pour la santé publique au cours des temps modernes », et le registre bien documenté de ses apparitions suit un schéma très étrange. Les premières épidémies en Europe et en Amérique du Nord furent assez visibles pour qu’en sorte un nouveau phénomène clairement représenté, mais nous ne savons toujours pas pourquoi elles sont apparues subitement.
Ces épidémies restèrent presque totalement confinées aux pays industrialisés, et dans les rares occurrences où elles se répandirent dans d’autres parties du monde, la maladie resta presque toujours cantonnée aux Occidentaux, et n’affecta que rarement les résidents locaux. Les soldats étasuniens établis dans une base aux Philippines attrapaient la polio, mais les Philippins locaux ne la contractaient pas, et de même en Chine et au Japon. Les soldats étasuniens stationnés dans le Moyen-Orient attrapaient la polio dix fois plus fréquemment que leurs homologues restés aux États-Unis, mais les résidents locaux semblaient presque immunisés. Au début des années 1940, les cas de polio étaient cinq fois plus fréquents parmi les officiers britanniques en poste en Inde que parmi les hommes du rang britanniques, et 120 fois plus fréquents que pour les soldats indiens locaux. De même, les officiers britanniques établis en Afrique du Nord et en Italie avaient presque dix fois plus de chances de contracter la polio que les soldats qu’ils commandaient. On a enregistré de nombreuses autres occurrences semblables à celles-ci, établissant d’étranges schémas d’infection, qui frappaient de manière disproportionnée les personnes d’un statut social plus élevé.
Aussi, durant la période précise au cours de laquelle une amélioration de l’assainissement, des conditions d’hygiène et du régime alimentaire avaient provoqué le déclin rapide d’autres maladies infectieuses au sein des pays industrialisés, la polio commença à monter et à inquiéter. À la fin des années 1940, la tendance frappante qu’avait la polio à frapper les Occidentaux plutôt que les locaux fit monter la théorie selon laquelle « une amélioration de l’hygiène » constituait d’une manière ou d’une autre un facteur important contribuant aux infections, un conclusion largement acceptée par de nombreux experts de premier plan de la polio. On formulait des hypothèses scientifiques pour expliquer cela, mais les recherches empiriques les contredisaient aussitôt.
Cependant, comme les auteurs le notent, les premières épidémies de polio aux États-Unis avaient en fait suivi le schéma exactement opposé, concentrées dans les bourbiers urbains les plus sales et les moins exposés à l’hygiène, ce qui avait amené à penser que la polio était une maladie de la pauvreté. Mais après que la polio faiblit, puis finit par disparaître dans le monde industrialisé au cours des années 1960 et 1970, elle refit subitement apparition dans les pays du Tiers Monde, à un taux semblable au pic des années 1950 en Occident. Aussi, en une ou deux générations, une maladie dont on estimait largement qu’elle était provoquée par la pauvreté et par le manque d’hygiène s’était transformée en maladie associée à l’opulence et à un excès d’hygiène, puis était retournée à ses racines de pauvreté et de saleté. Selon Turtles, ces hypothèses totalement contradictoires étaient parfois acceptées ensemble simultanément par des chercheurs de premier plan sur la polio. Ce très étrange schéma d’infection de l’infection par la polio soulève la possibilité évidente que la véritable nature de la maladie ait été mal comprise d’une manière tout à fait fondamentale.
Un point central soulevé par Turtles est que contrairement aux perceptions répandues parmi le grand public, les caractéristiques de paralysie flasque de la polio peuvent en réalité présenter un très grand nombre de causes différentes, peut-être jusque 200 selon la littérature médicale, et la plupart de ces causes relèvent de l’empoisonnement ou de l’exposition à des produits chimiques toxiques. Mais au cours des premières décennies du XXème siècle, le profil très élevé de la polio impliquait qu’on apposait l’étiquette « polio » sur toute maladie physique s’y apparentant. Dans certains cas importants, on découvrit ensuite qu’un mauvais diagnostic avait été posé, mais les auteurs se demandent si ce phénomène n’aurait pas pu être plus répandu qu’on ne le comprit à l’époque.
Comme ils l’indiquent, une chose vraiment dramatique à dû se produire à la fin du XIXème siècle pour produire la montée remarquable de l’incidence de la polio paralytique, et ils notent que cette même période a vu l’introduction à une vaste échelle des nouveaux colorants et des pesticides basés sur l’arsenic, le plomb, et d’autres produits chimiques potentiellement toxiques.
Pour exemple suspect, ils expliquent que les exploitants agricoles du Nord-Est des États-Unis se mirent à appliquer de l’arséniate de plomb sur leurs pommiers en 1892, et que l’année suivante, on assista à une forte montée des cas de polio — une augmentation du nombre de cas supérieure à un facteur quatre — dans la région de Boston. Qui plus est, ces cas se présentèrent surtout durant la saison de cueillette des pommes, et la plupart des victimes provenaient des régions rurales autour de Boston, plutôt que de la ville elle-même. Des décennies plus tard, les experts médicaux soulignaient qu’il restait très difficile de distinguer la paralysie induite par la polio de la maladie nerveuse provoquée par un empoisonnement au plomb, et que les erreurs de diagnostics étaient répandues. Les auteurs notent que la montée des cas apparents de polio, passant d’une poignée de cas à des centaines d’entre eux, semble avoir correspondu étroitement à l’utilisation à vaste échelle d’arséniate de plomb, qui n’était pas uniquement bien plus dangereux que les autres pesticides chimiques, mais restait également bien plus longtemps sur le fruit.
À ce stade, Turtles emploie un vocabulaire soigneusement choisi pour proposer une hypothèse remarquablement explosive :
L’hypothèse selon laquelle la polio est une maladie infectieuse et contagieuse — c’est-à-dire, qu’elle est provoquée par un organisme vivant (typiquement une bactérie ou un virus) et est transmise d’une personne à l’autre — n’a pas été remise en question dans les cercles scientifiques depuis des décennies. La version institutionnelle de l’histoire de la polio a coulé une épaisse couche de béton autour de cette hypothèse, et tout scientifique qui oserait la remettre en question se verrait sans doute ignoré ou moqué. La maladie, « comme chacun sait », est provoquée par le virus de la polio — un virus hautement contagieux qui pénètre le corps par la bouche et en ressort par les excréments. Mais la polio est-elle réellement une maladie infectieuse et contagieuse ? Fouiller dans les débuts de l’histoire de cette maladie suggère que la réponse à cette question n’est pas aussi évidente ou univoque que le récit officiel de la polio voudrait nous le faire croire.
Au cours des premières années de la montée de la polio, la nature de la maladie fit l’objet de nombreux débats, et les critiques de la théorie infectieuse soulignaient ne pouvoir trouver aucun exemple de transmission d’une personne à l’autre. De fait, les cas étaient tellement dispersés géographiquement que presque aucune des victimes n’avait pu être en contact avec une autre. Parmi 1400 cas passés en revue, moins de 3% impliquaient plus d’un patient par famille.
Dans le même temps, on trouvait de nombreuses autres instances à grande échelle de paralysie semblable provoquée par des aliments empoisonnés. À Manchester, en Angleterre, une épidémie mystérieuse éclata en 1900, qui paralysa des milliers de personnes et en tua plusieurs dizaines, et que l’on finit par attribuer à de hautes teneurs en arsenic dans l’acide sulfurique utilisé pour traiter le sucre dans les brasseries de bière locale. On détermina par la suite qu’un problème similaire, à des niveaux plus faibles, avait produit des dizaines de cas de paralysie mystérieuse chaque année dans le Nord-Ouest de l’Angleterre à la fin du XIXème siècle. En 1930, 50 000 Étasuniens furent frappées de paralysie dans les régions du Sud et du centre après avoir bu un remède médical breveté contaminé par un produit chimique toxique, et en général, dix jours s’étaient écoulés entre la consommation du produit et les premiers symptômes, ce qui avait totalement masqué la cause véritable des paralysies.
La notion selon laquelle la paralysie attribuée à la polio pourrait en réalité provenir d’un produit chimique semble tout à fait stupéfiante, elle n’est pas facile à accepter, mais elle pourrait contribuer à expliquer le schéma très étrange de propagation de la maladie et son manque apparent de transmissibilité.
Les auteurs examinent également avec soin les études historiques considérées comme ayant établi la nature contagieuse et infectieuse de la polio, et les trouvent très douteuses et incertaines ; ils indiquent que les critiques scientifiques avaient soulevé à l’époque nombre d’objections semblables. Ils notent que malgré l’échec répété d’établir de manière expérimentale que les infections à la polio étaient uniquement ciblées sur les humains, certains des premiers rapports, dans le cadre des épidémies rurales, avaient mentionné que des formes de paralysie semblable avait également frappé des animaux des fermes locales, comme des chevaux, des chiens et des volailles, ce qui suggère qu’un agent toxique aurait pu être responsable du problème.
Aussi, la question se pose naturellement : pourquoi le rôle possible d’un empoisonnement au plomb ou à l’arsenic a-t-il été ignoré dans ces premières études, qui ont conclu qu’une maladie infectieuse était responsable des problèmes ? Les auteurs suggèrent que cela a fait suite à la forte influence de l’industrie chimique, qui distribuait sur le marché ces produits dangereux comme pesticides pour les exploitants de vergers. À l’époque, le gouvernement étasunien ne limitait absolument pas la distribution de ces produits chimiques, et plusieurs pays européens interdirent les pommes étasuniennes pour cette raison précise.
Les auteurs indiquent que les épidémies de polio dans l’hémisphère nord avaient tendance à se produire surtout durant les mois d’été et d’automne, au cours desquels on consommait davantage de fruits et de légumes, et au cours desquels ces produits étaient intensivement traités aux produits chimiques pour les protéger des parasites. En contraste, les autres maladies infantiles infectieuses avaient beaucoup moins de chances de se produire durant ces mêmes mois, car les écoles n’ouvraient pas leurs portes.
À la fin des années 1930, la paralysie par la polio était devenue une maladie notable aux États-Unis, mais son incidence connut une croissance très rapide après la fin de la seconde guerre mondiale, et des épidémies se mirent à affecter également des pays comme l’Allemagne, le Japon et les Pays-Bas, où la maladie avait jusqu’alors été inconnue. Les premières épidémies en France, en Belgique et en Union soviétique furent enregistrées au cours des années 1950. Les historiens médicaux n’ont aucune explication à ce schéma étrange, qui a vu monter la polio au stade de maladie très crainte alors même que de nombreuses autres maladies étaient désormais sous contrôle et avaient tendance à disparaître.
Les auteurs notent qu’une révolution de pesticides se produisait précisément au même moment, le DDT devenant l’insecticide de choix, un produit peu onéreux, puissant, et durable, qui attaquait le système nerveux des nuisibles agricoles courants. Quoique le produit chimique fût officiellement considéré comme parfaitement sûr, des rapports se mirent rapidement à établir des exemples de toxicité envers les humains, allant jusqu’à intégrer comme symptôme la paralysie. Selon certains critiques médicaux de l’époque, le schéma de développement surprenant des infections à la polio, aussi bien aux États-Unis que dans d’autres pays, semblait dans l’ensemble suivre de près l’utilisation en développement du DDT, mais le Département de l’Agriculture et les autres agences fédérales réfutèrent avec force toute possibilité de lien.
Tous les doutes qui pouvaient rester sur la véritable nature de la polio furent apparemment balayés au moment où le vaccin Salk fut produit, en 1955, suivi par la disparition rapide de la maladie, mais les auteurs soulèvent des doutes importants sur cette relation de cause à effet apparemment immédiate. Ils notent que les cas de polio avaient déjà décliné fortement dans tout le pays depuis plusieurs années, et que cette tendance ne fit que se poursuivre, suivie par une montée mesurable de l’incidence de la polio quelques années plus tard. La trajectoire en Israël était encore plus contradictoire, et le long déclin dans le nombre de cas de polios subit de fait un retournement après le début des vaccinations, avant de redescendre quelques années plus tard.
À en croire les auteurs, au début des années 1950, les agences du gouvernement étasunien avaient commencé sans bruit à faire état de préoccupations au sujet des effets sur la santé du DDT et se mirent à déconseiller son utilisation à grande échelle, surtout dans la préparation d’aliments et au sein des foyers. Les auteurs suggèrent que cela pourrait expliquer le vif déclin du nombre de cas de polio au cours des années ayant précédé l’introduction du vaccin Salk.
Ainsi, pour une combinaison de raisons, la polio avait largement disparu des États-Unis et du reste du monde industrialisé dans les années 1970. Mais dans le même temps, l’utilisation répandue de DDT et d’autres pesticides dans de nombreux pays du Tiers Monde fut rapidement suivie par une montée surprenante d’épidémies de polio, qui étaient jusqu’alors inconnues dans ces régions, ce qui amena au lancement d’une campagne de vaccination globale en 1988 pour éradiquer la polio.
Cette opération massive a semblé couronnée d’un grand succès, et en 2013, le nombre de cas de polio rapportés avait chuté de 99,9 %. Pourtant, les auteurs remettent sérieusement en question ce narratif triomphal, et notent que la montée concurrente, et encore plus rapide, du syndrome de « Paralysie flasque aiguë » (PFA – FPA en anglais et sur les graphes ci-après), un mal physique présentant des caractéristiques similaires mais non attribué au virus de la polio. Si le nombre de personnes gravement paralysées est resté constant, ou a même augmenté nettement, peut-être que la réussite supposée de la campagne de vaccination contre la polio a été obtenue par une simple redéfinition, un tour de passe-passe.
Quoique j’ai trouvé le plus gros des sections précédentes produites par Turtles intéressantes et raisonnablement convaincantes, je ne me sentais guère prêt à l’impact incendiaire de ce très long chapitre consacré à la polio, qui m’a totalement sidéré. La simple possibilité que l’une des maladies historiques les plus connues du XXème siècle ait pu en grande partie relever d’une invention et d’un mauvais diagnostic médical est vraiment frappante pour l’esprit.
Les décès dus à la polio avaient été relativement peu nombreux, mais le nombre d’enfants par elle laissés handicapés à vie l’avait établie comme une maladie particulièrement terrifiante, finalement conquise par la découverte héroïque des Docteurs Jonas Salk et Albert Sabin, chose qui valut au premier un prix Nobel. Comme les auteurs le déclarent, l’éradication de la polio avait constitué une réussite remarquée des campagnes massives de vaccination, qui justifia des mesures de santé publique et une expansion à grande échelle des vaccinations. Mon opinion sur tous ces sujets était toujours restée très conventionnelle, et je n’avais jamais douté de ce que j’en lisais dans les journaux ou les manuels. J’ai donc été stupéfait de parcourir ces 125 pages — écrites avec modération et soigneusement étayées — qui établissent de sérieux doutes sur le fait que la maladie contagieuse ait jamais véritablement existé, et donc la plupart des victimes souffraient en réalité de diverses sortes d’empoisonnements, et non de quelque infection virale.
Je me suis souvenu de la controverse autour de l’utilisation du DDT comme pesticide, et de son interdiction, il y a un demi-siècle, à cause de la menace posée par ce produit sur les animaux sauvages. Mais j’avais accepté les arguments voulant qu’il fût totalement inoffensif pour les humains, et je n’avais jamais entendu parler d’un quelconque lien avec une maladie, et encore moins avec un phénomène aussi connu que la paralysie attribuée à la polio.
Il existe d’évidence une différence colossale entre créer de sérieux doutes au sujet d’un sujet scientifique emblématique, et réussir à l’infirmer. Même si j’étais prêt à vérifier les centaines de références universitaires fournies par Turtles pour soutenir son hypothèse révolutionnaire, je ne posséderais sans doute pas l’expertise technique nécessaire pour les évaluer correctement. La victoire remportée sur la polio figure parmi les triomphes les plus célèbres de la médecine moderne, et il ne fait nul doute que ses légions de défenseurs pourraient produire de longues réfutations aux arguments présentés par ces auteurs anonymes, des réfutations que les personnes disposant du niveau d’expertise adéquat devraient soigneusement soupeser. Revenir sur notre compréhension établie de la polio est le type de prouesse monumentale qui demanderait un débat professionnel tout aussi monumental. Mais de mon point de vue, le simple fait de soulever des doutes significatifs au sujet d’un élément apparemment aussi central de l’histoire médical justifie pleinement la lecture du livre produit par ces auteurs courageux.
Nous tendons pour la plupart à beaucoup respecter les récits officiels dans les domaines que nous n’avons jamais explorés. Ma longue suite d’articles American Pravda intègrent de nombreuses révélations historiques mais, il y a à peine quelques années, je me serais montré extrêmement réticent à simplement envisager la possibilité qu’un point scientifique apparemment aussi établi que la nature de la polio pût sérieusement être remise en question.
Cependant, au mois de décembre 2021, j’avais lu un livre stupéfiant de Robert F. Kennedy Jr. comprenant 200 pages qui présentaient une analyse relativement similaire du HIV/SIDA, une maladie qui est restée classée durant quatre décennies comme mal le plus médiatisé de l’humanité. Selon son récit, cette pathologie mortelle découlait en réalité d’un empoisonnement toxique, et avait fait l’objet d’un mauvais diagnostic, et était considérée comme une maladie infectieuse portée par un virus.
Pourtant, selon les informations livrées par le best-seller de Kennedy, numéro 1 sur Amazon, cette image bien connue et solidement établie, que je n’avais jamais sérieusement remise en question, et presque entièrement fausse et frauduleuse, et s’apparente pour l’essentiel à un canular médical médiatique. Loin d’être responsable du SIDA, le virus HIV est sans doute inoffensif et n’a rien à voir avec la maladie. Mais lorsqu’on a trouvé des personnes infectées par le HIV, on leur a administré les premiers remèdes contre le SIDA, extrêmement lucratifs, qui étaient en réalité mortels, et tuaient souvent ces personnes. Les premiers cas de SIDA avaient pour l’essentiel été provoqués par l’utilisation très lourde de drogues particulièrement interdites, et l’on avait établi un mauvais diagnostic en désignant le HIV comme responsable. Mais comme Fauci et les entreprises de médicaments avides de profits avaient établi des empires considérables sur cette erreur de diagnostic, elles se sont battues bec et ongles durant plus de 35 ans pour le maintenir en place et le protéger, en faisant usage de toutes leurs influences pour supprimer la vérité des médias et détruire la carrière de tout chercheur honnête venant défier cette tromperie. Dans le même temps, en Afrique, le SIDA restait une chose totalement différente, sans doute provoquée principalement par la malnutrition ou d’autres maux locaux.
J’ai trouvé le récit produit par Kennedy comme particulièrement choquant, entre toutes les choses qu’il m’ait jamais été donné de lire.
American Pravda: Vaxxing, Anthony Fauci, and AIDS
Ron Unz • The Unz Review • 6 décembre 2021 • 6,100 Mots
Les affirmations produites par Kennedy me sont tout d’abord apparues comme impensables, mais après des semaines de lecture additionnelle, et d’enquête, j’avais fini par conclure qu’il avait sans doute raison. J’ai également noté dans mes articles parus ensuite que malgré la férocité avec laquelle les médias dominants l’ont attaqué sur de nombreux autres sujets, ses critiques maintiennent un silence absolu au sujet des chapitres incendiaires qu’il a écrits sur le HIV/SIDA, et leur réticence surprenante a semblé confirmer mon verdict.
La Pravda américaine : le SIDA et le retour de l’hypothèse Duesberg
Ron Unz • The Unz Review • 29 décembre 2021 • 4,100 MotsLa Pravda Américaine : Nos scandales de santé publique
Ron Unz • The Unz Review • January 10, 2022 • 5,500 WordsLa Pravda Américaine: Anne Frank, Sirhan Sirhan, et le SIDA
Ron Unz • The Unz Review • January 31, 2022 • 3,600 Words
Aussi, même si je n’ai pas du tout consacré le même temps à mener des recherches sur les affirmations scientifiques remarquables produites par Turtles, je suis bien plus ouvert à la possibilité qu’elles puissent s’avérer correctes. Si le SIDA a pu n’être guère qu’une maladie fantôme produite par un mauvais diagnostic médical, il aurait pu en aller de même plus tôt avec la polio.
Lectures corrélées :
American Pravda: Vaxxing, Anthony Fauci, and AIDS
La Pravda Américaine : Le SIDA et le retour de l’hypothèse Duesberg
La Pravda Américaine : Nos Scandales de Santé publique
La Pravda Américaine: Anne Frank, Sirhan Sirhan, et le SIDA
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone