La nomination par le gouvernement Trudeau, de l’ex-militante du Conseil national des musulmans canadiens, Amira Elghawaby, à titre de conseillère et d’experte dans la lutte contre l’islamophobie au Canada a permis jusqu’ici de mettre en lumière sa farouche opposition à la loi 21 et son profond mépris à l’endroit des Québécois.
Mais cette importante nomination ne tombe pas du ciel et on peut penser sans trop se tromper qu’elle émane du rapport Agir contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie, qui a été présenté en février 2018, à la Chambre des communes, par le Comité permanent du patrimoine canadien, pour lequel il avait été mandaté en mars 2017, lors de l’adoption de la motion M-103 condamnant l’islamophobie.
Ce rapport contient au total 30 recommandations visant à mettre en œuvre un plan d’action national pour lutter contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie, au niveau fédéral. Il constitue à ce jour, le projet le plus vaste et le plus ambitieux jamais présenté à un gouvernement, un projet aux ramifications multiples où l’on se sert de la religion pour imposer le multiculturalisme.
Intentions
Cinq ans après son dépôt, on peut penser que l’entrée en fonction d’Amira Elghawaby marque le début de sa mise en œuvre, que les moyens, les associations et les individus choisis pour la concrétisation de ce plan national sont déjà prévus et engagés, n’attendant, pour passer à l’action, que le feu vert de la conseillère spéciale et de son patron, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.
Au-delà de ses tweets haineux, nous aurions grand intérêt à questionner madame Elghawaby sur ses intentions concernant l’élaboration de politiques, les programmes envisagés et leurs objectifs spécifiques, la nature et les lignes de force de ses éventuelles propositions législatives, les gens et les organismes dont elle compte s’entourer pour mener à bien ce chantier, les milieux sociaux ciblés pour l’application des mesures prévues et la façon dont elle souhaite intervenir dans chacun d’eux pour lutter contre l’islamophobie, sans oublier, bien sûr, le budget dont elle dispose, sachant que celui-ci sera puisé à même les fonds publics.
- Écoutez l’entrevue de Benoit Dutrizac avec André Sirois, avocat auprès de l’ONU et ex-conseiller juridique de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada sur QUB radio :
Le rapport
La première recommandation propose d’élargir le racisme à la discrimination religieuse, permettant ainsi aux religions de profiter des programmes et des mesures proposés pour lutter contre le racisme.
La seconde proposée par le Conseil national des musulmans canadiens pour lequel Amira Elghabawy a milité serait à l’effet de créer une direction pour la réalisation de ce plan au sein même du ministère du Patrimoine canadien. En bref, d’installer les religions au cœur du gouvernement central. Et puisqu’il s’agit ici d’islamophobie, je vous laisse deviner quelle religion…
Concernant les politiques gouvernementales, il est proposé de concevoir un cadre d’évaluation antiraciste afin de prévoir et d’éliminer les préjugés inconscients dans les politiques, les programmes et les décisions proposés. Dans le cas présent, cela signifie que sous couvert de lutte contre l’islamophobie, on propose d’épurer les politiques fédérales pour les infléchir dans le sens d’une ouverture à l’islam.
Mettre en œuvre un programme éducatif ambitieux comportant des cibles précises. On recommande donc une série de mesures, telles élaborer une campagne de sensibilisation auprès du public et promouvoir l’éducation aux médias pour que les journalistes nous présentent une vision plus positive des musulmans et de l’islam.
En collaboration avec les provinces, élaborer pour les jeunes du matériel pédagogique sur les diverses pratiques religieuses et culturelles. Bref, un cours d’ECR à la puissance mille, dans chaque école, d’un océan à l’autre.
Instituer une formation en compétences culturelles pour un certain nombre de professions, notamment les travailleurs sociaux, les enseignants, les législateurs, les policiers, les fonctionnaires, les avocats, les juges et les professionnels de la santé.
Offrir des subventions aux universitaires pour appuyer la création de projets de recherche sur l’islamophobie, le racisme et la discrimination religieuse.
Une avancée significative de l’islam politique au Canada
Pas de conseiller à la christianophobie, pas de conseiller non plus pour les Noirs ou pour les Autochtones, mais une conseillère pour lutter contre l’islamophobie. Étrange n’est-ce pas? Comme si l’islam avait remporté l’exclusivité en matière de discrimination.
Cette nomination constitue une incroyable avancée de l’islam politique dans les secteurs les plus névralgiques de la société canadienne. On peut penser qu’après avoir milité pour le plus puissant lobby politico-religieux au Canada, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) qui combat systématiquement devant les tribunaux toute tentative de légiférer en matière de laïcité, la conseillère Elghawaby n’a pas renié les valeurs de cette organisation radicalement anti-laïque, que sa fidélité envers cet organisme demeure intacte et qu’il faudrait peut-être considérer son nouveau mandat comme s’inscrivant dans le prolongement de cet activisme.
Autant dire qu’avec cette nomination, le CNMC vient de tomber dans le plat de bonbons. Des bonbons enveloppés, évidemment.
Les évangéliques
Vous vous souvenez que l’on a fait grand cas des évangéliques lorsque le gouvernement Harper était en poste à Ottawa. Les journalistes dénonçaient haut et fort et avec raison, le lobbyisme de groupes évangéliques ayant leurs entrées au Parlement, de militants ayant un accès privilégié à certains députés pour faire avancer leur agenda dans le but d’infléchir des projets de loi dans le sens de leurs valeurs. Vous vous souvenez de cela? Alors pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui avec des musulmans?
Dites-moi, que fait la religion au cœur de l’État? Que fait l’islam au cœur de l’État? Que ce soit le christianisme ou l’islam, nulle religion ne devrait se retrouver dans la sphère politique. Ce qui est contraire à la laïcité qui suppose une nette séparation entre les religions et la politique.
Justin Trudeau a compris l’importance de la diversité religieuse pour l’avancement du multiculturalisme. Il a compris l’importance de courtiser les minorités religieuses dans son désir de réalisation d’un État postnational. Et si le père nous a donné une charte et une loi sur le multiculturalisme, le fils ambitionne de faire sa marque en allant plus loin dans l’application de celle-ci, quitte à prendre tous les risques, y compris celui d’ouvrir un incroyable boulevard aux pires intégrismes religieux.
PHOTO COURTOISIE, LORRAINE CARPENTIER
Louise Mailloux, Philosophe
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec