Le nouveau commissaire politique Francis Lalanne est venu dans TPMP du 8 février 2023 défendre son (unique) client, mais quel client : l’humoriste Dieudonné, qui vient de faire techouva. Blanchir Dieudonné, c’est une chose, le vendre à la communauté de la télé en est une autre. À droite, ça passe moyen (voir Élisabeth Lévy) ; à gauche, ça casse.
Pourtant, l’antiraciste Dieudonné devrait rassurer les gauchistes antiracistes de confession juive… Hanouna, maître d’œuvre du rapprochement pour le compte du camp national-sioniste incarné par la paire Goldnadel & Bercoff, tente de calmer ses troupes qui ont du mal à piger l’opération, le fantasque Lalanne ne simplifiant pas les choses…
Hanouna : Pour toi, est-ce que Dieudonné est sincère dans son pardon, parce qu’on va parler après de ton projet avec lui ?
Lalanne : Écoute, franchement, moi je n’ai aucun doute là-dessus. D’ailleurs, si tu veux être assuré de sa sincérité il faut que tu écoutes la réponse qu’il a faite à Soral. C’est marrant tous ces gens qui ont besoin de la haine, il y a des gens qui ont besoin de la haine.
Hanouna : Ils étaient très proches avec Alain Soral, qu’est-ce qu’il a fait comme réponse ?
Lalanne : En gros Alain Soral lui reproche de demander pardon à la communauté, exactement d’ailleurs comme le CRIF lui reproche aussi de demander pardon à la communauté. Et ça, c’est un des miracles finalement du repentir de Dieudonné, c’est que pour la première fois, quand même, Soral et le CRIF sont main dans la main, ils sont sur la même ligne, ni oubli ni pardon ! C’est-à-dire le gars il monte un mouvement qui s’appelle Égalité & Réconciliation et quand quelqu’un veut se réconcilier, ben il l’insulte, il l’injurie, etc. Il y a des gens qui ont besoin, dans la société, de la haine. Moi j’aimerais bien que le CRIF se pose des questions mais là il y répond ! C’est-à-dire que le CRIF fait un procès d’intention à Dieudonné.
Hanouna : Après les gens sont pas obligés de pardonner… Demain je vais faire un truc très grave et je vais dire ben excusez-moi, le lendemain je vais dire pardon. Les gens sont pas obligés de pardonner…
Lalanne : Mais personne n’est obligé de pardonner, mais on ne peut pas empêcher quelqu’un de demander pardon. […] D’ailleurs il l’a dit dans sa première lettre, il a dit « je ne cherche aucune excuse car nul n’en a lorsqu’il est conscient qu’il a offensé et qu’il a fait du tort à autrui ». Donc c’est pas des excuses, Cyril, quand tu demandes pardon, tu te cherches pas d’excuses, c’est-à-dire que tu soulages ta conscience, tu soulages ta conscience parce que tu penses que tu as nui à autrui. Donc moi je dis simplement que là aujourd’hui, manifestement au moment où Dieudonné fait un acte de repentir, il y a des gens qui lui font un procès d’intention parce que très probablement ils n’ont pas intérêt à ce que Dieudonné perde cette image erronée d’antisémite.
Hanouna a des doutes, ou feint d’en avoir. Il reprend : « Pourquoi ce revirement de Dieudonné ? » Lalanne explique alors l’opération techouva de l’intérieur :
« J’ai demandé à mon amie Chloé Framery, dont je savais qu’elle était son amie, de me donner son numéro de téléphone, et je l’ai appelé. Et là je lui ai dit, moi j’exècre tout ce que tu es, tout ce que tu dis, tout ce que tu fais, mais je pense m’être mal comporté envers toi, avoir dit des choses que je regrette, et comme je pense qu’un être humain doit le faire, je te demande pardon d’avoir fait ça. […] Donc au moment où je lui demande pardon il me dit écoute, Francis, on est jour de Pâques aujourd’hui, est-ce que tu penses vraiment qu’un chrétien comme moi peut refuser ton pardon ? Et là je comprends qu’il est chrétien, parce que je pensais pas qu’il était chrétien, je pensais que c’était un fondamentaliste et qu’il se baladait avec une ceinture d’explosifs dans les banlieues pour appeler à la destruction de l’État d’Israël. Et en fait c’est un chrétien militant, comme moi, un chrétien pratiquant. Et il me dit tu sais, quand tu as dit ces choses-là, ça m’a blessé profondément, pas simplement moi mais ça m’a blessé pour toi parce que je pense que tu t’es abaissé à dire ces choses et il avait raison et il m’en a mis une deuxième et c’est pour ça que j’ai demandé pardon. Et là au moment où je vais partir il me dit, est-ce que je peux te demander quelque chose ? Je dis oui. Est-ce que moi aussi je peux te demander pardon, parce que je sais que je t’ai fait du tort. […]
Et je lui dis ben écoute oui, j’accepte ton pardon, mais est-ce que tu pourrais aller plus loin, je lui dis, est-ce que par exemple tu pourrais demander pardon à tous les gens qui se sentent offensés par ce que tu as fait et dit, notamment dans la communauté juive. Il me dit Francis, c’est mon vœu le plus cher, mais je n’arrive pas à trouver quelqu’un qui accepte de recevoir mon pardon. Et quand il m’a dit ça, tout d’un coup moi je me suis dit que c’était très important qu’il puisse le faire, et donc j’en ai fait une affaire personnelle, et je lui ai dit tu ne connais pas cette communauté, moi je la connais bien, je l’aime, profondément, et il y a dans cette communauté des gens qui bien sûr ne seront pas d’accord pour recevoir ton pardon mais il y en a beaucoup que tu as offensés et qui sont très touchés par ton message, ta demande de pardon, parce qu’en plus tu leur as nui de deux manières, tu leur as nui parce que tu les as offensés mais surtout tu leur as nui parce que tu les as privés de leur comique préféré. »
9’22 : Lalanne explique que son client est victime de « mauvais démons »
« Lui, il a des circonstances atténuantes parce qu’il a été embarqué, il le dit lui-même, il a eu des mauvais démons autour de lui. […] Tu m’as posé une question, c’est-à-dire comment, à un moment donné, alors qu’il n’est pas antisémite, il s’est retrouvé embringué dans toutes ces choses affreuses qu’il a dites et faites. […] C’est pas le sujet, comment il en est arrivé à faire le mal, le sujet, c’est j’ai fait le mal, et je demande pardon. Et quand on refuse l’idée qu’il puisse demander pardon, c’est qu’on est en train de faire le procès du pardon, c’est pas le procès à lui qu’on fait. Et je suis heureux que Jean-Marie soit là, parce que Jean-Marie, il sait ce que c’est le pardon. »
Hanouna joue au sceptique ; en revanche, il ne semble pas comprendre le sens du pardon. C’est alors que Lalanne s’envole, et atterrit au cœur du problème, les pieds dans le plat.
« Tu sais, je vais te raconter une histoire, et c’est pour ça aussi que j’aime tant le peuple juif, c’est que il a quand même souffert tellement, ça a été tellement loin dans la souffrance que on pourrait penser qu’il est en droit de ne pas pardonner, à un moment donné on peut le penser, on est en droit de le penser, moi je ne le pense pas. Tu sais, quand ils ont réouvert les camps, à Auschwitz, il y avait une dame qui était enfant, à ce moment-là, qui a réchappé aux camps, toute sa famille est morte, etc., elle est venue et elle a reconnu dans la foule l’un de ses bourreaux. Il était là, l’un des gardiens. Et ce qu’a fait cette femme, il l’a reconnue, elle est allée vers lui, elle l’a pris par la main, et elle est entrée dans le four, dans la chambre à gaz. Ce geste-là pour moi, c’est ce qui me donne envie de croire en l’être humain, en l’humanité. Et je pense que c’est vers ça qu’il faut aller, vers la réconciliation, vers la paix, et pas vers la pérennité de la haine. »
Après cette émouvante anecdote, Lalanne revient sur la rencontre entre Dieudonné et André Darmon. Aussi encadré par la « Communauté », pour reprendre l’expression de Francis, le nèg marron pourra-t-il s’échapper un jour ? En a-t-il seulement envie ? Les épisodes suivants nous le diront.
L’affaire du revirement – ou du repentir – de Dieudonné est devenue une série télé politico-médiatique : on a eu l’épisode 1 : la lettre dans Israël Magazine ; l’épisode 2 : la vidéo sur la Dieudosphère ; le 3 : l’absolution du duo Goldnadel-Lévy ; le 4 : le tribunal du juge Hanouna… On attend maintenant l’épisode 5, le spectacle Lalanne-Dieudonné.
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