Nos deux donneurs de leçons supra et antinationaux s’adressent aux millions de Français qui protestent contre la réforme Borne-Macron des retraites. Derrière la rallonge jusqu’à 64 ans se profile, comme chacun sait, la retraite par capitalisation des gros mangeurs BlackRock et Vanguard. Rappel important : la retraite par répartition est une idée du Maréchal, deux ans avant le CNR, le Conseil national de la résistance qui réunit gaullistes et communistes en 1943, et qui édifiera son premier programme en 1944.
Quand on sait que de Gaulle était maurrassien de formation, on ne s’étonne pas de cette filiation qui fait un peu mal à la gauche.
Porte-parole quasi officiel du Marché et du grand patronat (on a failli écrire grand banditisme), Minc est sorti de son terrier d’hibernation pour fustiger les Français égoïstes qui refusent de travailler plus pour gagner moins, tout ça pour éviter de payer l’usure, vous savez, le taux d’intérêt sur la dette.
Officiellement, chaque année, 35 milliards partent dans la poche de nos créanciers, pas pour rembourser la dette, attention, mais les intérêts de la dette ! C’est autant de moins pour les pompiers, les infirmières et les profs, et ça explique la démolition contrôlée – tiens, ça nous rappelle quelque chose – de nos services publics, plus les milliers de soignants virés sans revenus pour avoir refusé une injection d’effets secondaires. Avec bien sûr, là encore, BlackRock et Vanguard en embuscade qui salivent sur les cliniques et les assurances privées.
La France doit 3 000 milliards aux prêteurs, assène Minc, ce qui fait 15 mois d’activité (avec un PIB à 2 500 milliards). Comparativement à un ménage français, ça revient à 50 000 euros de dette, soit la moyenne nationale, rien de bien grave. De plus, comme dirait Mélenchon, une dette peut s’annuler, les pays riches le font régulièrement aux pays pauvres insolvables. Et les travailleurs Français sont devenus un pays pauvre dans le riche pays des oligarques…
Sauf que le chiffre – trois mille milliards – impressionne, et impressionne les pauvres qui sont acculés à la culpabilité par la légende médiatique, qui vient tout droit des parasites oligarchiques : « Salaud de pauvre, c’est toi qui niques l’économie française ! » C’est en substance le discours que tient notre premier sous-monarque.
Jacquadit, lui, n’a pas montré sa bobine – il commence à se faire vieux – alors il a pondu un texte sur son blog. Il « entend » – à la Borne – la souffrance des Français, n’ose pas dire comme Minc que la réforme Bornstein est inévitable, mais qu’il faut « réformer le travail », ce qui ne mange pas de pain. En attendant que tout le monde ait un super job cool et bien payé comme toi, on fait quoi, Jacquadit ?
Le déséquilibre permanent des régimes de retraites, dans tous les pays, est la conséquence d’une bonne nouvelle : l’espérance de vie s’améliore et il faut consacrer de plus en plus de moyens financiers à financer la vie de ceux qui ne travaillent plus.
Si chacun, ou presque, reconnait cette nécessité, la révolte, dans beaucoup de pays, en particulier en France, contre le choix d’un financement par l’allongement de la durée du travail renvoie à deux interrogations très profondes sur la nature de nos sociétés : d’une part, le partage entre les salaires, immédiats ou différés, et les profits. D’autre part sur la nature du travail.
La solution Jacquadit, c’est assurer à tous, grâce à l’automatisation qui nous délivrerait des basses besognes (celles qui donnent envie de partir très tôt à la retraite), de meilleures conditions de travail pour que les Français aient envie de travailler plus longtemps, ce qui résout le problème du financement de l’augmentation de l’espérance de vie dans nos pays. Or, la durée de vie en bonne santé ne s’allonge plus, elle régresse même aux États-Unis.
Il faudrait donc lancer ce grand chantier, dont on parle depuis longtemps, et dont la crise actuelle en France montre qu’on n’y est pas parvenu : automatiser les tâches inévitablement répétitives, ingrates ou usantes (entretien, nettoyage, bâtiment, chaines de production) et valoriser socialement et financièrement les missions de soins, d’hospitalité, de transmission, de protection de la nature. Autrement dit, valoriser les métiers utiles à l’économie de la vie, et éliminer, par l’automatisation, ceux de l’économie de la mort.
Une société où chacun exercerait un métier passionnant, utile socialement et écologiquement est possible ; elle ne ferait pas l’éloge morbide et suicidaire de la paresse ; elle n’assimilerait pas travail avec routine, fatigue, dépression, aliénation, humiliation, exploitation, destruction de l’environnement ; mais avec découverte, création, jubilation, diversité. C’est une mission passionnante que d’y parvenir.
On sent donc arriver, avec l’utopie attalienne, le transhumanisme croisé avec l’intelligence artificielle, des cohortes de chômeurs et une société dystopique avec une poignée de maîtres, des millions d’esclaves à leur service et des milliards de parasites, éventuellement à éliminer. Nous revoilà dans l’agenda des deux fous Schwab & Gates.
Résumé : Minc veut imposer la réforme à coups de matraque, Attali veut un monde meilleur. Pourquoi ces deux humanistes ne descendraient-ils pas dans la rue pour proposer leurs solutions aux salariés en colère ?
Les Français, ces paysans (2013)
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation