L’avenir des relations diplomatiques entre la France et la Syrie

L’avenir des relations diplomatiques entre la France et la Syrie
Voici la version écrite développée et sourcée d’une intervention lors d’un colloque organisé le 27 janvier 2023 par l’Académie de Géopolitique de Paris, consacré aux « enjeux géostratégiques du rapprochement franco-syrien ».

Je m’efforce d’y évaluer « les conditions du rétablissement diplomatiques entre la France et la Syrie ». Le lien vidéo de cette intervention figure en tête de l’article.

Je recommande également le visionnage des interventions de Michel Raimbaud, Naserin Aboud, Majed Nehme, Fayçal Jalloul, et Sami Kleib.

Introduction : Un contexte plus favorable qu’il n’a jamais été depuis 12 ans

Depuis la fin de l’année 2018, un dégel diplomatique de plus en plus net et franc s’observe en faveur de la Syrie, avec qui un grand nombre de pays avaient rompu leurs relations à la fin du mois de mai 2012, suite au massacre sous faux drapeau de Houla1. Un certain nombre de ces pays, autoproclamés « amis de la Syrie », qui ont adopté une posture et endossé un rôle, au mieux inamical, au pire hostile, par tous les moyens existants imaginables – diplomatiques, militaires, médiatiques, économiques –, montrent à présent par des signes clairs qu’ils veulent commencer enfin à donner un sens à cette périphrase, en nouant ou renouant progressivement, à des niveaux divers, avec la Syrie. Commençons par passer en revue les étapes de ce dégel diplomatique.

  • Novembre 2018 : une délégation de parlementaires jordaniens est chaleureusement reçue à Damas, après la réouverture de la frontière un mois plus tôt
  • Décembre 2018 : el Assad rencontre à Damas au président soudanais Omar el Béchir
  • 27 décembre 2018 : Les Émirats Arabes Unis rétablissent leur ambassade à Damas.
  • 11 septembre 2019 : rapprochement avec la Hongrie. Annonce qu’à partir de l’année suivante, « un diplomate chargé de la Syrie se rendra occasionnellement sur place pour suivre le soutien humanitaire et diriger les affaires consulaires. »
  • 18 novembre 2019 : accueil au parlement égyptien de l’ambassadeur de Syrie en Égypte, qui reçoit l’ovation debout des députés. Visite sur fond de rapprochement syro-égyptien contre les visées impérialistes de la Turquie dans le nord de la Syrie et en Libye. Est évoquée positivement en cette occasion la réintégration dans la Ligue arabe de la Syrie, qui en avait été exclue le 12 novembre 2011.
  • 1er mars 2020 : signature d’un protocole d’entente prévoyant la réouverture des missions diplomatiques entre la Syrie et le gouvernement libyen basé à Benghazi (ANL) à la suite d’une réunion entre le ministre syrien des affaires étrangères Walid al-Mouallem et une délégation libyenne.
  • 9 mars 2021 : le ministre des Affaires étrangères émirati, déclare que les sanctions économiques contre la Syrie doivent être abrogées et que la Syrie doit être réintégrée à la Ligue arabe
  • 4 mai 2021 : l’Arabie saoudite annonce sa volonté de rouvrir son ambassade dans la capitale syrienne, ce qui débouche le 26 mai sur la visite du chef du service de renseignement saoudien à Damas où il rencontre Bachar el-Assad.
  • début juin 2021 : la Grèce, la Hongrie et la Serbie envoient des légats à Damas afin de préparer un retour des services diplomatiques de leur pays respectifs en Syrie.
  • 24 juin 2021 : la Grèce confirme la réouverture officielle de son ambassade à Damas. Chypre s’apprête également à rouvrir son ambassade.
  • 3 septembre 2021 : Le Liban envoie en Syrie une délégation de haut niveau comme jamais elle n’en avait encore envoyé depuis le début de la guerre.
  • 3 octobre 2021 : premier appel téléphonique depuis dix ans entre le roi Abdallah III de Jordanie et Bachar el Assad. Il est question de la levée des sanctions économiques et de la réhabilitation internationale de la Syrie.
  • 13 octobre 2021 : Interpol, dans un communiqué, annonce sa décision de « lever les mesures coercitives appliquées sur la Syrie ».
  • 19 octobre 2022 : Le président Bachar el-Assad reçoit une délégation du Hamas conduite par le chef du bureau des relations arabes et islamiques du mouvement palestinien. Objectif : se réconcilier après 10 années de brouille. En 2011, le chef du Hamas Khaled Mechaal, adoptant la ligne des frères musulmans, avait quitté Damas pour le Qatar, après avoir pris parti contre la Syrie d’al-Assad.
  • 31 décembre 2021 : le Bahreïn nomme un ambassadeur en Syrie pour la première fois depuis dix ans.
  • 28 décembre 2022 : les ministres de la défense turc et syrien se rencontrent à Moscou avec leur homologue russe. Ce sont les premiers pourparlers officiels de haut niveau entre Ankara et Damas depuis la rupture diplomatique entre les deux pays en 2012. En toile de fond, la possibilité de s’unir contre les Forces Démocratique Syriennes Kurdes installées à l’est de l’Euphrate, sous parapluie étasunien, assimilées par la Turquie à la version syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan, qu’elle combat sur son sol comme organisation terroriste.

Signalons que pendant toutes ces années, la Syrie n’était qu’en apparence mise au ban de la « communauté internationale » puisque des pays comme l’Inde, le Pakistan, la Chine, le Vietnam, l’Indonésie, la Russie, le Venezuela, Cuba, la Corée du nord, Oman, l’Iran, l’Irak, l’Algérie, n’ont cessé de manifester leur amitié aux autorités syriennes, se montrant ces dernières années plus chaleureuses que jamais, à mesure que le dégel de la situation diplomatique de la Syrie se confirmait et s’amplifiait. Comme l’on souligné des intervenants de ce colloque, on peut dire qu’en ce début de XXIème siècle, il n’y a pas une mais deux communautés internationales, celle dont fait partie la Syrie étant la plus vaste et la plus peuplée, à défaut d’être la plus puissante.

Les circonstances sont donc plus favorables que jamais pour que s’amorce une réconciliation entre la France et la Syrie, au moins que s’ouvre un débat sur le sujet, sujet ouvert par l’académie de géopolitique avec l’organisation du présent colloque, ce 27 janvier 2023.

Les médias « français », fanatiquement anti Assad depuis le début de la guerre d’agression contre la Syrie en mars 2011, semblent avoir eux-mêmes pris la mesure de cette nouvelle donne, comme en témoignent un certain nombre d’articles aux titres explicites publiés ces derniers temps. Florilège :

  • décembre 2018, « Bachar el Assad sur le chemin d’un retour en grâce ? » l’express
  • janvier 2019 : « vers un retour en grâce de Bachar el-Assad auprès des dirigeants arabes » : France 24
  • mars 2019 « Syrie : huit ans plus tard, le retour en grâce progressif de Bachar el-Assad », rfi.fr
  • novembre 2021, « Syrie, pourquoi Bachar el Assad fait un retour en trompe l’œil sur la scène internationale » jdd.fr
  • novembre 2021, « Syrie : Bachar el Assad de retour sur la scène arabe », la Croix
  • février 2022 : « Syrie : retour à la case Bachar ? », France 24

Dans cette première intervention, nous allons nous efforcer d’évaluer les conditions du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Syrie, qui est très loin d’aller de soi, même en considérant les récents rapprochements avec l’Arabie saoudite et la Turquie, farouches ennemies de la Syrie pendant toute la décennie 2010. Si, sur le court terme, les circonstances semblent favorables, et si sur le long terme, il est inévitable que ces relations soient rétablies – comme la France a fini par se réconcilier avec l’Angleterre, ou avec l’Allemagne – nous allons montrer que même les premiers pas d’une réconciliation sont pour le moment à peu près inenvisageables pour au moins quatre raisons que nous allons exposer :

1) une guerre des mots qui est allée extrêmement, trop loin, pendant près de douze ans entre les deux pays, surtout par la faute de la France.

2) un ensemble de prises de position et actions d’ingérence extrêmement hostiles de la France dans tous les domaines, inacceptables pour la Syrie, doublées d’une intransigeance absolue, confinant à la psychorigidité, à les maintenir inchangées pendant ces 12 ans.

3) le sort édifiant réservé aux rares hommes politiques français qui ont osé prôné une ligne plus douce envers la Syrie.

4) Le caractère irrationnel et antinational des décisions du pouvoir français dans tous les domaines depuis au moins quinze ans.

12 années d’échanges verbaux houleux entre les dirigeants français et la présidence syrienne

Le rétablissement des relations diplomatiques avec la France signifierait la réconciliation avec le pays qui, en dehors du monde arabe, lui a été le plus hostile avec Les États-Unis, le Royaume-Uni, et Israël. Au-delà du soutien direct à la « rébellion », les dirigeants français successifs se sont en effet montrés extrêmement virulents en mots, insultant, éructant, menaçant, appelant inlassablement à des comparutions devant les tribunaux de la « justice internationale », Bachar el Assad réservant en retour ses sarcasmes les plus mordants, par médias interposés, aux dirigeants français, accusant ces derniers d’avoir été depuis la première heure les soutiens les plus décomplexés du terrorisme et des djihadistes. Si nous voulons évaluer les conditions du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Syrie, il faut commencer par récapituler quelques moments phares de cette longue et houleuse diplomatie médiatique.

  • 26 avril 2011 : Nicolas Sarkozy en marge du sommet franco italien dénonce la « brutalité inacceptable » du régime syrien. « Nous sommes aux côtés des peuples arabes dans leur aspiration à la démocratie et à la liberté, c’est un changement historique, c’est un tournant majeur dans la politique étrangère de notre pays et c’est un changement dont nous assumons toutes les conséquences ».
  • 1er novembre 2011 : Nicolas Sarkozy lors de la conférence des ambassadeurs affirme que Bachar al-Assad a « commis l’irréparable : le pouvoir à Damas aurait tort de croire qu’il est protégé de son propre peuple. La France et ses partenaires feront tout ce qui est légalement possible pour que triomphe les aspirations du peuple syrien à la liberté et à la démocratie ».
  • 6 novembre 2011 : Son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé : « Je pense personnellement qu’on n’a plus rien à attendre de ce régime et que, malgré ses annonces de temps en temps, il ne s’engagera pas dans un programme de réformes ».
  • 15 février 2012 : À Strasbourg le même Alain Juppé appelle les Européens à accroître la pression sur Damas. « Bachar el-Assad tombera. Il devra rendre compte du massacre de son peuple ».
  • 18 août 2012 : En visite dans un camp de réfugiés syriens à la frontière syro-turque, Laurent Fabius prononce la phrase devenue célèbre : « Bachar el-Assad n’a pas le droit d’être sur la terre ».
  • 25 août 2013 : Suite au massacre chimique sous faux drapeau de la Ghouta2, le 23 août 20132, une pression maximale est exercée sur les autorités syriennes, et les déclarations scandalisées fusent de toutes parts, les « amis de la Syrie » appelant tous de concert à saisir l’occasion pour provoquer par la force un changement de régime. Citons en deux concernant la France : Laurent Fabius, lors d’une conférence de presse à Jérusalem avec Netanyahou : « le massacre chimique qui est intervenu en Syrie et dont à l’évidence la responsabilité est celle du régime syrien ne peut pas être accepté, et la position de la France, comme je l’espère la position de toutes les démocraties, est qu’il y a besoin d’une réaction forte (…) Les indications sont totalement convergentes sur l’étendue du massacre et la responsabilité écrasante du régime (…) En ce qui nous concerne, il n’y a aucun doute sur la matérialité des faits et leur origine. » François Hollande, deux jours plus tard lors de la conférence des ambassadeurs : « Tout porte à croire que c’est le régime qui a commis cet acte abject. Car c’est une ignominie que de recourir à des armes que la communauté des nations a bannies depuis 90 ans dans toutes ses conventions (…) Aujourd’hui, notre responsabilité, c’est de rechercher la réponse la plus appropriée aux exactions du régime syrien, une fois achevé l’essentiel de la mission d’enquête des Nations Unies. (…) La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision effroyable de gazer des innocents. » Faisons ici une pause pour suggérer que cet épisode ne peut que peser très lourd dans la rancœur que doit nourrir le pouvoir syrien envers le pouvoir français : en cette occasion, les autorités françaises ont mis tout leur poids dans la balance pour en finir une bonne fois pour toutes avec le « régime syrien », ce qui aurait abouti in fine, si la manœuvre avait réussi, à une campagne de bombardements massifs sur les modèles irakien et libyen, et au meurtre ou à l’exécution du président el Assad et des principaux dignitaires syriens suite à une parodie de procès. Nous connaissons l’histoire, et nous connaissons le destin de Saddam Husseïn et de Mouammar Kadhafi. Ajoutons que jamais par la suite politiques et médias français ne sont revenus sur cette accusation, malgré les nombreux rapports, articles, études et révélations tendant à innocenter le pouvoir syrien, répétant ad nauseam pendant des années, jusqu’à nos jours, le mantra : « Bachar el-Assad, le président qui a massacré et gazé son propre peuple. »
  • 3 décembre 2014 : Bachar el-Assad, dans le contexte de la mise en place de la coalition internationale contre Daech six mois plus tôt : « ces interventions aériennes nous auraient certainement aidés si elles étaient sérieuses et efficaces. C’est nous qui menons les combats terrestres contre Daech, et nous n’avons constaté aucun changement, surtout que la Turquie apporte toujours un soutien direct dans ces régions. On ne peut pas mettre fin au terrorisme par des frappes aériennes. Des forces terrestres qui connaissent la géographie et agissent en même temps sont indispensables. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu de résultats réels après deux mois de campagnes menées par la coalition. » A cette critique de la duplicité de la mal nommée « coalition internationale », qui effectivement n’a d’abord combattu vraiment Daech qu’en Irak, s’ajoute une pique contre François Hollande : « Je ne le connais même pas. Je ne suis ni l’ennemi personnel ni le rival d’Hollande. Je pense que c’est plutôt Daech qui est son rival, puisque leurs cotes de popularité sont très proches. L’exécutif français actuel œuvre à l’encontre des intérêts (du peuple syrien) et de ceux du peuple français. »
  • 28 septembre 2015 : Lors de la 70ème assemblée générale de l’ONU, François Hollande déclare : « Bachar el-Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution. »/ « Ce n’est pas parce qu’un groupe terroriste (allusion à Daech) massacre lui aussi qu’il y aurait finalement une forme de pardon ou d’amnistie pour le régime qui a créé cette situation. »/ « J’en vois qui déploient tous leurs efforts pour incorporer Bachar el-Assad. »/ mais ce serait « une énorme erreur de coopérer avec le gouvernement syrien et ses forces armées. » ; en effet : « « on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau »/ « Obama a dit très clairement que l’avenir de la Syrie ne passe pas par Bachar el-Assad. Cela fait trois ans que j’exprime cette position. Composer avec Assad, je m’y refuse, Obama aussi. »
  • 14 février 2017 : Bachar el-Assad accorde un entretien exceptionnel à Europe 1 et au Figaro, duquel on peut extraire les propos suivants : 1) « Ils ont dit au début qu’il s’agissait de manifestants pacifiques, après quoi ils ont dit qu’ils n’étaient plus si pacifiques, qu’ils étaient des combattants mais toujours modérés. Mais en fait, ils ne réalisaient pas qu’ils soutenaient la base même d’Al-Qaïda et de Daech. (…) Ils feraient mieux de s’inquiéter de leur propre population, de les protéger des attaques terroristes qui ont lieu à cause de leur politique. » 2) A propos d’une éventuelle mission d’Amnesty international en Syrie« Est-ce que vous accepteriez, si vous le demandez à votre gouvernement, qu’une délégation syrienne soit envoyée chez vous pour enquêter sur les raisons pour lesquelles votre armée sous Nicolas Sarkozy puis sous François Hollande a attaqué les Libyens, et tué des dizaines ou des centaines de milliers d’entre eux ? Est-ce que nous pouvons aller enquêter sur l’argent que Sarkozy a reçu de Kadhafi ? » 3) A propos de la prochaine élection prés française : « Ce qui est important, ce ne sont pas nos relations diplomatiques. Il s’agit essentiellement et en premier lieu de la ligne politique de la France. Si nous n’avons pas de relations diplomatiques, ce n’est pas un gros problème pour le moment. Même si pour le long terme, il faudrait avoir de bonnes relations avec n’importe quel pays, y compris des relations diplomatiques. » 4) « La politique de la France, depuis le premier jour a consisté à soutenir les terroristes en Syrie, et est directement responsable des tueries dans notre pays. Ce sont eux qui le disent. Je ne les accuse pas. Ils ont dit à plusieurs reprises avoir soutenu la guerre. François Hollande a même récemment déclaré que cela avait été une erreur de ne pas avoir déclenché la guerre en 2013. Ce sont eux qui ont dit qu’ils envoyaient de l’armement à ce qu’ils appellent des groupes « modérés », et qui sont en fait des terroristes. Ce sont eux qui l’ont dit, pas moi. Les Américains ont tenu les mêmes propos, les Français aussi. Alors si vous revenez aux déclarations de vos dirigeants durant ces deux, trois ou quatre dernières années, vous trouverez bien plus d’une déclaration faite par des responsables français. Ils s’accusent eux-mêmes. » 5) Questionné sur François Hollande : « Il ne s’agit pas de moi et de lui. Il n’y a rien de personnel là dedans. Je ne l’ai jamais rencontré. Pour être franc, je ne me soucie aucunement de lui avec ses 11% de popularité, ce qui je pense s’appelle toucher le fond comme jamais aucun de ses prédécesseurs dans l’histoire de France. » 6) « nous ne misons pas sur les élections dans les pays occidentaux, pour la simple raison que nous ne prenons pas les dirigeants occidentaux au mot quand ils font campagne. Ce qu’ils disent, c’est pour gagner les électeurs, et non dans l’intérêt de leur pays. C’est un fait, je vous parle franchement. »

L’interviou intégrale de Bachar el-Assad à Europe 1 et au Figaro

  • 21 juin 2017 : Emmanuel Macron, juste après son élection, à quelques heures d’un nouveau Conseil européen à Bruxelles : « Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur ce sujetc’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à toutCar personne ne m’a présenté son successeur légitime ! »/ « Il y a deux priorités : Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. (…) Deux : la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un État failli. » Alors aggiornamento ou pas aggiornamento ?… Très vite la ligne va changer, ou plutôt revenir à son angle initial…
  • 19 septembre 2017 :  Macron, lors d’une conférence de presse, après son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU : « Bachar el-Assad, c’est un criminel, il devra être jugé et répondre de ses crimes devant la justice internationale. » Grand seigneur, il est vrai qu’il concède : « Mais je n’ai pas fait de sa destitution un préalable, par pragmatisme ».
  • 17 décembre 2017 : Assad s’en prend vivement à la France :
  • « La France a été le porte-étendard du soutien au terrorisme en Syrie dès les premiers jours »/ « Elle n’est pas en position de donner une évaluation d’une conférence de paix »/ « Celui qui soutient le terrorisme n’a pas le droit de parler de paix et n’a même pas le droit de s’ingérer dans les affaires syriennes »
  • 19 décembre 2017 : Emmanuel Macron sur France 2, reprend l’élément de langage « ni Bachar ni Daech ! » : « Bachar est l’ennemi du peuple syrien. Après, il devra répondre de ses crimes devant son peuple, devant la justice internationale ».
  • 19 décembre 2017 : Son ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian répond à son tour : « Quand on a été le premier à libérer de prison les jihadistes de Daech, on ne donne pas de leçon. Quand on a passé son temps à massacrer son peuple, on a généralement un peu plus de discrétion »
  • 20 avril 2018 : Bachar el-Assad rend sa légion d’honneur à la France, en réaction à la campagne de bombardements menée conjointement avec les États-Unis une semaine plus tôt. La décision de rendre la décoration a été prise après « la participation de la France à l’agression tripartite aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni contre la Syrie le 14 avril. Il n’est point d’honneur pour le président Assad de porter une décoration attribuée par un régime esclave (…) des États-Unis qui soutient les terroristes ».
  • 24 mars 2022 : Nicolas de Rivère, représentant permanent de la France à l’ONU, au Conseil de sécurité : « La guerre en Syrie dure depuis maintenant 11 ans. Le 15 mars a marqué un bien triste anniversaire : celui du soulèvement pacifique des Syriens qui manifestaient pour demander la liberté, des réformes politiques et un gouvernement qui respecte les droits de l’Homme. En réponse, le régime a répondu par la plus grande brutalité et réprimé ces manifestations dans le sang. Hier, le mouvement des femmes syriennes a organisé en marge de la 66ème session de la Commission de la condition de la femme une réunion sur la justice. Ces femmes ont récolté des témoignages de victimes de violences sexuelles en Syrie. Ceux-ci complètent les études conduites par les Nations unies. Leur conclusion est claire : les violences sexuelles constituent une pratique systémique du régime. Bachar el-Assad s’est rendu coupable de crimes de guerre. Ignorer ces crimes c’est remettre en question la possibilité d’une paix durable. C’est la raison pour laquelle la France s’oppose aux efforts de normalisation. La réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe ne mettra pas fin aux ingérences extérieures ni à l’instabilité régionale. La France continuera son combat contre l’impunité. Les responsables de tous les crimes devront répondre de leurs actes. La population syrienne continue à payer le prix fort de ce conflit. Depuis 2001, plus de 350 000 civils ont perdu la vie. Près de 14 millions de personnes ont été contraintes de fuir. Elles ne peuvent toujours pas rentrer chez elles, sans craindre les violences, les arrestations arbitraires et la torture. La situation humanitaire continue de se détériorer. 14,6 millions de personnes ont désormais besoin d’aide. Les Européens ont toujours répondu présents, en étant, de loin, les premiers pourvoyeurs d’aide en Syrie depuis 2011. (…) Sans solution politique, les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeureront inchangées. »

On constate certes une raréfaction des accusations des dirigeants français contre la Syrie à partir de 2018, ce qui correspond précisément à la période où le dégel diplomatique commence à s’observer envers la Syrie. Nous ne sommes plus à l’ère où les Juppé, Sarkozy, Fabius, Hollande et le Drian haranguaient sans complexe, le visage déformé par la haine, du haut de la barricade, mais la position demeure intransigeante, et sur des enjeux cruciaux que nous allons à présent détailler.

Les sept péchés capitaux de la France du point de vue de la Syrie

La France a joué, comme en Libye, le rôle d’aboyeur en chef de la coalition des « amis de la Syrie ». Dans la guerre des mots, c’est sans doute l’un des pays qui est allé le plus loin, avons-nous vu, avec une constance  admirable sous trois présidents successifs et à vrai dire interchangeables du point de vue de la politique étrangère. Mais à la limite on pourrait considérer que ce n’est pas la seule – songeons seulement à la Turquie d’Erdogan –, qu’au fond il ne s’agit que de mots, que pour ce qui est du fond et du concret, l’essentiel n’a pas été touché. La France pourrait ainsi reprendre place aux côtés des vrais amis de la Syrie, tel un cousin bizarre affligé du syndrome de la Tourette dont on s’accommoderait des irrépressibles bordées d’injures et d’invectives, qu’au fond on aime bien et qui sait à l’occasion rendre d’appréciables services. Le problème c’est que du point de vue des actes, c’est encore bien pire. S’il veut renouer diplomatiquement avec la Syrie, le pouvoir français n’a pas seulement à se faire pardonner ses insultes et ses menaces, il devra aussi lâcher du lest, tout ou partie, sur un nombre impressionnant de volets où il s’est mouillé, dans le mauvais sens du terme, jusqu’au cou.

Le contre exemple du Hamas palestinien et de la Turquie

La Syrie n’acceptera pas de tourner la  page sans qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Deux exemples récents qu’il faut commencer par rappeler montrent que le rétablissement des relations diplomatiques ne pourront avoir lieu sans contrepartie.

– Quand le 19 octobre 2022, Khalil al Hayya, chef du bureau des relations arabes et islamiques du Hamas, est accueilli à Damas, symbole du rétablissement des relations entre le mouvement palestinien et les autorités syriennes, il faut préciser que ces dernières refusaient toute normalisation avant des excuses officielles des dirigeants du mouvement pour leur soutien affiché à l’insurrection en Syrie au début des événements. Et la France, on va le voir, a beaucoup, beaucoup plus à se faire pardonner que le Hamas.

– Quand le 28 décembre 2022, les ministres de la défense syrien et turc se rencontrent à Moscou avec leur homologue russe, c’est un signe positif, prélude à beaucoup mieux, mais la réconciliation ne pourra se faire d’un claquement de doigt. Il suffit de lire les brèves quotidiennes de l’agence de presse SANA : l’occupation turque du nord de la Syrie y est presque tous les jours vigoureusement dénoncée, de même que le pillage des usines syriennes ou la participation des soldats turcs aux combats aux côtés de Hayat Tahrir el Cham dans la province d’Idlib, et les insultes et accusations de Recep Tayyip Erdogan n’ont pas été oubliées. Erdogan a intérêt à se réconcilier avec Assad – et inversement – pour contrer l’influence des kurdes FDS au nord-est de la Syrie dont il ne veut à aucun prix, mais la contrepartie clairement énoncée par Assad, c’est que l’armée turque – au grand minimum – devra vider tout le nord du territoire qu’elle occupe depuis des années, dans la province d’Idlib. Et la France, malheureusement n’a aucune cause commune du même ordre à faire miroiter à la Syrie.

Les États contre lesquels Assad et la Syrie ont une dent ne pourront donc pas revenir faire ami ami à si bon compte. Et il est facile de mesurer que c’est contre la France, au moins pour ce qui concerne l’Union européenne, que la Syrie a la dent la plus longue et la plus aiguisée.

Livraison d’armes aux combattants modérés ou fanatiques, publiquement assumé à plusieurs reprises.

Ce fait a été maintes et maintes fois dénoncé par Assad, et l’on songe en particulier à la passe d’armes de décembre 2017. Pour rappel : « La France a été le porte-étendard du soutien au terrorisme en Syrie dès les premiers jours. Ce sont eux qui le disent. Je ne les accuse pas. Ils ont dit à plusieurs reprises avoir soutenu la guerre. François Hollande a même récemment déclaré que cela avait été une erreur de ne pas avoir déclenché la guerre en 2013. Ce sont eux qui ont dit qu’ils envoyaient de l’armement à ce qu’ils appellent des groupes « modérés », et qui sont en fait des terroristes. Ce sont eux qui l’ont dit, pas moi. Les Américains ont tenu les mêmes propos, les Français aussi. Alors si vous revenez aux déclarations de vos dirigeants durant ces deux, trois ou quatre dernières années, vous trouverez bien plus d’une déclaration faite par des responsables français. Ils s’accusent eux-mêmes. » Aux livraisons d’armes, on doit ajouter la reconnaissance précoce – le 21 janvier 2012 – du désormais mythique Conseil National de Transition syrien, le soutien indéfectible aux « rebelles modérés » d’Alep est fin 2016, et le soutien actuel implicite aux « rebelles modérés » d’Hayat Tahrir el Cham, vestige du front al Nosra, dans la région d’Idlib.

Soutien total, de 2011 à 2023, aux sanctions économiques qui asphyxient la Syrie et empêchent son redémarrage économique.

Avec un cynisme décomplexé et dans une magnifique inversion accusatoire, le site diplomatie.gouv.fr, qui exprime la position officielle de la politique étrangère de la France, explique en 2021 la prorogation des sanctions par le fait qu’« après plus de dix ans de guerre en Syrie, le régime syrien demeure le principal responsable de la crise humanitaire en Syrie, où 13 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire d’urgence. (…) La Syrie ne fait l’objet d’aucun embargo général. Les produits alimentaires, de première nécessité et les produits médicaux et sanitaires ne font l’objet d’aucune sanction européenne. » Il est par ailleurs expliqué qu’aucune entrave n’est apportée à l’aide humanitaire, et que « plus de 24 milliards d’euros ont été apportés par l’Union européenne en réponse à la crise syrienne durant la décennie », l’entité supranationale s’auto-gratifiant ainsi mensongèrement du rôle du bienfaiteur. La politique de sanctions économiques, qualifiées par la rapporteuse spéciale de l’ONU en novembre 2022 de « crimes contre l’humanité », eu égard aux conséquences terribles sur la population, ne sont rien d’autre que le prolongement inique de la guerre que les « amis de la Syrie » n’ont su gagner par la voie militaire.

Soutien constant aux Kurdes des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) à l’est de l’Euphrate, sous le haut patronage du criminel de guerre Bernard-Henri Levy, avec le projet avoué d’y créer un État autonome.

En septembre 2017, la porte-parole du Quai d’Orsay, Agnès Romatet-Espagne, proche collaboratrice de Laurent Fabius, ne prend aucune pincette pour afficher l’objectif : « Dans le processus de rétablissement de la stabilité à Raqqa, il est indispensable de créer un État légitime et efficace pour gérer la ville. La France est en train de débattre sérieusement avec ses alliés au sein de la coalition internationale anti Daech et cela est l’une de ses priorités. » Il faudra lâcher les proxies FDS, s’excuser platement d’avoir publiquement projeté la création d’un État autonome au nord de la Syrie, qui plus est dansles zones les plus riches en pétrole qui lui font cruellement défaut, pétrole actuellement volé par les États-Unis qui ne se sont retirés que du nord de la Syrie à la fin de l’année 2019, conservant leurs bases militaires proches des champs de pétrole les plus riches.

Maintien de l’aide alimentaire à la zone d’Idlib via une résolution des Nations Unies, maintenant sous perfusion cette région qui échappe encore aux autorités syriennes…

… malgré les campagnes aube d’Idlib I et II de 2019, qui ont permis de reconquérir un long rectangle de territoire à l’ouest d’Alep et de l’autoroute stratégique M-5. Là encore, si cette politique humanitaire est présentée sous les traits de la noblesse et de la générosité (soulager de la famine et de la pauvreté absolue des centaines de milliers d’habitants privés de tout, dernières poches de la résistance contre le plus ignoble dictateur que l’humanité ait jamais engendré, juste derrière Adolphe Hitler et Pol Pot), il s’agit dans les faits d’une politique de soutien aux alliés djihadistes de la première heure, le Hayat Tahrir el Cham, reliquat du Front al Nosra, et hostile à la Syrie puisque cette politique – extrêmement coûteuse pour le contribuable français – retarde le retour complet de la région d’Idlib dans la giron de l’État syrien. Dans l’esprit du pouvoir syrien, l’aide humanitaire apportée à la région d’Idlib est la prolongation du soutien militaire apporté par au groupes djihadistes à partir de 2012.

Bombardement de sites en Syrie le 14 avril 2018 après le pseudo massacre chimique de Douma.

François Hollande en rêvait et en rêve encore, comme il l’a confié le 10 novembre 2021 lors de son audition au procès des attentats du 13 novembre, Emmanuel Macron l’a fait. Deux sites de la région de Homs ont été frappés, prétendument de production et de stockage d’armes chimiques. Cinq frégates – trois frégates multimissions FREMM, une frégate anti-aérienne et une frégate anti-sous-marine – et un pétrolier ravitailleur ont été engagés, ainsi que cinq Rafales, quatre Mirage 2000-5, deux Awacs et six ravitailleurs. Son ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a eu le culot de déclarer dans la foulée : « Un plan de sortie de crise doit être trouvé, avec une solution politique. Nous sommes prêts à y travailler dès maintenant avec tous les pays qui peuvent y contribuer ».

Procès pour crimes contre l’humanité de plus en plus fréquents intentés en France contre des présumés sbires du « régime syrien »

… pour continuer de faire peser sur lui par ricochet l’accusation de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Ces procès sont menés en instrumentalisant des réfugiés syriens. Politique cohérente – concertée avec l’Allemagne – avec toutes les accusations portées contre le « régime syrien », accusé de crimes contre l’humanité, avec demandes inlassables que les responsables de ces crimes, Bachar el Assad au premier chef, soient jugés dans le cadre d’une juridiction internationale. A noter, que les magistrats du pôle génocide créé en 2010, sont de plus en plus saisis d’affaires concernant la Syrie. Comme par magie, ces dernières années, la Syrie est devenu le pays le plus important pour le pôle génocide, rattrapant peu à peu le Rwanda. Notons que dans les deux cas, les poursuites épargnent soigneusement les véritables responsables des drames syrien et rwandais, à savoir les milices djihadistes et le président à vie de la démocratie rwandaise, Paul Kagamé, accréditant le caractère instrumentalisé de cette nouvelle entité dépendant du tribunal de grande instance de Paris. Cet instrument judiciaire est extrêmement pernicieux et immoral dans la mesure où sous couvert de rendre une justice « universelle », de défendre les victimes de crimes de guerre, de soulager des populations civiles opprimées, de promouvoir les droits de l’homme, son objectif réel est ni plus ni moins que de prolonger l’opération de diabolisation du « régime syrien » en blanchissant par ricochet toutes les forces responsables du chaos syrien depuis 12 ans. Tout naturellement, à partir de février 2022, le pôle génocide a tourné son œil vers l’Ukraine et les crimes contre l’humanité imaginaires commis par l’armée russe, après avoir gardé sa paupière obstinément close pendant huit longues années sur les crimes contre l’humanité réels commis par l’armée et les services de renseignement ukrainiens au Donbass contre les populations russophones.

Empêchement du retour des réfugiés dans leur pays natal par des campagnes médiatiques diffamatoires sur la réalité de la situation en Syrie.

Cet empêchement s’opère notamment par la publicité enthousiaste et démesurée donnée à des rapports de commande accablants pilotés par des ONG comme Human Rights Watch ou Amnesty International. On peut citer par exemple « Tu vas au devant de la mort », de la seconde, publié en septembre 2011, dépeignant la Syrie comme le pays des viols, de la torture, et des disparitions forcées, dans lequel « aucune partie n’est sûre pour les personnes qui y retournent ». En plus des sanctions économiques, la Syrie souffre d’une très grave pénurie de main d’œuvre, des millions de Syriens s’étant réfugiés dans les pays limitrophes et en Europe. Cette propagande contre le retour des réfugiés constitue encore une politique d’ingérence inacceptable du point de vue syrien.

L’obstacle supplémentaire de la guerre russo-ukrainienne

On doit ajouter à ces sept péchés capitaux un autre aspect rédhibitoire récent de la politique étrangère de la France, qui n’est pas spécifiquement dirigé contre la Syrie, mais qui crée un obstacle supplémentaire à la reprise des relations diplomatiques à court ou moyen terme. Dans le même temps où la Syrie rompait ses relations diplomatiques avec l’Ukraine, en solidarité avec son allié russe, le pouvoir français s’engageait corps et âme aux côtés de l’Ukraine, les médias se lançant dans une hystérique campagne de diabolisation du « régime russe », rappelant les plus belles heures de la propagande anti syrienne. Syrie et France se trouvent ainsi dans deux camps irréductiblement opposés, avec la terriblement inquiétante épée de Damoclès d’une Troisième Guerre Mondiale opposant les deux « communautés internationales ».

Lynchage des rares hommes politiques français suggérant d’infléchir la position de la France

Les insultes et menaces continuelles depuis dix ans, le financement et l’armement des « rebelles modérés », le soutien inconditionnel aux kurdes séparatistes FDS, aux « rebelles » djihadistes d’Idlib, l’empêchement retour des réfugiés, les sanctions économiques, sont autant de signes de la mauvaise volonté des autorités françaises de reprendre langue avec Damas. Un troisième indice de cette répugnance est le traitement réservé aux très rares hommes politiques français ayant osé, ces dernières années, prendre position, même timidement, en faveur d’une ouverture envers les autorités syriennes, à tout le moins de l’abaissement d’un cran ou deux de la position radicalement hostile. Ces exemples sont si rares qu’un seul exemple nous vient à l’esprit : celui de François Fillon pendant la campagne présidentielle de 2017.

Le 9 janvier 2017, François Fillon, en pleine pré campagne présidentielle, ouvre une brèche dans le discours officiel en affirmant qu’il juge indispensable de discuter avec Bachar el-Assad, qu’il considère comme un rempart contre le terrorisme islamiste. Il appelle à la réouverture d’« au moins d’un poste diplomatique » pour avoir un « canal de discussions avec le régime syrien ».

Bachar el-Assad lui délivre aussitôt un satisfecit : « Il faut être prudent car nous avons appris dans cette région, au cours des dernières années, que de nombreux responsables disent une chose et font le contraire »/ « Je ne veux pas dire que M. Fillon fera la même chose, j’espère que non, mais il faut attendre de voir car nous n’avons pas de contacts. Mais, jusqu’à présent, ce qu’il dit, s’il le met en application, serait une très bonne chose »

Deux jours plus tard, Fillon rétropédale publiquement, sous le feu d’une pression médiatique et politique intense : « Bachar el-Assad est un dictateur, c’est un manipulateur et j’attire l’attention des médias français sur le fait qu’il n’est pas forcément indispensable de se prêter aux manipulations de Bachar el-Assad » « On voit bien que c’est une manipulation. Un dictateur qui fait des déclarations devant les télés françaises sur la politique française, ça s’appelle une manipulation »/ « Non, je ne souhaite pas le maintien de Bachar el-Assad au pouvoir c’est un dictateur avec un passé sanglant (…). Je dis simplement (…) que Bachar el-Assad a le soutien d’une partie de son peuple (…) et la diplomatie française et la diplomatie occidentale, en refusant l’idée même de parler avec Bachar el-Assad, s’est exclue du conflit syrien. »

Le rétropédalage de François Fillon

Ses adversaires politiques ont alors eu beau jeu de moquer la palinodie, ainsi Stéphane le Foll, porte-parole (PS) du gouvernement : « J’ai noté qu’après la proposition faite par Bachar el-Assad à François Fillon, François Fillon avait pris beaucoup de distance et a affirmé ce matin (…) qu’il considérait Bachar el-Assad comme un manipulateur et un dictateur, ce que n’a cessé de rappeler le président de la République et les ministres des Affaires étrangères depuis le début de la crise syrienne ». Favorable par ailleurs à un rapprochement avec la Russie, François Fillon vivra à partir de là une descente aux enfers médiatique, politique et judiciaire : la punition classique pour tout homme politique s’écartant un tant soit peu de la ligne infrangible fixée par le pouvoir profond, quelque soit le sujet concerné. François Fillon est notamment tombé pour une affaires de costumes là où Emmanuel Macron s’en est tiré indemne après avoir bradé à l’Étasunien General Electrics la branche énergie d’Alstom, fleuron de l’industrie française.

Plus généralement, on remarque que tous les voyages effectués à titre privé ou indépendant en Syrie par des députés français, ont été traités avec mépris et désapprobation dans les médias, et les directions de leurs partis respectifs ont toujours tenu à s’en désolidariser, quand ils ne les condamnaient pas avec fermeté.

Citons par exemple Manuels Valls le 26 février 2015, commentant la visite de trois parlementaires français à Damas :  « Les parlementaires peuvent se déplacer, mais je veux condamner avec la plus grande vigueur cette initiative. Que des parlementaires aient ainsi, sans crier gare, rencontré un boucher, je crois que c’est une faute morale. Ils ne sont pas allés rencontrer n’importe qui. Ils sont allés rencontrer Bachar al-Assad, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts. »

Ce traitement réservé aux rares hommes politiques français un tant soit peu « déviants » – sur ce sujet comme sur d’autres, du reste –, traitement qui peut aller jusqu’au lynchage en cas d’appels du pied trop prononcés, est évidemment conçu comme un avertissement sévère pour ceux qui oseraient secouer le joug qui conditionne leur position, et constitue un indice fort qu’il y a peu, sinon rien à attendre de la caste au pouvoir à l’heure actuelle, pour ce qui concerne le rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie.

Les autorités françaises ne prennent plus depuis longtemps des décisions rationnelles et soucieuses du bien commun.

Il faut pour finir exposer un 4ème indice étayant la très faible probabilité du rétablissement des relations diplomatiques de la France avec la Syrie. Quand la Turquie veut renouer avec la Syrie, c’est au nom de la lutte contre les FDS à l’est de l’Euphrate. Dans le cas de l’Égypte, c’est pour contrecarrer l’impérialisme turc. Pour l’Arabie saoudite, il s’agit de retrouver une influence au Liban et diminuer l’influence de l’Iran. Il s’agit là d’arguments parfaitement rationnels, conformes à l’intérêt national, aussi imparfaits soit les États de ces pays respectifs.

Or le pouvoir français, depuis trop longtemps, a pris l’habitude de ne prendre que des décisions étrangères à l’intérêt national bien compris.

Rappelons une poignée de décisions récentes et emblématiques de cette dérive :

  • le bradage du secteur énergie d’Alstom 2014 par Emmanuel Macron
  • la diabolisation et la répression sanglante des Gilets jaunes en 2018/2019
  • la destruction de pans entiers de l’économie par le confinement en 2020/2021
  • la quasi obligation vaccinale et la radiation de fonctionnaires comme les infirmiers et les pompiers en janvier 2022
  • l’hystérie antirusse dans la guerre contre l’Ukraine depuis février 2022, engageant le pays tout entier dans une politique étrangère très dangereuse, et entraînant des conséquences économiques désastreuses.
  • le retour en cette occasion dans le giron étasunien malgré la trahison du bris du méga contrat de vente de sous marins nucléaires à l’Australie.
  • le trucage de plus en plus manifeste des élections présidentielles, de différentes façons, qui indiquent que des forces occultes instrumentalisent la France et ce qui lui reste de puissance, forces qui ne sauraient tolérer la portée au pouvoir de citoyens véritablement compétents, honnêtes, patriotes, soucieux du bien commun, et susceptibles de nettoyer, d’un grand détournement de fleuve, les écuries d’Augias françaises.
  • la persécution tous azimuts des opposants et des médias alternatifs, uniformément englobés dans la catégorie englobante péjorative de « complotistes », et un contrôle de plus en plus sévère de l’information et de la liberté d’expression.

Pour toutes ces raisons, il nous semble hautement improbable – et en fait inconcevable – que le pouvoir français actuel, qui ne représente plus le peuple français depuis bien longtemps, renoue des relations diplomatiques avec la Syrie dans un proche ou moyen avenir, pour peu que cette dernière le veuille.

Nous souhaitons toutefois terminer sur une note optimiste en évoquant deux scénarios possibles de rétablissement d’icelles. Hautement improbables, ils ne laissent pas d’exister et méritent d’être mentionnés.

En guise de conclusion : deux scénarios optimistes

1) Les effets du mimétisme

Si le mouvement amorcé depuis 2018 se poursuit, on peut estimer que de plus en plus d’États reprendront ou tenteront de reprendre leurs relations diplomatiques avec la Syrie : c’est le sens de l’Histoire. On peut pronostiquer que le premier vrai point de bascule sera le retour de la Syrie dans la Ligue arabe, et qu’ensuite, un par un, les états de l’Union européenne reprendront le chemin de Damas, à l’exception de certains États jusqu’au-boutistes comme l’Allemagne et le Royaume-Uni. De plus en plus isolées, et effrayées par l’étendue de leur perte d’influence, les autorités françaises seront alors tentées, par mimétisme, de rejoindre le mouvement, nonobstant tous les énormes obstacles que nous avons passés en revue. On peut imaginer qu’elles s’appuient, alors, sur des alliés forts ou anciens dans la région, qui pourront servir d’intermédiaires. On peut penser ici au Liban, à l’Arabie saoudite, et aux Émirats arabes Unis. Ne pensons pas au Qatar qui est encore exactement sur la même ligne que les États-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne. C’est ainsi que le Hamas a pu renouer avec Damas, par le truchement d’un allié commun, le Hezbollah.

N’oublions pas toutefois que la Syrie n’acceptera pas de rétablir ces relations comme si de rien n’avait été pendant 12 ans. Il faudra que la France, comme le Hamas, présente des excuses officielles, et fasse disparaître toutes les grosses pierres d’achoppement que nous avons évoquées, qui sont autant d’atteintes gravissimes et inacceptables pour la Syrie à sa souveraineté.

Dans l’absolu ce n’est pas impossible, mais nous estimons qu’avec la caste au pouvoir, antinationale et jusqu’au-boutiste dans ses positions irrationnelles, un tel aggiornamento est tout simplement une vue de l’esprit chimérique.

2) L’hypothèse d’un changement de régime en France

Ce qui nous amène vers un second scénario, beaucoup plus optimiste mais encore plus improbable, quoique…

Si le problème, le frein, l’obstacle, est cette caste politico-médiatique qui règne sur le pays de façon de plus en plus félonne, dictatoriale et insoucieuse du bien commun, dont le but inavoué mais réel est la dissolution et la disparition du pays, et bien alors pourquoi ne pas miser en France, à court ou moyen terme, sur un « changement de régime », dans lequel tout un peuple se rebellerait contre un État tutélaire devenu à force étranger et ennemi.

La position anti-syrienne du pouvoir français ne touche la population française que de loin, comme dans tous les autres pays de l’Union Européenne démocratiquement assujettis à la même caste mondialiste.

Mais les plus récentes décisions irrationnelles et antinationales sur le plan intérieur que nous avons énumérées s’attaquent directement aux citoyens français. La répression des gilets jaunes et la gestion calamiteuse et dictatoriale de la pseudo pandémie de Covid 19, en particulier, sont des sources d’un profond mécontentement profond dans la population – deux parmi bien d’autres –, qui s’accumulant pourraient bien déboucher à court ou moyen terme sur un mouvement de libération nationale, que l’on appellera par la suite le « printemps français », qui pourrait s’étendre ensuite à toute l’Europe, à moins qu’il ne commence ailleurs et essaime ensuite en France. Le pays serait libéré par une « Armée Française Libre ». Serait mis en place un « Conseil Français de Transition ».

Une nouvelle caste, plus lucide, indépendante et soucieuse du bien commun, prendra alors les rênes du pouvoir, et après avoir mené victorieusement la révolution, aura à cœur d’infléchir la position du pouvoir français, parfois de façon radicale, tant sur les questions de politique intérieure qu’extérieure.

Il sera beaucoup plus facile pour les autorités syriennes d’accepter d’ouvrir le débat avec ce nouveau pouvoir, incomparablement plus légitime que le précédent, authentiquement ami de la Syrie, et disposé à faire sauter tous les verrous empêchant le rétablissement des rétablissements diplomatiques. Ce nouveau pouvoir n’appellera évidemment plus, avec force injures et crachats, à l’effacement de la surface de la terre de Bachar el-Assad, ou sa traduction devant la justice internationale. Au contraire, il traduira les anciens dirigeants français et les plus hautes instances médiatiques devant les tribunaux, et, le crime de haute de trahison ayant été rétabli dans la constitution, des milliers de traîtres écoperont de peines exceptionnellement sévères. Nous supposons qu’un tel bouleversement, en plus d’être salutaire pour la France et les Français, aurait l’effet d’un coup de baguette magique sur les relations diplomatiques entre la France et la Syrie, et cela sans condition aucune. Peut-être un « pôle génocide syrien » nous demandera-t-il amicalement l’extradition de quelques figures de haut niveau qui ont été les plus virulentes en paroles ou en décisions contre la Syrie ces douze dernières années, afin de les faire payer pour leurs crimes, selon la législation en vigueur en Syrie; ce que le nouveau pouvoir français concédera bien volontiers, après les avoir lui-même fait passer en jugement pour haute trahison.

François Belliot, février 2023


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