Les membres de la communauté occidentale sont tout à fait à l’aise pour se rallier aux récits de l’OTAN sur les causes du conflit armé en Ukraine et ne se mettent pas dans l’embarras de douter et de tester les postulats qui dominent l’opinion publique. Pourtant, sortir de cette zone de confort intellectuelle – qui n’est en fait, psychologiquement, qu’une zone d’angoisse – est un exercice important pour tous ceux qui prônent la recherche de la vérité, qui peut souvent différer sensiblement des récits établis par les principaux protagonistes sur la question. Dans cette analyse, je n’aborderai pas tous les éléments historiques de chacune des parties en conflit qui sont clairement importants et qui ont conduit à la confrontation dans laquelle le monde se trouve aujourd’hui, mais je souhaite mettre en évidence le rôle réellement dominant, dissimulé à l’œil nu, de l’acteur clé de ce conflit : les États-Unis d’Amérique.
L’histoire nous montre qu’en dépit des apparences, aucune guerre du passé n’a jamais eu une cause unique.
Au cœur de tout conflit majeur, il y a sans aucun doute un projet, fait de causes multiples et de sous-objectifs à atteindre dans le cadre d’un grand but ultime, souvent bien au-delà de la guerre elle-même.
Les éléments déclencheurs mis en avant par les parties en conflit ne sont que le reflet d’un aboutissement, la pointe d’un iceberg de divisions profondes qui non seulement ne peuvent plus être résolues diplomatiquement, mais souvent le contraire : une solution diplomatique serait un obstacle à la réalisation d’objectifs prédéterminés et soigneusement dissimulés.
Instaurer la démocratie
Fondamentalement, les États-Unis d’Amérique et accessoirement, le reste de la communauté occidentale, soutiennent que le but des conflits armés qu’ils ont impulsés de par le monde est d’établir des régimes d’État de droit, de libertés individuelles et collectives et d’apporter la lumière de la démocratie dans les territoires victimes de la tyrannie, de la dictature et de la barbarie.
Cependant, après avoir étudié plus de cinquante guerres et interventions armées menées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, directement par le bras armé des États-Unis et/ou indirectement par le biais de pays satellites, et en en analysant le résultat final, nous pouvons faire une observation significative :
• soit les États-Unis d’Amérique sont incroyablement mauvais pour atteindre leurs objectifs – car ces derniers ne sont jamais atteints ;
• soit, et pour être plus sérieux, les véritables raisons du processus continu de destruction de certaines parties du monde n’ont pas vraiment, ou pour être plus précis, n’ont rien à voir avec celles annoncées.
L’objectivité de cette observation n’est pas à mettre en doute car il existe trop de précédents de « réalisations » dont les résultats finaux nous sont bien connus. Pour ne nommer que les plus importantes d’entre elles, citons les guerres en Corée et en Chine, au Guatemala, au Vietnam et au Cambodge, en Irak, en Bosnie et en Serbie, en Afghanistan, en Libye et en Syrie.
Sans parler des nombreuses interventions « secondaires » des EU tout au long de l’histoire moderne, y compris les bombardements directs de civils comme à Cuba, au Congo, au Laos, à Grenade, au Liban, au Salvador, au Nicaragua, en Iran, au Panama, au Koweït, en Somalie, au Soudan, au Yémen et au Pakistan.
Et même cette liste est loin d’être exhaustive, car elle ne tient pas compte des nombreuses opérations confidentielles menées dans le monde pour instaurer « les valeurs démocratiques et les droits de l’homme ».
Constater l’état général des sociétés « libérées », de leur qualité de vie avant et après le processus de « démocratisatio n » qui a eu lieu, ne peut que provoquer une grande perplexité chez l’observateur.
La survie des États-Unis d’Amérique
Sans négliger le fait que le peuple des EU est, en lui-même, tout à fait sympathique et amical – un fait qui ne peut en aucun cas être nié par ceux qui ont eu l’expérience de la communication et des relations interpersonnelles avec leurs représentants, y compris moi-même, qui ai le privilège de connaître un certain nombre d’entre eux qui sont porteurs de hautes valeurs humaines et pour lesquels j’ai de l’amitié et un profond respect – on ne peut, cependant, nier également le fait que la liberté de pensée du peuple des EU, dans son écrasante majorité, est profondément soumise au pouvoir de la propagande d’État conduite depuis de nombreuses décennies à travers pratiquement tous les canaux d’information existants directement contrôlés par « l’État profond » (1) et ses lobbyistes, poursuivant leurs propres objectifs au nom de la nation étasunienne.
Les nobles motifs des interventions armées étasuniennes dans le monde, tels qu’ils sont présentés à la population du pays diffèrent peu de ceux annoncés sur la scène internationale.
Contrairement aux récits affichés par certains antagonistes des États-Unis, pour l’« État profond », les véritables raisons des massacres répétés à grande échelle – il est difficile de qualifier autrement ce modus operandi – n’ont pas pour objectif ultime fondamental la domination du monde, en soi, pour le plaisir de la domination.
Cette formulation ne serait pas tout à fait exacte car l’objectif ultime est bien plus pragmatique : la survie des États-Unis d’Amérique.
Pas seulement la survie en tant qu’entité étatique, mais la survie des structures qui permettent la réalisation de super-profits pour les élites d’une part, et d’autre part, la survie du modèle et du niveau de vie acquis par le pays avec la fin de la Grande Dépression, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et la relance de l’économie étasunienne par l’industrie de guerre.
Cette survie n’est tout simplement pas possible sans une domination mondiale militaro-économique, ou plus précisément militaro-financière.
Que le budget militaire des États-Unis, appelé budget de la défense, dépasse à lui seul un tiers des dépenses mondiales de défense n’est pas du tout une coïncidence historique. C’est un élément crucial pour maintenir la domination financière à l’échelle mondiale.
Le concept de survie au détriment de la domination mondiale a été clairement formulé à la fin de la guerre froide par Paul Wolfowitz, sous-secrétaire à la Défense, dans sa « doctrine Wolfowitz », qui considérait les États-Unis comme la seule superpuissance restante dans le monde et dont l’objectif principal était de maintenir ce statut : « empêcher la réapparition d’un nouveau rival, soit dans l’ancienne Union soviétique, soit ailleurs, qui constituerait une menace pour l’ordre précédemment représenté par l’Union soviétique ».
Les principaux piliers du conflit en Ukraine
Laissons de côté les récits nobles qui font appel à la sensibilité psychologique des masses occidentales pour remplir le rôle qui leur est assigné – l’approbation – et examinons les causes réelles, les piliers sous-jacents d’une nouvelle confrontation dans le cadre général de la survie des États-Unis – le conflit en Ukraine.
Ces piliers sous-jacents et interdépendants sont au nombre de trois :
• le maintien de la domination mondiale du système financier étasunien
• l’affaiblissement de l’économie européenne en détruisant autant que possible les relations entre l’UE et la Russie
• l’affaiblissement de la position de la Russie dans le cadre d’un futur conflit avec la Chine
Tous les autres éléments du conflit actuel en Ukraine, du côté étasunien, tels que le lobbying de l’industrie militaire étasunienne, la conquête de nouveaux marchés énergétiques, la protection d’importants actifs économiques étasuniens sur le territoire ukrainien, les systèmes de corruption, le revanchisme personnel des élites russophobes, celles issues de l’immigration est-européenne et bien d’autres – ne m’apparaissent que comme des ajouts, des dérivés et des conséquences des trois raisons principales énumérées ci-dessus.
Le premier de ces trois piliers sous-jacents du conflit en Ukraine : le maintien de la domination mondiale du système financier étasunien.
La domination mondiale du système financier étasunien repose sur un certain nombre d’éléments, au premier rang desquels l’extraterritorialité du droit étasunien, les bons du Trésor et le pétrodollar.
Il est tout à fait impossible de connaître ou de comprendre les véritables raisons non seulement des événements en Ukraine, mais aussi de presque toutes les guerres initiées directement par les États-Unis d’Amérique, sans une vision précise des éléments mentionnés. Examinons-les donc en détail.
Le dollar et l’exterritorialité du droit étasunien comme arme de guerre économique
Le concept d’extraterritorialité du droit étasunien est l’application du droit étasunien en dehors des frontières des États-Unis, ce qui permet aux juges étasuniens de prendre des mesures juridiques sur des faits survenus n’importe où dans le monde.
Le principal élément servant de prétexte aux poursuites est l’utilisation de la monnaie nationale étasunienne dans les transactions.
Ainsi, les mécanismes juridiques d’extraterritorialité du droit étasunien offrent aux entreprises étasuniennes un sérieux avantage concurrentiel. Totalement illégal en vertu du droit commercial international, mais légitime en vertu du droit des EU.
Comment cela fonctionne-t-il ?
L’extraterritorialité des lois étasuniennes oblige les entreprises étrangères qui utilisent le dollar dans leurs opérations à se conformer aux normes étasuniennes et à se soumettre à la surveillance et au contrôle de l’État étasunien, ce qui permet à ce dernier de légaliser l’espionnage économique et industriel et de mettre en œuvre des actions visant à empêcher le développement d’entreprises étasuniennes concurrentes.
Dans les poursuites émanant du ministère de la Justice, les entreprises étrangères incriminées sont tenues de « régler » leur situation en assumant une surveillance pendant plusieurs années consécutives dans le cadre d’un « programme de conformité ».
Afin d’asseoir leur domination mondiale, d’innombrables poursuites sont lancées sans raison valable, dont le but réel est l’accès aux informations confidentielles des concurrents et l’ingérence économique.
De plus, en exposant artificiellement les entreprises étrangères qui intéressent les groupes étasuniens à des amendes importantes en faveur des États-Unis, la justice étasunienne place les victimes dans une position où ces dernières ne sont pas enclines à montrer de l’hostilité à l’idée d’être rachetées par des entreprises étasuniennes, afin d’éviter de graves pertes financières.
Obligations du trésor étasunien et pétrodollars
Il existe un terme en comptabilité qui désigne les créances irrécouvrables.
Les bons du Trésor étasunien sont des obligations qui sont achetées et remboursées en dollars et sont essentiellement des créances douteuses.
Pourquoi ?
Aujourd’hui, la dette souveraine des EU a dépassé 31 000 milliards de dollars et continue de croître de plusieurs millions de dollars chaque jour. Ce chiffre dépasse largement le PIB annuel des États-Unis et transforme la majeure partie des titres émis par le Trésor étasunien en actifs plus que douteux, puisque ces derniers sont remboursables en monnaie nationale. Une monnaie qui n’est pas, pour la plupart, soutenue par des actifs réels.
La solvabilité des obligations du Trésor est garantie uniquement par l’impression de monnaie et la confiance dans le dollar, qui ne repose pas sur sa valeur réelle, mais sur la domination militaire étasunienne du monde.
Qu’est-ce que cela a à voir avec la Russie ?
Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Fédération de Russie a commencé à se débarrasser progressivement des obligations du Trésor étasunien. Depuis 2014, début du conflit fomenté par les États-Unis en Ukraine au travers d’un coup d’État, la Russie s’est débarrassée de la quasi-totalité de la dette étasunienne. Alors qu’en 2010, la Russie était l’un des dix premiers détenteurs d’obligations du Trésor étasunien, avec plus de 176 milliards de dollars, en 2015 elle ne détenait plus qu’environ 90 milliards de dollars, ce qui signifie que la masse totale de ces actifs a presque diminué de moitié en 5 ans. Aujourd’hui, la Russie ne détient qu’environ deux milliards de dette étasunienne, un montant extrêmement insignifiant, comparable à l’erreur mathématique sur le marché mondial des obligations du Trésor.
En tandem avec la Fédération de Russie, la République populaire de Chine se débarrasse aussi progressivement de ce dangereux débiteur. Alors qu’en 2015, elle détenait plus de 1270 milliards de dollars d’obligations étasuniennes, ce montant est aujourd’hui inférieur à 970 milliards de dollars, soit une réduction d’un quart en 7 ans. Le montant de la dette publique étasunienne détenue par la Chine est maintenant à son plus bas niveau depuis 12 ans.
En plus de se débarrasser des bons du Trésor étasunien, la Fédération de Russie a entamé un processus progressif visant à libérer le monde du système des pétrodollars.
Une spirale vicieuse s’est enclenchée : un assouplissement du système des pétrodollars frappera durement le marché des obligations du Trésor étasunien. La baisse de la demande du dollar sur la scène internationale entraînera automatiquement une dévaluation de la monnaie et, de facto, une baisse de la demande de bons du Trésor de Washington, ce qui conduit mécaniquement à une augmentation du taux d’intérêt sur ces derniers, rendant impossible le financement du niveau actuel de la dette publique des EU.
Les détracteurs du postulat selon lequel une baisse du dollar par rapport à de nombreuses devises causera des dommages très importants à l’économie des EU font valoir qu’un dollar plus faible entraînera une augmentation significative des exportations étasuniennes et profitera donc aux producteurs étasuniens, ce qui réduira en fait le déficit commercial étasunien.
S’ils ont absolument raison quant à l’impact bénéfique de la dévaluation du dollar sur les exportations étasuniennes, ils ont radicalement tort quant à l’impact final inévitablement destructeur du processus sur l’économie étasunienne, car leur position ignore un élément fondamental : les États-Unis sont un pays qui s’est engagé sur la voie de la désindustrialisation depuis des décennies, et l’impact positif sur les exportations sera relativement faible face à un déficit commercial gigantesque. Un déficit ayant déjà atteint des niveaux record dans l’histoire des États-Unis en 2021 et avec la dévaluation du dollar et donc des coûts d’importation plus élevés à tous les niveaux, aura un effet absolument perturbateur.
Ainsi, le « règlement de comptes » avec les deux responsables de la situation actuelle – la Russie et la Chine – est un élément-clé de la stratégie de survie des États-Unis.
Pétrodollars
Avec l’effondrement des accords de Bretton Woods en 1971, la dépendance mondiale à l’égard du dollar a commencé à diminuer très dangereusement pour l’économie étasunienne et cette dernière a dû chercher un autre moyen d’accroître la demande mondiale pour sa monnaie nationale.
Un moyen a été trouvé. En 1979, le « pétrodollar » est né de l’accord de coopération économique entre les États-Unis et l’Arabie saoudite : « du pétrole contre des dollars ». Dans le cadre de cet accord, l’Arabie saoudite s’est engagée à vendre son pétrole au reste du monde uniquement en dollars et à réinvestir ses réserves excédentaires en devises étasuniennes dans des bons du Trésor étasunien et dans des entreprises étasuniennes.
En retour, les États-Unis ont pris des engagements et garanti la sécurité militaire de l’Arabie saoudite.
Par la suite, l’accord « pétrole contre dollars » a été étendu aux autres pays de l’OPEP, sans aucune compensation de la part des EU, et a conduit à une émission exponentielle du dollar. Progressivement, le dollar est devenu la principale monnaie d’échange et d’autres matières premières, ce qui lui a assuré la place de monnaie de réserve mondiale et a conféré aux États-Unis une supériorité inégalée et d’énormes privilèges.
Nous assistons aujourd’hui à une rupture stratégique des relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite en raison de plusieurs facteurs majeurs, parmi lesquels une réduction très importante des importations étasuniennes de pétrole brut, dont l’Arabie était le principal fournisseur, la fin du soutien étasunien à la guerre de l’Arabie saoudite contre le Yémen et l’intention du président Joe Biden de sauver l’accord nucléaire avec les mollahs chiites d’Iran, ennemis jurés des Saoudiens sunnites.
Cette triple « trahison » des EU a été très mal vécue par le Royaume, particulièrement sensible aux questions d’honneur dans les relations bilatérales. Les différences stratégiques entre les deux pays ont atteint leur paroxysme avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, lorsque les autorités saoudiennes ont été confrontées à un choix existentiel : continuer à avancer dans le sillage des États-Unis ou rejoindre le camp de leurs principaux adversaires, à savoir la Chine et la Russie. La deuxième solution a été retenue.
Contrairement aux EU, qui ont négligé les intérêts stratégiques des Saoudiens, la Chine a au contraire intensifié sa coopération avec l’Arabie saoudite. Et cette relation bilatérale ne se limite pas au secteur des combustibles fossiles, mais se développe considérablement dans le domaine des infrastructures, du commerce et des investissements. Non seulement les grands investissements chinois en Arabie sont en constante augmentation et la Chine achète désormais près d’un quart des exportations mondiales de pétrole du Royaume, mais le fonds souverain du Royaume prévoit également d’effectuer des investissements importants dans des entreprises chinoises dans des secteurs stratégiques.
Parallèlement, en août 2021, un accord de coopération militaire a été signé entre le Royaume saoudien et la Fédération de Russie.
Comme la Russie, l’Arabie saoudite s’est engagée dans la voie de la dédollarisation des échanges et des investissements avec la Chine.
L’action conjointe et synchronisée de la Russie, de la Chine et des pays de l’OPEP sur la voie de la dédollarisation progressive s’est accélérée avec le déclenchement du conflit en Ukraine, qui a fait tomber les masques, et aura un effet d’avalanche presque inévitable contre la domination mondiale du système financier étasunien à l’avenir, car les banques centrales de nombreux pays sont encouragées à repenser la logique de l’accumulation des réserves ainsi que les mérites de l’investissement dans les bons du Trésor étasunien.
Une déclaration de guerre au dollar
L’action militaire en Ukraine contre la Russie et la guerre imminente dans la région Asie-Pacifique contre la Chine ne sont rien d’autre qu’une partie de la réaction des EU, considérant les actions de la Russie et de la Chine contre la domination mondiale du dollar comme une véritable déclaration de guerre.
Et les États-Unis ont toutes les raisons du monde de prendre cette déclaration plus que sérieusement, car la cession massive des bons du Trésor étasunien, associée au déplacement progressif du système des pétrodollars par des puissances comme la Russie et la Chine, n’est rien d’autre que le début de la fin de l’économie étasunienne telle que nous la connaissons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – le début de la fin des États-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Les pays qui, par le passé, ont osé menacer la domination mondiale du système monétaire étasunien ont payé cher leur audace.
La difficulté, c’est que la Fédération de Russie, comme la République populaire de Chine, sont des puissances militaires qui ne peuvent en aucun cas être attaquées directement – ce qui équivaudrait à un suicide. Seules des guerres « par procuration » et hybrides peuvent avoir lieu contre ces deux pays.
Aujourd’hui nous sommes dans la « phase russe », demain nous serons dans la « phase chinoise » de la confrontation.
Il est important de noter que les événements en Ukraine ne sont en aucun cas la première mais la troisième grande guerre étasunienne du dollar, sans parler des deux guerres « froides » du dollar.
Quelles sont ces guerres autres que celles que nous connaissons aujourd’hui ?
Il s’agit de la guerre en Irak et de la guerre en Libye. Et les deux guerres « froides » du dollar sont les guerres contre l’Iran et contre le Vénézuela. (2)
La première grande guerre du dollar
En parlant de la première guerre du dollar, c’est-à-dire la guerre en Irak, il faut mettre de côté la fameuse fiole d’anthrax imaginaire que le secrétaire d’État Colin Powell a secoué à l’ONU le 5 février 2003, dans le but de détruire le pays et de massacrer le peuple irakien – et se rappeler les faits. Des faits bien éloignés de l’imagination étasunienne.
En octobre 2000, le président irakien Saddam Hussein a déclaré qu’il n’était plus disposé à vendre son pétrole pour des dollars et que les ventes futures des fournitures énergétiques du pays se feraient uniquement en euros.
Une telle déclaration revenait à signer l’arrêt de mort de son auteur.
Selon une étude approfondie menée par l’American Civil Liberties Union et la Foundation for American Journalistic Independence, entre 2001 et 2003, le gouvernement des EU a fait 935 fausses déclarations sur l’Irak, dont 260 directement de George W. Bush. Et sur les 260 déclarations délibérément fausses faites par le président des EU, 232 concernaient la présence d’armes de destruction massive inexistantes en Irak.
La fiole de Colin Powell, après les 254 fausses déclarations de ce dernier sur le même sujet, n’était que l’aboutissement d’une longue et minutieuse préparation de l’opinion publique nationale et internationale à l’extermination imminente de la menace irakienne par la devise étasunienne.
Et lorsque Saddam Hussein a mis sa « menace » à exécution en février 2003 en vendant plus de 3 milliards de barils de pétrole brut pour une valeur de 26 milliards d’euros, un mois plus tard, les États-Unis ont envahi et totalement détruit l’Irak, dont on connaît les conséquences tragiques avec la destruction de l’ensemble des infrastructures du pays et un nombre colossal de victimes civiles. Jusqu’à ce jour, les autorités étasuniennes affirment fermement que cette guerre n’avait absolument rien à voir avec la volonté de l’Irak de se libérer du système des pétrodollars.
Compte tenu de l’impunité judiciaire totale des crimes contre l’humanité commis par les gouvernements des EU successifs, ces derniers ne prennent même pas la peine de les couvrir par des histoires qui méritent la moindre crédibilité aux yeux de la communauté internationale.
Les faits sont bien connus et nous aurions pu nous arrêter là. Mais pour rendre encore plus clair le processus de « protection » des intérêts EU, y compris les événements actuels en Ukraine, parlons aussi de l’avant-dernière – la deuxième grande guerre du dollar : la guerre en Libye.
La deuxième grande guerre du dollar
Six ans se sont écoulés depuis l’élimination de la menace irakienne – une nouvelle menace existentielle pour le dollar est apparue en la personne de quelqu’un qui a refusé de tirer la leçon du destin tragique de Saddam Hussein : Mouammar Kadhafi.
En 2009, alors qu’il était président de l’Union africaine, Mouammar Kadhafi a proposé aux États du continent africain une véritable révolution monétaire qui avait toutes les chances de changer le destin du continent et qui a donc été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme : échapper à la domination du dollar en créant une union monétaire africaine dans laquelle le pétrole et les autres ressources naturelles africaines exportées seraient principalement payés en dinar-or, une nouvelle monnaie à créer qui serait basée sur les réserves d’or et les actifs financiers.
Suivant l’exemple des pays arabes de l’OPEP qui disposent de leurs propres fonds pétroliers souverains, les pays africains producteurs de pétrole, à commencer par les géants du pétrole et du gaz que sont l’Angola et le Nigeria, ont lancé des processus visant à créer leurs propres fonds nationaux à partir des recettes des exportations de pétrole. Au total, 28 pays africains producteurs de pétrole et de gaz ont participé au projet.
Kadhafi, cependant, a fait une erreur stratégique qui a non seulement « enterré » le dinar-or, mais lui a également coûté la vie.
Il a sous-estimé le fait que, d’une part, pour l’État étasunien et, d’autre part, pour l’« État profond » de Wall Street et de la City de Londres, il était absolument hors de question que ce projet puisse voir le jour.
Parce que non seulement cela mettrait la monnaie des EU en péril existentiel, mais en plus cela priverait les banques de New York et de la City du détournement habituel de milliers de milliards de dollars provenant des exportations de matières premières du continent africain. Le Royaume-Uni est donc en pleine symbiose avec les États-Unis dans sa volonté de détruire une puissance qui représente une menace pour leur bien-être.
Une fois que les « alliés » ont décidé de neutraliser la nouvelle menace, ils ne se sont pas souciés de l’étrange coïncidence temporelle aux yeux des observateurs : plus de 40 ans d’indifférence vis-à-vis de Kadhafi, arrivé au pouvoir en 1969, et une nouvelle guerre civile éclate en Libye dès qu’il a présenté à l’Union africaine un projet de révolution financière.
Après l’invasion et la destruction criminelles de l’Irak sur la base d’un mensonge grossier et délibéré diffusé par l’État étasunien à l’ONU en 2003 par l’intermédiaire de Colin Powell au sujet de prétendues armes de destruction massive prétendument détenues par Saddam Hussein, les États-Unis n’étaient pas disposés à utiliser à nouveau le même schéma d’action et ont dû diversifier la mise en œuvre de l’invasion afin de ne pas s’exposer une fois de plus à des accusations trop évidentes de crimes de guerre.
Alors que le nouveau « printemps arabe » en Libye était sur le point d’être complètement réprimé par l’État libyen, les EU, tout en restant dans l’ombre, ont utilisé leurs satellites et vassaux, la France, la Grande-Bretagne et le Liban, pour arracher à l’oubli la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies contre la Libye – vieille de plus de 35 ans – afin d’attaquer et de détruire le pays.
Et le projet lui-même a été réalisé en violation de la résolution récemment adoptée par les Nations unies : au lieu de la zone d’exclusion aérienne envisagée par la résolution, des bombardements directs de cibles militaires au sol ont eu lieu. Les attaques étaient totalement illégales et en totale violation du droit international : ceux qui ont voté en faveur de l’adaptation de la résolution ont été fermement assurés par les auteurs que le but de l’action était uniquement d’établir une zone d’exclusion aérienne pour protéger les civils, et non de vaincre Kadhafi et/ou de détruire son armée.
Cela signifie que les États-Unis, sous couvert de leurs pays satellites, ont une fois de plus menti à l’ONU afin d’obtenir des motifs légaux pour lancer une action militaire et suivre un plan préétabli afin de détruire une nouvelle menace pour le dollar.
Le fait que les véritables initiateurs de la destruction de la Libye en 2011 étaient les États-Unis et personne d’autre était un secret bien connu.
Et depuis que Wikileaks a publié la correspondance du 2 avril 2011 de l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton et de son conseiller Sid Blumenthal sur le sujet, le « secret » est sorti de l’ombre : Clinton était une actrice-clé de la conspiration occidentale contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et, plus précisément, contre la nouvelle monnaie panafricaine – une menace directe pour le dollar.
Blumenthal écrit à Clinton : « Selon des informations confidentielles obtenues de cette source, le gouvernement Kadhafi possède 143 tonnes d’or, ainsi que des actifs financiers comparables… Cet or a été accumulé avant le début du soulèvement et était destiné à créer une monnaie panafricaine basée sur le dinar-or libyen. »
Comme je l’ai mentionné précédemment, aucune guerre n’a une raison unique d’être menée. Dans le cas de la guerre contre Kadhafi, c’était la même chose : une raison supplémentaire essentielle était l’intérêt personnel d’Hillary Rodham Clinton à jouer le rôle de « dame de fer » dans l’environnement politique étasunien en vue des prochaines élections présidentielles. La guerre équivalait à ce que son parti politique dise : « Regardez, je pourrais écraser un pays entier. Ne doutez donc pas que je suis tout à fait capable de mener le combat électoral. » En avril 2015, Clinton se présente à la présidentielle et, en juillet 2016, elle est officiellement désignée comme candidate du Parti démocrate.
Dans la deuxième grande guerre du dollar, ce n’est pas seulement l’avenir de la Libye, mais celui de tout le continent africain qui a été sacrifié sur l’autel du bien-être de l’économie étasunienne.
Tous ceux qui tentent de mettre en péril le système monétaire étasunien doivent disparaître s’ils ne sont pas assez forts pour mener la confrontation.
Toutefois, s’il s’agit d’une puissance qui ne peut pas être écrasée directement – comme cela s’est produit avec l’Irak et la Libye – des attaques indirectes multimodales à grande échelle sont conçues et réalisées, en restant toujours dans l’ombre, en faisant de l’agresseur l’agressé, afin d’affaiblir économiquement l’ennemi au point que ce dernier doive abandonner ses plans de lutte contre la domination du dollar et soit contraint de se concentrer sur la résolution des problèmes nouvellement apparus.
Le deuxième des trois piliers sous-jacents du conflit en Ukraine : affaiblir l’économie de l’UE en détruisant autant que possible les relations UE-Russie.
Coups d’État en Ukraine
La dégradation maximale et durable des relations entre la Russie et l’Europe, en particulier l’Allemagne qui est le centre de gravité de la puissance économique européenne, est un objectif stratégique des États-Unis pour parvenir à affaiblir le principal concurrent direct des EU sur les marchés mondiaux – l’Union européenne.
Je tiens à souligner que je ne prétends nullement que les zones géographiques visées par les « intérêts » étasuniens n’ont pas de lacunes en matière de démocratie et de libertés individuelles, notamment dans le format occidental.
Je soutiens que la présence ou l’absence de ces nobles concepts ne fait en aucun cas partie de la raison des agressions étasuniennes et n’est qu’un prétexte publicitaire.
Il existe un certain nombre d’exemples vivants de dictatures vraiment sanglantes, porteuses d’une législation médiévale, pas du tout perturbées par l’Occident collectif gravitant autour des États-Unis, et même activement soutenues par ces derniers pour la simple raison de leur soumission à la politique étrangère étasunienne.
Après avoir organisé et mis en œuvre des coups d’État sous couvert de « révolutions de couleur » : en Yougoslavie en 2000 et en Géorgie en 2003, la révolution « orange » a été organisée par les États-Unis en Ukraine, en 2004, dans le but de renverser les forces de droite modérée majoritairement pro-russes et de créer une « Contre-Russie » (3), en établissant un nouveau pouvoir constitué de courants d’extrême droite russophobes, permettant des politiques répondant aux intérêts stratégiques étasuniens.
L’arrivée au pouvoir en Ukraine en 2010 de Viktor Ianoukovitch et de ses politiques globalement pro-russes a créé le besoin d’une nouvelle « révolution ». Profitant des manifestations populaires de 2014 (4), les États-Unis ont une nouvelle fois organisé un coup d’État et restauré un gouvernement fondamentalement russophobe et ultra-nationaliste.
En parlant d’un coup d’État orchestré par les États-Unis, il ne s’agit nullement d’une spéculation, mais d’un fait avéré. Non seulement un certain nombre de déclarations ont été faites par de hauts responsables étasuniens depuis la guerre que nous vivons aujourd’hui à cet égard, mais en remontant jusqu’en 2014, nous en trouvons une confirmation directe. La preuve, qui est l’enregistrement d’une conversation téléphonique interceptée et diffusée par les services secrets russes : une conversation entre Victoria Nuland, la sous-secrétaire d’État étasunienne pour l’Europe et l’Eurasie, et Geoffrey Ross Pyatt, l’ambassadeur étasunien en Ukraine en 2014. L’enregistrement montre Nuland et Pyatt répartissant les postes dans le nouveau gouvernement ukrainien et incrimine directement le gouvernement des EU dans le coup d’État.
Les adversaires de la Russie voudraient mettre en doute l’authenticité de l’enregistrement, mais cela est impossible car Victoria Nuland a commis une grave erreur : au lieu de nier fermement la véracité de l’enregistrement, dans lequel cette dernière insulte incidemment l’Union européenne, Nuland s’est formellement excusée pour ses insultes à l’égard de l’UE et a ainsi confirmé l’authenticité de la conversation enregistrée.
En outre, du côté non gouvernemental, le très décrié George Soros a déclaré dans une interview accordée à CNN fin mai 2014 que le bureau de sa fondation en Ukraine « a joué un rôle important dans les événements qui se déroulent actuellement en Ukraine ».
Les coups d’État et l’instauration d’une « Contre-Russie » en Ukraine par les États-Unis d’Amérique ne pouvaient que provoquer des contre-mesures stratégiques de la part de la Fédération de Russie. Des contre-mesures connues depuis 2014 et qui culminent en février 2022.
Saboter la mise en œuvre des accords de Minsk
Le respect des accords de Minsk, qui aurait permis d’instaurer une paix durable en Ukraine, aurait été un véritable désastre géopolitique pour les États-Unis, avec des conséquences économiques néfastes de grande ampleur qui en auraient découlé. L’échec des arrangements en cours était donc un élément vital pour le camp étasunien, officiellement absent de ces accords.
De 2015 à 2022, dans le cadre du format Normandie, ni Paris ni Berlin n’ont réussi à faire pression sur Kiev pour qu’il accorde l’autonomie et l’amnistie au Donbass. Et ce pour une raison simple : le nouveau président ukrainien, l’oligarque Petro Porochenko, arrivé au pouvoir à la suite du coup d’État de 2014, était représenté aux pourparlers par de profonds intérêts étasuniens. Des intérêts qui correspondent bien à ceux de la nouvelle élite ukrainienne.
Cependant, comme nous le verrons plus tard, une telle pression ne faisait nullement partie des plans de l’Occident.
Il était clair que pour respecter les accords de Minsk, les mouvements ultranationalistes et néonazis ukrainiens – le « bras armé » du coup d’État étasunien de Victoria Nuland – devaient être désarmés immédiatement. Mais le chef de l’organisation paramilitaire ultra-nationaliste Secteur droit [Pravy Sektor], Dmitry Yarosh, a explicitement déclaré qu’il rejetait les accords de Minsk, qu’il considérait comme une violation de la constitution ukrainienne, et qu’il entendait poursuivre la lutte armée.
Cette position des forces ultra-nationalistes en croissance exponentielle convenait au président Porochenko, aux États-Unis et à leurs partenaires occidentaux.
Il existe une vidéo très récente, datant de novembre 2022, dans laquelle l’ancien président ukrainien Petro Porochenko parle des accords de Minsk de 2015. Il admet explicitement :
« Je pense que les accords de Minsk sont un document habilement rédigé. J’avais besoin des accords de Minsk pour obtenir au moins quatre ans et demi pour former l’armée ukrainienne, construire l’économie ukrainienne et entraîner l’armée ukrainienne en collaboration avec l’OTAN afin de créer les meilleures forces armées d’Europe de l’Est qui seraient formées aux normes de l’OTAN. »
Selon cette déclaration d’un personnage-clé des accords de Minsk, les véritables objectifs des négociations n’avaient rien à voir avec ceux affichés – la recherche d’un modus vivendi – mais visaient uniquement à gagner le temps nécessaire à la préparation d’une guerre totale.
Et la récente interview de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, dont on parle beaucoup, accordée à Die Zeit, n’est qu’un écho de la vérité annoncée par Porochenko et une confirmation supplémentaire de ce sur quoi l’opinion publique occidentale a fermé les yeux et continue de les fermer. Et il serait extrêmement myope de séparer ces révélations de Merkel de ses propres « garanties » données au président Ianoukovitch en 2014, qui ont été l’un des facteurs fondamentaux de la mise en œuvre du coup d’État en Ukraine.
Les accords de Minsk n’étaient, en fait, qu’un spectacle, une mise en scène, et ont été de facto sabotés avant même d’être mis en œuvre.(5)
Saboter Nord Stream
Des rumeurs circulent actuellement dans la communauté occidentale sur l’auteur des explosions du gazoduc russe Nord Stream en mer Baltique. Même en faisant abstraction des déclarations irréfléchies faites ces derniers mois par divers responsables étasuniens, qui incriminent considérablement ces derniers, il faut revenir des années en arrière pour affirmer que le sabotage des approvisionnements de l’UE par la Russie ne fait nullement partie des opérations précipitées « dans le feu de l’action » de la guerre actuelle, mais s’inscrit bien dans le cadre des objectifs calculés et stratégiques à long terme de la géopolitique étasunienne.
Déjà, lors d’une interview télévisée de 2014, Condoleezza Rice, la secrétaire d’État de l’époque, avait reconnu l’importance stratégique de rediriger les approvisionnements en gaz et en pétrole de l’Europe de la Russie vers les EU en neutralisant les gazoducs russes : « … à long terme, nous voulons simplement changer la structure de dépendance énergétique [de l’UE]. La rendre plus dépendante de la plateforme énergétique nord-américaine, de l’excellente abondance de pétrole et de gaz que l’on trouve en Amérique du Nord… ».
Avec l’explosion des pipelines Nord Stream 1 et Nord Stream 2, l’objectif est enfin atteint.
Je vous laisse décider si c’est une coïncidence ou non que cette déclaration de la cheffe du département de la politique étrangère des États-Unis ait eu lieu l’année même du coup d’État organisé par les États-Unis en Ukraine – l’année de la prise de contrôle du pouvoir ukrainien par Washington, qui a conduit à une réorientation totale de la politique ukrainienne, dont nous subissons aujourd’hui les conséquences.
Il est bien évident que, d’une part, une telle destruction de l’infrastructure énergétique était impossible en temps de paix, alors qu’aucune propagande ne pouvait permettre le moindre doute sur l’identification du seul coupable et bénéficiaire d’un tel événement sans précédent.
D’autre part, que la mise hors-service des pipelines russes modifie immédiatement la structure de la dépendance énergétique européenne et la réoriente directement vers la plate-forme énergétique nord-étasunienne, étant donné la saturation existante de la demande énergétique du Golfe.
Le pouvoir des entreprises étasuniennes a finalement obtenu l’accès au grand marché européen de l’énergie et, en même temps, la capacité de réguler les coûts de production des secteurs industriels compétitifs du vieux continent.
Une balle dans le pied
Les faits de la réalité économique sont têtus : l’un des fondements de la compétitivité des entreprises industrielles européennes sur le marché mondial vis-à-vis de leurs concurrents directs est depuis des décennies l’énergie fournie par la Russie à bas prix et garantie par des contrats à long terme.
Le refus volontaire (6) par les dirigeants européens actuels de l’accès à cette énergie bon marché rend l’expression « se tirer une balle dans le pied » tout à fait appropriée à la situation dans laquelle se trouve l’industrie européenne à court et moyen terme, ainsi qu’à long terme, à moins que la politique concernée ne change radicalement de direction.
L’un des « effets secondaires » de la mainmise des États-Unis sur les fournitures d’énergie pour l’Europe sera une désindustrialisation partielle de l’UE, qui contribuera directement au nouveau rêve » de réindustrialisation d’un pays en déclin depuis les années 1970 et à laquelle contribueront les entreprises européennes énergivores qui ne pourront plus poursuivre leur activité normale sur le vieux continent et qui chercheront de nouvelles façons de se développer dans les Amériques qui maintiendront les prix d’accès à l’énergie à un niveau relativement modéré.
Déjà en septembre 2022, le coût de production des biens industriels en Allemagne a bondi de 45,8 %, un record depuis 1949, année où l’Office fédéral de la statistique allemand a commencé ses études statistiques. Et cette tendance ne peut que s’accélérer inévitablement.
En outre, le blocage persistant par le gouvernement allemand, ces dernières années, de pratiquement tous les accords de coopération militaro-industrielle entre la France et l’Allemagne, qui auraient pu conduire à un développement significatif d’une industrie de défense européenne autonome, est une preuve indubitable de la domination politique des États-Unis sur l’Allemagne. Et l’annonce par Berlin, au début de la guerre en Ukraine, d’une commande sans précédent d’armements étasuniens ne fait que confirmer ce qui précède.
Avant même la phase vive de la confrontation armée en Ukraine, cette domination a conduit à plusieurs autres succès étasunien majeurs, à savoir un affaiblissement significatif de la compétitivité européenne en matière d’armement, une expansion du marché de l’industrie militaire étasunienne et, surtout, la neutralisation du danger d’un bloc de défense européen véritablement autonome en dehors de l’OTAN, précédemment évoqué au niveau de l’UE.
Néanmoins, malgré son succès indéniable dans l’affaiblissement de l’économie de son rival européen, le parti démocrate, historiquement partisan de la réalisation d’objectifs par le biais de conflits armés (7), a commis une erreur stratégique en refusant de suivre les recommandations de Donald Trump de niveler les relations et de faire la paix avec son ennemi traditionnel, la Russie, afin d’éviter qu’elle ne devienne un pilier important (énergétique et alimentaire) contre les principaux pays européens.
À la fin du conflit en Ukraine – la troisième grande guerre du dollar – il y en aura inévitablement une quatrième, avec la Chine, dont nous ne connaissons pas encore les contours exacts.
La quatrième grande guerre du dollar
Le troisième et dernier des principaux piliers sous-jacents aux événements en Ukraine : l’affaiblissement significatif de la position de la Russie dans le cadre d’un futur conflit avec la Chine, qui sera la quatrième grande guerre du dollar.
Il s’agit d’affaiblir la Russie en tant que partenaire stratégique de la Chine, tant dans le domaine économique, où les deux pays ont une réelle complémentarité, que dans les domaines politico-diplomatique et militaro-technique.
Mais malgré le maintien du statu quo par la Chine à l’égard des actions de la Russie en Ukraine, en raison des menaces directes de sanctions graves émanant de l’Occident collectif dirigé par les États-Unis, cette dernière dresse un constat amer : l’alliance sino-russe est restée inébranlable.
Comme dans le cas de la confrontation en Ukraine et des guerres mentionnées précédemment, il est important de noter les faits suivants : d’une part, la guerre des États-Unis contre la Chine est inévitable, et d’autre part : les véritables raisons de la future guerre sont à nouveau et en grande partie dues au désir de la Chine de se soustraire au système des pétrodollars – ce qui constitue un casus belli « classique » et absolu du point de vue de Washington.
Il existe un certain nombre de faits qui rendent nécessaire une action sévère de la part des EU, dont les principaux peuvent être mentionnés :
La Chine a commencé à acheter du pétrole brut à l’Iran en 2012, en payant en renminbi. L’Iran, dont les contrats pétroliers sont déjà libellés en euros depuis 2016, rejette le dollar.
En 2015, la Chine a lancé des contrats à terme – contrats à terme sur le pétrole à la Shanghai Futures Exchange – dont le but principal est d’effectuer des transactions par le biais de swaps de RMB entre la Russie et la Chine et entre l’Iran et la Chine – un nouvel élément stratégique de la géopolitique chinoise.
En 2017, la Chine, avec ses 8,4 millions de barils/jours d’importations de pétrole brut, est devenue le premier importateur mondial de pétrole brut et, dans le même temps, a signé un accord avec la Banque centrale russe visant à acheter du pétrole russe en monnaie chinoise.
En 2022, comme nous l’avons vu précédemment, la RPC conclut un accord avec l’Arabie saoudite pour acheter du pétrole également en renminbi.
Et ces processus, rappelons-le, se déroulent parallèlement au fait de se débarrasser lentement mais progressivement des bons du Trésor étasuniens, dont la masse en Chine a chuté d’un quart au cours des 7 dernières années.
Une analyse des initiatives prises par l’Empire Céleste en matière de politique économique étrangère au cours de la dernière décennie démontre clairement la menace croissante et exponentielle qui pèse sur la viabilité du modèle économique étasunien moderne. Seules des mesures radicales prises par les autorités étasuniennes à l’encontre de l’adversaire chinois peuvent arrêter ou du moins tenter de ralentir le processus de sape des fondements de l’économie mondiale construits par les EU depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Dans cette logique, une attaque armée chinoise contre Taïwan est un précédent absolument nécessaire pour les États-Unis. Tout sera fait pour que cette initiative chinoise ait lieu.
Toutefois, soyons réalistes : l’État étasunien se rend compte qu’à court terme, dans les années à venir, la Chine ne représente pas une grande menace pour leur économie car :
D’une part, l’internationalisation de la monnaie chinoise est très lente : son poids dans les paiements mondiaux est inférieur à 4%, ce qui est négligeable au regard du poids du PIB chinois. Il en va de même pour la part du renminbi dans les réserves officielles mondiales, qui reste très faible (moins de 3 %) et ne progresse guère.
D’autre part, étant donné les volumes gigantesques d’obligations du Trésor étasunien accumulées par la banque centrale chinoise, s’en débarrasser prendra un temps considérable.
Sans compter qu’à court ou moyen terme, les marchés n’offrent pas une alternative crédible aux bons du Trésor en termes de liquidité.
Une menace existentielle
Dans le même temps, les EU sont bien conscients qu’à long terme, les processus en cours constituent une véritable menace existentielle et, compte tenu de l’expérience des dernières décennies, il est inconcevable que les États-Unis ne procèdent pas à des frappes préventives contre l’auteur de la nouvelle menace.
Le travail de longue haleine des EU en Ukraine pour y installer un régime politique ultra-nationaliste russophobe et développer tous les éléments nécessaires pour placer la Russie dans une situation où ses capacités de combat seraient affaiblies est le même travail de provocation que celui mené par les États-Unis en Asie du Sud-Est à Taïwan, sabotant les espoirs de réunification pacifique dans le cadre de la politique de « Chine unique » de Pékin. Une attaque chinoise armée contre Taïwan serait en soi un coup stratégique pour les États-Unis.
Le scénario est largement similaire à celui du sabotage des accords de Minsk-2, qui a été l’élément-clé qui a déclenché la prétendue « agression russe injustifiée ».
En utilisant Taïwan comme instrument, la provocation d’une « agression injustifiée » par la Chine aura pour principal objectif le lancement de sanctions massives par l’Occident collectif, afin de faire chuter l’économie du principal concurrent des EU. Comme il l’a fait avec l’Ukraine, qui a déjà ébranlé l’économie du deuxième concurrent des États-Unis, l’Union européenne, en privant son industrie des approvisionnements énergétiques russes.
L’un des éléments-clés des sanctions prévues ne sera manifestement pas une « contre-attaque » synchronisée à grande échelle de la coalition transatlantique, étant donné l’affaiblissement croissant de la vieille Europe, trop épuisée par le conflit ukrainien et extrêmement dépendante des liens économiques sino-européens. Il s’agira plus probablement d’un blocus énergétique de la Chine, mené directement par les États-Unis, par la fermeture du détroit de Malacca, dont la Chine dépend pour deux tiers de ses importations de pétrole et de gaz naturel liquéfié.
Par le biais du conflit en Ukraine, les sanctions collectives occidentales contre la Russie devaient jouer un rôle-clé dans l’effondrement projeté de l’économie russe, et par conséquent dans l’incapacité de cette dernière à apporter un soutien significatif à son partenaire stratégique asiatique dans le conflit à venir, en approvisionnant la Chine en énergie par voie terrestre sous la menace de nouvelles sanctions anti-russes, auxquelles une économie à genoux ne pouvait résister.
Le plan initial, qui était censé fonctionner contre la Russie en quelques mois, a complètement échoué en raison d’un certain nombre de facteurs démontrés par les premiers mois du conflit armé en Ukraine. En conséquence, les actions étasuniennes ont été fondamentalement revues et orientées vers une stratégie d’usure à long terme.
La guerre des États-Unis contre la chine, c’est déjà demain ?
Étant maintenant dans une phase active de confrontation contre la « colonne vertébrale » énergétique, militaire et alimentaire de la Chine, qu’est la Russie, des actions-clés contre la Chine devraient être lancées à court ou moyen terme – avant que les Russes ne se remettent de l’affaiblissement attendu causé par la CBO [NDT : sigle russe pour Opération Militaire Spéciale].
Toutefois, même en faisant abstraction de l’élément imprévu que constitue le maintien de la résilience économique russe au choc des sanctions et malgré la rhétorique belliqueuse de Washington sur la concentration des efforts pour lutter sur deux fronts simultanément : contre la Russie et la Chine – l’analyse de la planification de la défense des EU démontre l’impossibilité pratique de cette dernière pour des raisons structurelles.
En 2015, le Pentagone a révisé sa doctrine consistant à pouvoir mener deux guerres majeures simultanément, qui avait dominé les années de la guerre froide et jusqu’à l’année en question, en faveur de la concentration des fonds pour assurer sa victoire dans un seul conflit majeur.
En outre, depuis le déclenchement du conflit armé en Ukraine, les États-Unis ont investi plus de 20 milliards de dollars dans son maintien et envoyé 20 000 soldats en Europe, en plus du contingent déjà présent sur le vieux continent. Alors que, pour ce qui est du soutien à Taïwan contre la Chine, les sénateurs étasuniens ne discutent que d’une aide pouvant atteindre 10 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. En d’autres termes, l’aide représente la moitié de ce que l’Ukraine a reçu au cours des huit premiers mois de la guerre.
Pour ces raisons, il est très peu probable qu’un conflit armé dans la région Asie-Pacifique éclate du côté des EU avant que la guerre en Ukraine ne soit complètement terminée. A moins que la Chine ne prenne l’initiative, consciente de l’affaiblissement militaire ponctuel de son rival.
Dans le même temps, étant donné la synergie sino-russe reflétée dans la formule chinoise « le partenariat avec la Russie n’a pas de frontières », le désir de « neutraliser » la Russie avant une guerre avec la Chine fait partie intégrante de la nouvelle doctrine qui domine l’armée des EU ces dernières années.
Seule une politique étrangère extrêmement agressive, soutenue par une domination militaire et monétaire mondiale, permet aux États-Unis d’occuper leur position actuelle.
Tout autre État ayant commis ne serait-ce qu’une fraction des crimes énumérés dans une petite partie de ces pages serait classé par la « communauté internationale » réunie autour des États-Unis comme un État criminel et paria et serait soumis à un embargo « légal » plus grave que ceux de la Corée du Nord, de l’Iran et de Cuba réunis.
L’Ukraine, un instrument à usage unique
L’une des principales raisons pour lesquelles le cours des événements n’a pas été orienté vers le déclenchement des hostilités russo-ukrainiennes des années plus tôt, sous la présidence de Barack Obama, entre 2014 et 2017, est la ligne d’orientation de la Maison Blanche durant cette période, qui reposait sur le postulat : la domination de l’Ukraine contre la Russie n’est pas un élément existentiel pour les États-Unis.
La politique des EU a connu des changements depuis l’époque d’Obama, mais malgré diverses déclarations, son orientation vis-à-vis de l’Ukraine n’a pas changé d’un iota.
L’Ukraine n’est utilisée que comme un outil à usage unique pour affaiblir la puissance russe, comme un pays mercenaire de l’OTAN, au moins pour la période de confrontation future avec la Chine et, en même temps, pour affaiblir les relations économiques entre la Russie et l’Europe.
Lorsqu’arrivera le moment où le gouvernement des EU jugera que le « retour sur investissement » dans le conflit en Ukraine est suffisant, ou lorsqu’il réalisera que la probabilité d’atteindre le seuil de satisfaction de l’investissement est trop faible, le régime de Kiev sera abandonné. Abandonné de la même manière que le régime de Ghani en Afghanistan a été abandonné, et que les Kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés après avoir partiellement rempli les missions que leur avait confiées les EU, contre la promesse d’un État kurde. Une promesse qui n’engageait que ceux qui y croyaient.
Pour ces raisons, et étant donné qu’en dépit de la pression de sanctions occidentales sans précédent, la Russie continue à maintenir à la fois des finances publiques saines, une dette publique insignifiante, un excédent commercial et aucun déficit budgétaire – la confrontation en Ukraine ne peut qu’être gagnée par la Russie, sous une forme ou une autre.
Cela dit, la victoire pour la Fédération de Russie est un élément existentiel ; pour les États-Unis d’Amérique, comme cela a déjà été mentionné, ce n’est pas le cas (8).
Post-scriptum
Les actions des États-Unis au cours des dernières décennies et celles qui se produiront inévitablement dans les décennies à venir sont l’expression du capitalisme à l’état pur et donc intrinsèquement mauvais, avec pour conséquence de provoquer de dangereux glissements tectoniques, des défaillances fondamentales et une menace existentielle pour une économie de marché mondiale dont le but premier est de trouver un équilibre ; l’expression d’un capitalisme extrêmement éloigné des postulats libéraux d’Adam Smith et de ses idées quelque peu naïves sur la régulation du capital.
Les gouvernements des EU successifs, armés du poing de l’« État profond », le pouvoir des entreprises, ont non seulement justifié les revendications de Karl Marx, leur ennemi tant détesté, mais aussi l’intégralité de Fernand Braudel, pour qui le capitalisme est la recherche de l’élimination des limites de la concurrence, de la restriction de la transparence et de l’établissement de monopoles, ce qui ne peut être réalisé qu’avec la complicité directe de l’État.
N’étant pas un partisan des théories socialistes ou communistes, mais observant le modèle économique étasunien actuel, il m’est cependant difficile de ne pas rendre hommage à la justesse de leur approche du capitalisme.
La confrontation sur le territoire de l’Ukraine n’est que la démonstration d’une étape intermédiaire dans la lutte des États-Unis pour leur survie dans leur état actuel, inconcevable sans la préservation et l’expansion des monopoles et la domination mondiale unipolaire.
À ce stade de la confrontation, plusieurs déclarations de base peuvent être faites.
La détérioration maximale des relations entre la Russie et l’Union européenne, et l’affaiblissement économique substantiel qui en résulte pour le concurrent direct qu’est cette dernière, est une grande réussite des États-Unis.
Mais la stratégie étasunienne a été complètement bouleversée par deux contingences fondamentales interdépendantes qui changent de manière irréversible la face du monde :
Premièrement, la Fédération de Russie s’est montrée, contre toute attente, incomparablement plus résistante que prévu à la pression économique exercée par l’Occident collectif et n’a nullement connu la récession économique très importante et annoncée à la hâte par ses responsables.
En conséquence, la Russie n’a pas été neutralisée dans le cadre du conflit à venir entre les États-Unis et la Chine, une défaite majeure qui a conduit à une deuxième éventualité cardinale :
Les États-Unis se sont révélés incapables d’unir le monde non occidental autour d’eux dans leur projet anti-russe, malgré l’exercice d’une pression sans précédent.
Les événements survenus après le 24 février 2022 ont eu l’effet inverse : ils ont accéléré la destruction du modèle de monde unipolaire de l’histoire récente par le succès de la Russie face à l’Occident collectif, entraînant de grandes différenciations et l’adoption de positions, explicites ou implicites, par les plus grands acteurs non occidentaux de l’économie mondiale, à l’exception du Japon et de la Corée du Sud, satellites traditionnels de la politique américaine. Les différenciations et les positions qui cimentent les bases du nouveau monde multipolaire.
Cette deuxième défaite majeure constitue une menace existentielle pour les États-Unis, car à long terme, elle représente une menace immédiate pour le maintien de la domination mondiale du système monétaire américain.
L’irréversibilité du processus rend impraticable une révision substantielle de la stratégie étasunienne à l’égard de l’Ukraine, qui pourrait se traduire par une nouvelle augmentation significative du soutien militaire et financier quantitatif et qualitatif, d’autant qu’une telle initiative accroît proportionnellement les risques de frappes nucléaires sur le territoire des EU.
L’avenir proche nous dira quelle sera la contre-attaque de Washington.
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Oleg Nesterenko est président du CCIE, le Centre de Commerce et d’Industrie européen, à Paris. Voici le lien original de cet article.
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Les notes suivantes ont été ajoutées au texte original, ainsi que certains liens explicatifs . (XP)
(1) Personnellement, je n’aime pas beaucoup le terme « État profond » qui a selon moi le double inconvénient d’être frappé du sceau de l’« infamie » conspirationniste et d’invisibiliser ceux qu’il représente vraiment, c’est-à-dire les représentants de ce qu’on appellera au choix le complexe militaro-industriel, le grand patronat ou le capitalisme industriel et financier.
(2) Dans son texte, l’auteur n’aborde pas les guerres d’Afghanistan et de Syrie qui, si elles n’ont pas le même caractère d’accaparement que les guerres d’Irak et de Libye, n’en sont pas moins des « guerres du dollar » : dans le cas de l’Afghanistan, les États-Unis ont fait d’une pierre deux ou trois coups : mettre la main sur les gazoducs, contrôler la production d’opium et mettre des bâtons dans les roues des Nouvelles Routes de la Soie chinoises. Dans le cas de la Syrie, bien que le sous-sol syrien ait un rendement relativement faible, c’est toujours ça de pris, d’autant plus qu’il s’agit d’une première confrontation entre la Russie et les États-Unis.
(3) Le terme « Contre-Russie », probablement traduit littéralement du russe, signifie une nation « Némésis », c’est-à-dire rivale, ennemie jurée de la Russie.
(4) À l’origine, l’Euromaïdan a été l’expression des protestations d’une partie de la population ukrainienne occidentale, pro-européenne, à l’annonce par le président Ianoukovitch qu’il ne signerait pas les accords entre l’UE et l’Ukraine.
(5) Ici, je réitère mon désaccord avec cette thèse. Je ne crois pas à la sincérité des révélations de Merkel (pourquoi avoir attendu si longtemps avant de les faire ?). Je pense que les accords de Minsk II, dont la Russie était observatrice, étaient une réelle tentative de stabiliser la situation du Donbass avec des demandes raisonnables : autonomie de l’oblast, amnistie pour les rebelles pro-russes, démantèlement et désarmement des groupuscules néo-nazis et russophobes ukrainiens. Ça entre également en contradiction avec la volonté qu’avait alors la chancelière de se défaire de la dépendance allemande au gazoduc traversant l’Ukraine en favorisant le projet Nord Stream. Et pour quel résultat aujourd’hui ? L’Ukraine sera vraisemblablement amputée non seulement du Donbass mais probablement de plusieurs autres oblasts orientaux et l’économie allemande et européenne est sur le point de s’effondrer suite à la fermeture de Nord Stream. Je gage que François Hollande ne la contredira pas. Que ne feraient pas ces puissants pour (croire) être du bon côté du manche ? Si je me trompe, on pourra en conclure que ces sont des calculateurs hors-pairs.
(6) Je ne pense pas qu’on puisse qualifier le refus des dirigeants européens de s’approvisionner en énergie auprès de la Russie de « volontaire ». Ils s’y sont contraints par soumission au maître de Washington. Soit par trouille soit par intérêt.
(7) C’est vrai que dans la longue liste des guerres impérialistes étasuniennes, G.W. Bush fait figure d’exception.
(8) On peut croire ici que l’auteur se contredit un brin : il affirme plus haut que cette confrontation est existentielle pour les États-Unis autant qu’elle l’est pour la Russie. Ce qui est parfaitement vrai. Je crois que ce qu’il veut dire, c’est qu’une victoire ukrainienne n’est pas essentielle pour les États-Unis. Ce qui l’est par contre, et qui est en soi déjà une victoire pour les EU, c’est que l’UE se soit coupée de la Russie.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir