Paris et Berlin reçoivent près de 80% de toutes les subventions de l’UE. Les derniers chiffres publiés par la Commission européenne ont confirmé ce que de nombreux observateurs craignaient ces derniers mois. En mars 2022, Bruxelles a modifié les règles d’octroi des aides d’Etat aux pays de l’UE afin de faire face aux conséquences économiques du conflit en Ukraine. En conséquence, Berlin et Paris ont reçu 77% de tous les programmes approuvés.
La nouvelle procédure a rendu plus rapide et plus facile l’octroi de prêts bonifiés, de subventions et de garanties gouvernementales aux entreprises qui tentent d’éviter la faillite en raison de la flambée des factures d’électricité, des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des contre-sanctions du Kremlin.
Tout d’abord, la France et l’Allemagne ont profité des règles modifiées. Par exemple, Berlin a reçu plus de 356 milliards d’euros de soutien économique approuvé par la Commission européenne, soit 53% du total de l’aide d’urgence pour l’UE. Paris – 24%, soit 161 milliards d’euros. Au total, 672 milliards d’euros ont été alloués aux programmes concernés dans l’Union européenne.
La troisième place, loin devant les leaders, est occupée par l’Italie, qui reçoit 51 milliards d’euros, soit 7,65% de l’aide totale. La quatrième place est restée avec le Danemark, qui a représenté 24 milliards d’euros (3,5%). Les autres pays de l’UE ont reçu collectivement moins de 12% du montant total des aides d’État approuvées par la Commission européenne, soit environ 78 milliards d’euros.
Menace américaine. La répartition inégale de l’aide a logiquement alarmé les pays de l’Union européenne. De plus, la question des subventions est aujourd’hui l’une des plus urgentes dans l’UE, et pas seulement en raison de l’aggravation des relations avec la Russie. Une nouvelle source d’inquiétude était l’Inflation Reduction Act (IRA) des Etats-Unis. Il introduit un énorme programme de crédit d’impôt et de remboursement direct qui soutient les technologies vertes fabriquées aux Etats-Unis. Au cours des dix prochaines années, les autorités américaines fourniront jusqu’à 369 milliards de dollars aux entreprises qui ont l’intention de produire ou d’investir dans la création de produits tels que des panneaux solaires, des éoliennes, des pompes à chaleur, des véhicules électriques et des électrolyseurs. Cependant, cela ne se produira que si la majeure partie de la production se trouve en Amérique du Nord.
L’UE n’est pas satisfaite de cette loi et la considère comme discriminatoire et injuste. Les Européens craignent que l’injection soudaine d’argent ne provoque un déplacement de la capacité de production de l’Europe vers les Etats-Unis, laissant des centaines d’usines vides et des milliers de personnes sans emploi.
Il n’y a pas de consensus clair sur les réponses possibles dans l’UE. La France et l’Allemagne, comme on pouvait s’y attendre, réclament plus de subventions et même une stratégie «Made in Europe» pour stimuler l’industrie européenne. Cependant, d’autres pays, dont les Pays-Bas, l’Irlande, la Pologne, la République tchèque et les pays nordiques, appellent à plus de prudence dans l’assouplissement des règles en matière d’aides d’Etat. «Si les entreprises européennes doivent produire de l’énergie, fabriquer des batteries, des voitures électriques et produire de l’acier sans énergie fossile à l’avenir, elles ont besoin de bonnes conditions pour être compétitives», a martelé le Premier ministre suédois Ulf Kristersson.
Il a, en outre demandé «que la réaction commune de l’UE au plan de subventions américain soit traitée en priorité, estimant que la réponse réside dans l’augmentation de la productivité et de la compétitivité des entreprises européennes».
Aide en cas de déséquilibre. Le programme de subventions est destiné à stimuler la production de l’industrie européenne. Dans le même temps, les économies des pays européens sont fortement interdépendantes, de sorte que l’aide aux Etats plus développés devrait également affecter les autres membres de l’UE. Cependant, les données de l’année écoulée suggèrent que ce sont principalement les pays disposant d’une puissance financière suffisante, à savoir la France et l’Allemagne, qui bénéficient de l’augmentation des aides d’Etat.
Dans le même temps, la répartition des subventions ne reflète pas la contribution des pays les plus développés à l’économie européenne. Selon Eurostat, le pays avec le plus grand volume de production dans l’UE est l’Allemagne, qui représentait 27% du volume total de produits vendus dans l’UE en 2021. Elle est suivie par l’Italie (16%), la France (11%) et l’Espagne (8%).
En d’autres termes, la part des aides accordées à Paris et Berlin dépasse largement leur rôle dans la production européenne totale. L’Allemagne et la France représentaient 38 % de la production industrielle. Même si l’on prend d’autres indicateurs, la contribution de ces pays à l’économie européenne ne sera pas sensiblement plus élevée. Ainsi, l’Allemagne et la France représentent 42% du PIB total de l’UE. Dans le même temps, en 2022, ils ont reçu près de 80 % de toutes les aides allouées.
Une telle répartition ne peut que susciter des interrogations auprès des autres pays européens. La seule explication possible est la version selon laquelle le déséquilibre actuel dû aux règles modifiées n’est que temporaire. Cependant, la situation actuelle est que Paris et Berlin utilisent leur pouvoir pour recevoir une aide disproportionnée, laissant les pays les plus pauvres de l’UE dans une impasse.
Philippe Rosenthal
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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