Photo d’illustration : Le ministre délégué de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, en août à l’Élysée. (Ludovic Marin /AFP)Nous apprenons dans l’article ci-dessous que l’actuel ministre délégué de la Transition numérique est à l’origine de la Légion d’honneur de Mme Madeleine Dubois. Pourquoi pas, c’est son droit. Sauf que, les liens entre cette dernière et monsieur Jean-Noël Barrot sont extrêmement malsains. Faut-il rappeler que Madeleine Dubois est totalement impliquée dans le massacre de milliers de Français dans le scandale du Mediator du laboratoire Servier. C’était une lobbyiste qui passait son temps entre le laboratoire privé et les cabinets ministériels et qui a utilisé son carnet d’adresses et ses compétences afin de camoufler le scandale sanitaire, un des plus meurtriers en France depuis plusieurs décennies.
Nous apprenons que cette dame travaillait déjà pour le père de Jean-Noël, Jacques Barrot, dans les années 80 lorsque ce dernier était ministre de la Santé puis en 1995 lorsqu’il sera ministre du Travail ! qu’elle est une amie très proche de la famille Barrot et qu’elle est aussi la marraine politique du petit Jean-Noël. Il faut savoir que Madeleine Dubois sera embauchée comme conseillère en communication par Servier en 1985. Malgré la condamnation sévère du laboratoire, en première instance, il semble que la chancellerie de la Légion d’honneur ne soit pas du tout dérangée, bien au contraire, ils estiment que c’est quelqu’un d’exceptionnel qui mérite sa breloque.
C’est ce genre de copinage au plus haut niveau de l’État qui démontre le complot, qui établit que nous sommes gouvernés par des délinquants, des voyous qui utilisent leur réseau pour s’arroger encore plus de droits, de prestige et de médailles. Pire encore, ce genre d’affaire confirme à quel point les politiques n’ont aucune morale ni aucune conscience car, malgré la mort de milliers de patients sous Mediator, ils estiment cela comme un non-événement qui ne doit pas freiner leurs carrières ou leurs projets ! Ce manque effrayant d’empathie est assez spectaculaire et dangereux. C’est également ce genre de magouille qui fait très mal à l’État et à son autorité, qui discrédite la démocratie et qui pousse les gens à la révolte, comme nous le constatons aujourd’hui au Brésil par exemple.
Le timing, déjà, avait de quoi surprendre. Il n’est pas anodin que Madeleine Dubois, lobbyiste des laboratoires Servier, soit promue au grade d’officier de la Légion d’honneur, quelques jours à peine avant le procès en appel du Mediator, qui s’ouvre ce lundi.
Ce n’est pas tout : CheckNews est en mesure de dévoiler qui, au sein du ministère de l’Economie, est à l’origine de cette proposition : un certain Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des télécommunications. Qui n’est autre que le fils de Jacques Barrot, ancien ministre et… mentor de Madeleine Dubois, décorée le 1er janvier 2023.
Interrogée dans le cadre d’un précédent article, la grande chancellerie de la Légion d’honneur justifiait cette prestigieuse promotion par « de nouveaux mérites » en tant qu’ancienne élue d’un conseil départemental. Madeleine Dubois est en réalité beaucoup plus que ça. Elle est, d’abord, une vieille amie de la famille Barrot. Originaire, comme lui, de la commune d’Yssingeaux dans la Haute-Loire, elle trouve place aux côtés de Jacques Barrot dès la sortie de ses études, en tant qu’attachée parlementaire de celui qui est alors député. Elle ne le quittera plus, ou si peu. Madeleine Dubois suit ainsi Jacques Barrot au sein de ses divers cabinets lorsqu’il accède au gouvernement. Elle est à ses côtés au ministère de la Santé, au début des années 80, là où Servier la repérera. Elle retrouve Jacques Barrot en 1995, lorsque ce dernier revient à Paris au poste de ministre du Travail.
…
2 janv. 2022
L’enquête révèle à quel point le carnet d’adresses de Madeleine Dubois, largement alimenté par ses divers passages dans les arcanes du gouvernement, fut mis au service de la protection du médicament antidiabétique controversé. En 2009, alors que la Commission d’autorisation de mise sur le marché (CAMM) doit se prononcer sur un éventuel retrait du Mediator, elle demande un geste à Jean Marimbert, directeur de l’agence de sécurité sanitaire des produits de santé, une connaissance qui date de son temps au ministère du Travail. Les mails qu’elle lui envoie, consultés par CheckNews, sollicitent « une solution pour le Mediator », s’inquiètent d’une « médiatisation du compte rendu de la Commission de pharmacovigilance indépendamment du compte rendu de la commission d’AMM ». Et se terminent par cette formule : « J’espère que ta petite famille va bien. » Confrontée à cette correspondance lors du procès en première instance, où elle est entendue comme témoin, Madeleine Dubois jure tantôt qu’elle ne se souvient de rien, tantôt qu’elle a « fait ce qu’on [lui] a dit de faire ».
« Marraine » du fils Barrot
Entre-temps et en parallèle de son activité dans l’industrie pharmaceutique, Madeleine Dubois se lance dans la politique locale. Fidèle à son mentor, elle remplace Jacques Barrot dans son fief de Haute-Loire, en 2004, au conseil général du canton d’Yssingeaux. Avant de devenir vice-présidente du conseil général de Haute-Loire en 2013. Deux ans plus tard, elle prend sous son aile le fils Barrot, désormais ministre. C’est en binôme qu’ils sont élus au conseil départemental du canton d’Yssingeaux. D’après le journal local la Montagne, qui voit en Madeleine Dubois la « marraine » du jeune Jean-Noël Barrot, elle cherchait à l’imposer sur la scène politique de Haute-Loire depuis 2008. Aujourd’hui, c’est lui qui la décore.
Madeleine Dubois n’est pas la première protagoniste de l’affaire Mediator à figurer sur les registres de la prestigieuse institution. Outre Jacques Servier, qui reçoit la Grand-Croix de la Légion d’honneur des mains de Nicolas Sarkozy en 2009, on retrouve l’ancien garde des Sceaux Henri Nallet parmi les promus du 14 juillet de l’Ordre national de la Légion d’honneur, en 2015. Lui aussi compte parmi ses faits d’armes d’avoir été le conseiller de Jacques Servier. A l’époque, la pneumologue et lanceuse d’alerte Irène Frachon, à l’origine du scandale, s’indigne haut et fort, conduisant à une suspension de la récompense. Une suspension temporaire uniquement car, d’après nos informations, Henri Nallet a bien été décoré en 2021 au grade de commandeur de la Légion d’honneur.
…
Anaïs Condomines