«La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère.» – Blaise Pascal
Quelques jours après le jour de l’an, c’est l’heure de vérité.
Ceux qui ont réussi à tenir leur résolution jusqu’à présent, je vous lève mon verre.
Comme vous voyez, ma résolution cette année n’était pas d’arrêter de prendre un verre. À dire vrai, ce sont plutôt les résolutions elles-mêmes que j’ai arrêté de prendre… à force de ne pas les tenir.
Viser l’idéal de la sobriété, mais facilement prendre un verre de trop quand la fête s’emballe, n’est-ce pas le genre de cul-de-sac dans lequel on se retrouve? Une oscillation perpétuelle entre le «tout ce qui est permis» et le «tout ce qu’il faut arrêter de faire»? Entre les publicités d’alléchants desserts et celles des régimes minceur, on passe par toute la gamme des paradoxes de notre nature humaine.
L’insuffisance vertueuse
Étudiante en philosophie, j’avais assisté à un cours sur la question de l’agir moral. Après quelques séances passées à admirer l’architecture des vertus, le professeur nous lance comme ça : «Si vous voulez exceller dans l’art de la vertu, il est probable que vous n’y arriviez pas.» À la stupéfaction des étudiants, il nous invite à aller plus loin : la Bible.
En effet, devant la hauteur de l’édifice de la perfection morale, comment ne pas être pris de vertige? Comment déloger tous nos vices et défauts bien installés depuis des années?
Je trouvais que mon professeur n’avait pas tout à fait tort. Après tout, la Bible est un livre dont le contenu entier tente de dénouer ce qui se passe dans les premières pages. Si l’histoire débute avec le péché d’Adam et Ève, l’issue, elle, est heureuse.
Je découvrais que Dieu, tout parfait qu’il est, pouvait nous infuser les grâces pour pallier nos imperfections et nous hisser vers les sommets de la sainte vertu. Le témoignage des saints n’est-il pas la preuve éloquente de l’œuvre de la grâce? Certainement. Mais à condition de bien vouloir accueillir son imperfection.
Enlevez la pierre de mon soulier!
Temps de prière personnelle typique :
«Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Il me semble que tu ne t’es pas mise à genoux longtemps, le gars à côté, lui, il a l’air vraiment dévoué.
Tu as encore oublié ton cahier pour prendre des notes. Et la liste des personnes pour qui tu dois prier.
Bon, tu ne penses même pas à Dieu, mais à tout ce que tu ne fais pas. Peut-être que tu devrais t’en confesser?»
Ce désir de performance dans une activité aussi gratuite que la prière est le parfait exemple que l’on peut transposer notre obsession de bien faire jusque dans la vie spirituelle elle-même… alors que cette dernière devrait être un remède pour s’en libérer.
L’inquiétude excessive de bien agir envers soi, Dieu et les autres porte un nom : le scrupule. Le terme latin scrupulum signifie « pierre pointue », comme les petits cailloux qui se glissent dans nos souliers et nous empêchent de marcher confortablement. Ils traduisent la conscience morale qui nous aiguillonne, les remords qui nous rongent, mais qui ne sont pas ajustés au réel et nous empêchent d’agir.
Si elles ne sont pas enlevées, ces grenailles finissent par obstruer la source intérieure. Elles donnent lieu à des obsessions et à des doutes qui deviennent récurrents. À un souci constant d’avoir la certitude sur l’état de son âme.
Notre conscience morale devient de plus en plus troublée, car on finit par accorder toute son attention à des détails et on perd de vue l’essentiel de la vie chrétienne. En fin de compte, on se regarde soi-même et on oublie Dieu. Si on est pré-occupé, comment Dieu peut-il occuper l’espace de notre cœur?
Certes, les chrétiens sont témoins d’une bonne nouvelle. On veut vivre ce grand bien que l’on découvre, mais on ne parvient pas à le faire, tout comme on fait le mal qu’on ne veut pas faire. À tout moment de la vie spirituelle, un danger nous guette : nous décourager de notre péché et de nos imperfections, plutôt que de regarder d’abord la miséricorde.
Ma grâce te suffit
Même les grands saints ont connu des périodes de scrupules. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus en a souffert pendant un an et demi. Dans dans son manuscrit autobiographique elle confie:
Je me vis assaillie par la terrible maladie des scrupules. […] Toutes mes pensées et mes actions les plus simples devenaient pour moi un sujet de trouble
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus
La petite Thérèse était marquée par de profondes blessures d’abandon. Elle avait passé la première année de sa vie chez une nourrice, parce que sa mère ne pouvait pas l’allaiter. Les deuils se sont ensuite enchainés les uns aux autres : le décès de sa mère alors qu’elle n’avait que quatre ans lui a enlevé sa joie de vivre et le départ de ses deux plus grandes sœurs pour le Carmel a ravivé ce vide.
La benjamine de la famille ne se sentait jamais à la hauteur. Elle pleurait pour tout, sa vie de prière était aride, elle n’avait pas de grâces mystiques. Pour être une sainte, ne lui fallait-il pas être parfaite, comme les saints héroïques des histoires qu’elle lisait? Pourtant, elle portait un grand désir de sainteté. C’est un paradoxe. Parlant de sa «petite voie», elle confiait à sa sœur:
«Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections; mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. […] Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle: ‘‘Si quelqu’un est TOUT PETIT qu’il vienne à moi’’ […] Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus» - Sainte Thérèse de Lisieux à sa sœur en lui parlant de sa «petite voie».
Quand les scrupules viennent troubler l’âme, la petite voie de Thérèse semble toute pavée pour résoudre le problème. Au lieu de nous lamenter sur l’échec de notre vie spirituelle, il faudrait y voir une occasion en or pour accueillir la miséricorde de Dieu. Ce qui, tout compte fait, en garantira paradoxalement le succès.
N’est-ce pas la résolution à prendre avant toutes les autres?
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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